Des experts ont demandé que l'on accorde une plus grande attention au phénomène de chaleur urbaine à Phnom Penh. L'urbanisation rapide a entraîné des changements rapides et la diminution des espaces verts.
Le développement a entraîné une forte croissance de la population dans les zones urbaines, ainsi qu'une augmentation du nombre de tours d'habitations et de chaussées en béton. Selon une étude récente, ces phénomènes ont fait augmenter les températures dans ce que l'on appelle les îlots de chaleur urbains.
Une urbanisation accélérée à Phnom Penh qui fait grimper les températures
Se Bunleng, chercheur au Centre d'études khmères et maître de conférences à l'Université royale de Phnom Penh a réalisé une étude qu’il a intitulée « Impacts de l’urbanisation sur les ilots de chaleur à Phnom Penh »
Elle indique que le phénomène est dû à une urbanisation accélérée, une croissance notable de la population urbaine, des activités économiques et des changements dans le paysage urbain et l'utilisation des sols.
L'étude s'est basée sur une analyse des données recueillies pendant huit mois entre 2020 et 2021. Des facteurs tels que la température de l'air, l'humidité, la vitesse du vent, le rayonnement solaire, les précipitations et la pression atmosphérique ont été observés.
Les principales conclusions démontrent des différences de températures et d'intensité des îlots de chaleur entre les zones urbaines et suburbaines de Phnom Penh. Une zone comme Boeng Keng Kang a connu une intensité de chaleur urbaine plus importante (jusqu’à 1,3 degré Celsius) que celle des zones suburbaines du district de Po Senchey.
"Quand il y a plus d'urbanisations dans la ville, cela augmente la température de l’air. Il y a plus de bâtiments qui émergent, et ceux-ci absorbent plus de chaleur ». a déclaré M. Bunleng lors d'une conférence publique organisée par le Centre d'études khmères début septembre.
Selon lui, l'urbanisation est également susceptible de réduire l'humidité relative en raison des surfaces imperméables qui empêchent l'infiltration et l'évaporation. Outre la réduction de l'humidité et l'augmentation de la température de l'air, l'apparition de nouveaux bâtiments et d'autres constructions affecte également la ventilation.
La population de Phnom Penh passe de 1,85 à 2,129 millions d'habitants en 7 ans
L'étude note la croissance de la population de Phnom Penh, qui est passée de 1,85 million d'habitants en 2012 à 2,129 millions en 2019, tandis que les zones urbaines se sont étendues de 250 Km2 en 2015 à 678,46 Km2 en 2019, selon le plan de la ville de Phnom Penh 2018-2030. Les recherches soulignent la présence croissante de plateformes de transport, de centres d'affaires et de complexes industriels - qui contribuent tous au réchauffement.
Toutefois, M. Bunleng a reconnu une limite à sa recherche. Il n'a installé en effet que trois stations météorologiques dans les zones urbaines et suburbaines pour recueillir ses données. Il a toutefois recommandé d'accorder plus d'attention à cette question et de mener d'autres recherches pour rendre les impacts plus clairs et ouvrir la voie à de meilleures solutions.
Le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) des Nations unies, publié le 16 août, indique également que de nombreuses villes et centres urbains dans le monde entier ont connu un réchauffement.
Ces effets ont été exacerbés par des facteurs importants tels que la géométrie urbaine, les activités humaines et les matériaux qui composent les villes. "L'effet d'îlot de chaleur urbain est encore amplifié dans les villes qui manquent de végétation et de plans d'eau", ajoute le rapport.
Le professeur Lutz Katzschner, chef de projet sur le climat urbain au sein de l'organisation Build4People,pense que le développement urbain rapide peut entraîner des problèmes croissants d'îlots de chaleur urbains et que cela nécessite une plus grande attention de la part des parties prenantes.
Tous les développements de la planification urbaine doivent prendre en compte l’impact de l'urbanisation sur le climat urbain
a déclaré M. Katzschner.
La crise climatique aggrave la chaleur urbaine
Le Cambodge est connu pour être l'un des pays les plus vulnérables à la crise climatique. Il a connu une augmentation spectaculaire des événements climatiques extrêmes au cours des dernières années, notamment des vagues de chaleur et des inondations.
M. Katzschner soutient qu'avec l'augmentation des impacts du changement climatique, il est plus que jamais essentiel que les décideurs politiques recherchent des solutions plus pratiques au problème des îlots de chaleur.
"Le développement urbain va accroître les îlots de chaleur urbains, surtout si la densification s'accentue. En plus de cela, le changement climatique mondial aggrave la situation", a-t-il déclaré.
Le changement climatique modifie la durée des événements extrêmes : "Cela vaut pour les inondations comme pour les périodes de sécheresse. À cela s'ajoute la densification de la ville, qui augmente le stockage de la chaleur et le ruissellement de l'eau."
Si ce problème de chaleur, qui peut être exacerbé par la crise climatique, n'est pas correctement traité, à Phnom Penh en particulier, il y aura des effets sanitaires plus graves, notamment la pollution urbaine.
"Si des voies aériennes pour réduire le stress thermique ne sont pas créés, nous pouvons nous attendre à des problèmes de santé plus graves et à une augmentation de la pollution atmosphérique", a déclaré M. Katzschner.
La crise climatique pouvant entraîner une hausse des températures et des vagues de chaleur plus longues et plus dures, les zones urbanisées qui souffrent déjà du problème des îlots de chaleur seront probablement confrontées à un stress thermique plus aigu.
Selon l'Organisation mondiale de la santé, cela peut avoir plusieurs conséquences sur la santé. Les personnes exposées aux chaleurs extrêmes peuvent souffrir d'épuisement. Les personnes dont la santé est fragile, les personnes à faible revenu et les enfants sont parmi les plus vulnérables.
La planification urbaine doit être adaptée pour faire face aux effets de la chaleur urbaine
Comme de nombreuses autres villes, Phnom Penh va continuer dans les années à venir, à connaître une urbanisation rapide due au développement économique. Par conséquent, les décideurs politiques doivent chercher des solutions spécifiques pour faire face à l'impact du développement.
En prenant en compte les impacts du changement climatique, M. Katzschner a déclaré que les autorités devraient peut-être se concentrer sur l'élaboration d'une carte climatique pour faciliter la planification urbaine.
"Tout d'abord, Phnom Penh a besoin d'une carte climatique urbaine pour montrer les points chauds et donner des recommandations axées sur le climat".
"Dans le cadre du projet Build4People, nous y travaillons et nous serons prêts d'ici un an. Avec cet instrument, un échange avec la planification urbaine, les stratégies d'atténuation des autorités peuvent être développées."
Tang Sochet Vitou, professeur d'architecture à l'Université royale des beaux-arts, a déclaré que Phnom Penh n'a besoin que d'une solution simple : plus de parcs publics avec plus d'arbres et de systèmes de refroidissement. "De nombreuses villes du monde entier subissent le même schéma, et Phnom Penh n'en est pas exempté. Ce dont nous avons besoin, c'est de prêter attention à la création de parcs publics qui ne servent pas seulement aux gens mais aussi aux animaux et aux oiseaux", a déclaré M. Vitou.
De nombreux lacs et espaces publics sont transformés en nouvelles constructions, les promoteurs immobiliers ne pensant pas à entretenir correctement les espaces verts. "Dans notre ville, le problème le plus aigü est le nombre croissant de projets lotissement privé ou de borey. Il est difficile de créer des espaces verts ou des parcs, car de nombreux lacs ont été remplis pour ces projets ", a-t-il déclaré.
Un autre problème est que les promoteurs immobiliers ont un pouvoir de décision trop important lorsqu'il s'agit de développer ou d'utiliser leurs propres terres.
Selon lui, les zones d'enfouissement qui ont été transformées en boreys ne peuvent pas être réhabilitées car le rachat par l'État serait trop coûteux et prendrait beaucoup de temps. "Mais il est essentiel que nous puissions penser à protéger les lacs restants et faire en sorte que ces espaces soient réhabilités à l'avenir", a-t-il dit.
M. Vitou a suggéré que les décideurs politiques conçoivent des règlements à l'intention des promoteurs immobiliers, en particulier des propriétaires de borey, garantissant la conservation des parcs publics et des espaces verts. « Le cadre politique doit être précis concernant l'utilisation du paysage pour les développeurs de projets, pour le bien être des gens", a-t-il déclaré.
La politique devrait fixer des directives sur le pourcentage du terrain à conserver pour les parcs. Cela empêcherait les promoteurs de faire ce qu'ils veulent avec les terrains, notamment de les utiliser comme décharges, de les diviser en parcelles et de les revendre. ".Les promoteurs doivent veiller à ce qu'il y ait des parcs publics avec des arbres, des jardins et des lacs. Ils devraient être obligés de suivre ces normes », a-t-il ajouté.
Selon M. Vitou, cela permettrait non seulement d'offrir des espaces naturels pour la santé de la population, mais ces zones joueraient un rôle essentiel en cas d'urgence ou de crise de santé publique comme le COVID-19. "Il s'agit de durabilité, de sécurité et de santé", a-t-il déclaré.
M. Katzschner a convenu que pour faire face au stress thermique, il était nécessaire d'intégrer davantage de directives liées au climat dans la planification du développement urbain, tandis que davantage d'espaces verts devraient également être créés à Phnom Penh. "Je pense que des directives sont nécessaires, notamment sur la manière de mettre en œuvre les questions de climat urbain dans le processus de planification ordinaire. Cela concerne aussi bien les changements d'affectation des sols que les constructions de bâtiments", a-t-il déclaré.
En outre, Phnom Penh devrait prévoir encore plus d'espaces verts, car ils peuvent réduire la charge thermique nocturne et donner de l'ombre pendant la journée.
Sao Phal Niseiy
Cet article a été initialement publié en anglais Cambodianess