Le ministère de la Culture et des Beaux-Arts a annoncé dans un communiqué de presse le retour au Cambodge d’artefacts Khmers donnés par la famille de Douglas Latchford pour une valeur de 50 millions de dollars.
Ce collectionneur d’antiquité décédé l’été dernier à 88 ans, était en proie à de nombreuses accusations de crimes pour avoir dirigé un réseau de trafic d’artefacts reliant les plus grands du monde de l’art à la terreur des Khmères rouges.
Douglas Latchford a bâti sa réputation d’expert en antiquités khmères en parcourant les ruines locales et en co-écrivant plusieurs ouvrages de référence avec l'universitaire américaine Emma Bunker. Dans les années 1970 il est devenu l’un des principaux fournisseurs d’art cambodgien aux collectionneurs occidentaux. S’il aimait se considérer comme un sauveur d’oeuvres d’art abandonnées, son personnage est extrêmement controversé. Il était soupçonné d'avoir acquis des objets angkoriens par l'intermédiaire de contrebandiers cambodgiens et thaïlandais dès les années 1950 et 1960. Si une partie de son butin aurait été blanchie, il a gardé pour lui les plus grands chefs-d'œuvre khmers dans une collection dont on dit qu'elle rivalise avec celle du Musée national du Cambodge.
À sa mort, sa fille Nawapan Kriangsak hérita de ses 125 oeuvres qu’elle côtoyait depuis enfant dans son appartement familial à Bangkok et qui la hante depuis toujours.
Papa, lui disait-elle, ils marchent la nuit.
Estimée à plus de 50 millions de dollars, la collection représente pour Mme Kriangsak un fardeau bien trop lourd à gérer. C’est ainsi qu’elle a décidé de rendre tous les objets khmers de son père au Musée national de Phnom Penh où ils seront exposés.
D’innombrables artefacts ont disparu lors de la guerre civile. Aussi, le retour de ces objets vénérés pendant des générations constitue un formidable dénouement.
Phoeurng Sackona, la ministre de la Culture et des Beaux-Arts affirme que ces artefacts « sont le sang, la sueur et la terre de notre nation même qui a été arrachée. C’est comme si nous perdions quelqu’un à la guerre et que nous n’avions jamais pensé qu’il rentrerait à la maison et nous les voyons soudainement arriver à notre porte ».
L’acte de générosité de Nawapan Kriangsak, salué par les responsables cambodgiens, est l’aboutissement de 3 ans de négociation entre les autorités cambodgiennes et la famille Latchford.
Si Mme Kriangsak choisit de ne pas répondre aux accusations à l’encontre de son père, elle déclare tout de même, « J’aimerais que tout ce que Douglas a assemblé soit conservé là où les gens du monde entier pourront en profiter et le comprendre. Il n’y a pas de meilleur endroit que le Cambodge, où les gens vénèrent ces objets non seulement pour leur art ou leur histoire, mais aussi pour leur signification religieuse ».