Selon un communiqué du département américain de la justice, Mme Audrey Strauss, procureur des États-Unis pour le district sud de New York, a annoncé le 15 juillet le dépôt d'une plainte civile visant à obtenir la confiscation d'une statue khmère en grès du Xe siècle - représentant Skanda sur un paon* - afin de la restituer au Royaume du Cambodge.
La statue a été volée au temple Prasat Krachap de Koh Ker, au Cambodge, et vendue par le marchand d'antiquités Douglas Latchford sur le marché international de l'art. Skanda sur un paon est considéré comme un chef-d'œuvre de l'art et un élément précieux du patrimoine culturel cambodgien. Le propriétaire de la statue a volontairement renoncé à la possession de la statue.
Skanda sur un paon chef d’oeuvre de l’art khmer du Xème siècle
Audrey Strauss, procureur des États-Unis à Manhattan, a déclaré : "Skanda sur un paon est une œuvre d'une grande importance historique, religieuse et artistique pour le peuple cambodgien. Par cette action, nous réaffirmons notre engagement à mettre fin à la vente d'antiquités faisant l'objet d'un trafic illégal aux États-Unis, et nous entamons le processus de restitution de Skanda sur un paon à son propriétaire légitime. »
De 928 à 944 de notre ère, Koh Ker était la capitale de l'ancien empire khmer au Cambodge. Sous le règne du roi Jayavarman IV, l'État cambodgien a construit un vaste complexe de monuments sacrés à Koh Ker, dont le temple Prasat Krachap et sa statuaire,révolutionnaire pour l'époque. De nombreuses statues, dont Skanda sur un paon, étaient immenses, souvent en mouvement, et se dressaient librement ou en haut-relief. Le corps et la queue du paon sont décorés de motifs gravés complexes. Les experts culturels khmers pensent que le visage de Skanda sur la statue pourrait en fait être le portrait d'un membre de la famille royale, comme Harshavarman II, le fils du roi Jayavarman IV.
L’histoire d’un pillage d’antiquité khmère
Selon la plainte** déposée au tribunal fédéral de Manhattan le 15 juillet 2021 :
Pendant la guerre civile, des statues et d'autres objets ont été volés à Koh Ker et sont entrés sur le marché international de l'art grâce à un réseau de pillage organisé.
Cette statue, ainsi que plusieurs autres statues importantes, ont été volées à Prasat Krachap en 1997 ou vers cette date par un ancien membre des Khmers rouges à la tête d'une équipe de pilleurs. Il l’a transporté en char à bœufs jusqu'à la maison d'un courtier près de la frontière thaïlandaise. Il savait que le courtier vendait des antiquités à un ressortissant étranger appelé "Sia" (qui signifie "seigneur" en thaï) "Ford" - le marchand d'antiquités britannico-thaïlandais Douglas Latchford».
En 2019, Latchford a été accusé par la justice américaine de crimes liés à un système des antiquités cambodgiennes pillées sur le marché international de l'art, principalement en créant de faux documents de provenance et en falsifiant des factures et des documents d'expédition. L'acte d'accusation a finalement été rejeté en raison du décès de Latchford le 2 août 2020.
Vers le 10 avril 2000, Latchford a vendu Skanda sur Paon et l’a importée aux États-Unis. Après que le propriétaire le plus récent ait été contacté par les États-Unis au sujet de cette statue, il a accepté de renoncer à la possession de cette statue ainsi qu’à toute revendication de droit, titre et intérêt sur celle-ci. Elle est maintenant en possession du Département de la sécurité intérieure des États-Unis.
Mme Strauss a remercié le Home Security Investigation pour son travail remarquable dans le cadre de cette enquête, qui, a-t-elle précisé, se poursuit, et a salué ses efforts constants pour retrouver et rapatrier les biens culturels volés et pillés. Mme Strauss a également remercié le ministère de la Culture et des Beaux-Arts du Royaume du Cambodge pour son aide dans cette enquête.
En février dernier la famille de Douglas Latchford avait déjà restitué une collection d’antiquités khmères estimée à 50 millions de dollars.
*Pour les hindous, Sanda est le dieu de la guerre, il est représenté assis sur sa monture le paon tueur de serpents nommé Paravāni
**Les allégations contenues dans la plainte ne sont que des accusations.