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Peintures et affiches de la civilisation angkorienne à nos jours

FresqueFresque
Peintures à la pagode Mohaleap dans la commune de Mohaleap, district de Koh Sotin, province de Kampong Cham - AKP
Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 23 avril 2023

Situé dans la bande des alizés de l’hémisphère Nord, le Cambodge, additionné de vent de mousson, se trouve exposé à un climat tropical, chaud et humide, qui favorise le développement brusque de micro-organismes. A cause de ce climat si particulier, aucune fresque antérieure à la période angkorienne n’a subsisté jusqu’à nos jours. En effet, ces  micro-organismes, multiples, attaquent les œuvres d’art de valeur et les font réduire, entièrement ou partiellement, en miettes. 

 

Malgré cette absence de témoignage pictural, on peut supposer que les populations vivant à l'époque angkorienne avaient l’habitude de peindre à leur gré sur les murs des édicules ou des “prasats” (temples) ou, peut-être, sur des parois rupestres.

 

L’art décoratif par impression sur la poterie néolithique de la grotte “Spean” (= pont), du district de Rattanak Mondul de la province de Battambang, est un témoignage édifiant du goût pour l’usage des matières organiques par les populations locales à l’époque. 

L’usage de la glaise est manifeste, aussi ont-ils employé de l’ocre rouge ou jaune et de manganèse pour embellir leurs poteries. Mais aucune trace picturale sur un tel objet ne nous est parvenue. 

 

A la recherche d’un art décoratif, toujours évolutif et d’esprit purement Khmer, qui se développait de pair avec l’architecture monumentale, profane ou religieuse, les populations de la civilisation angkorienne ont très vite intégré à leur culture l’art de peindre sur les murs.

C’est le cas d’édifices comme les tours angkoriennes dont deux, bâties en brique, construite dès le début du 10e siècle, et situées dans la province de Takéo, sont connues sous le vocable de “Neang Khmao” (= la Noire). Cette étymologie est sanskrite et connue, aussi bien chez les Cambodgiens que chez les Indiens, comme l’une des “çakti” (= énergie) de Shiva, dieu créateur et destructeur de l’iconographie hindouiste.

 

Cette unique tradition de peinture murale datant de la période angkorienne a recours à trois couleurs: le rouge, le brun rouge et le noir. 

On note que la représentation en fresque d’inspiration religieuse se prive de décor végétal, le caractère architectural semblerait témoigner d’une influence des bas-reliefs sur la peinture. Son thème principal est consacré aux exploits du dieu Vishnu.

 

Nous empruntons à J. Boisselier quelques remarques : 

Bien que nous relevions dans les textes laotiens l’envoi par le roi du Cambodge, au moment de la fondation du royaume de Lan-Chong, d'apprentis afin de “peindre des ornements et des figures”, rien n’est connu pour la fin de la période angkorienne et il faut attendre la fin du 16e ou le 17e siècle pour retrouver, à Angkor Wat notamment, quelques traces de peinture ”. 

 

Certes, le 16e siècle était le siècle de vocation de la peinture en or sur fond noir, lequel provient de la laque obtenu d’essence ayant une affinité avec l’or : le Kroel. 

Les pièces de la galerie de 1 000 Bouddha d’Angkor Wat sont presque toutes peintes et dorées. Un orant en bois du Musée national agenouillé, aux mains jointes à la hauteur de la poitrine, est l’œuvre, elle aussi, du 16e siècle et un exemple concret d’usage de la peinture de l’époque. Il n’est pas impossible qu’au temps de la construction de la ville d’Angkor, les Cambodgiens doués de talent aient recouvert leurs temples de la polychromie dont le prélèvement en explique la présence dans le creux du décor floral ou de bas-relief du temple de Bayon. Ceci est la preuve manifeste d’usage de détrempe broyée et délayée dans une eau additionnée de colle servant de couleur de base pour pouvoir ensuite appliquer la dorure sur motifs décoratifs des œuvres réalisées. Ainsi les missionnaires étrangers venus au Cambodge au 13e siècle s'émerveillèrent-ils sur l’état de la ville d’Angkor, dont les temples scintillaient à mille éclats d’or au coucher du soleil.

 

Mais il est remarquable que, dans la période contemporaine, les murs intérieurs des pagodes, les volets et vantaux de grands établissements d’Etat comme le Musée national de Phnom Penh, des pièces de vitre, des petites toiles, des murs de la galerie de la pagode d’Emeraude soient encore très souvent couverts de peintures en détrempe. 

Les sujets traités se rattachent souvent soit à la scène de la vie antérieure du Bouddha, surtout ses 10 dernières vies, avant qu’il ait atteint le parinirvana, sa délivrance complète, soit aux grandes épopées classiques, en particulier le Ramayana Khmer, soit à la prêche du Bienheureux Anrès; mais la technique de peinture des artistes contemporains est surtout conventionnelle en ce qui concerne les costumes, l’architecture, les personnages et leurs gestes, leurs attitudes et les paysages. Quant aux animaux, ils aiment bien styliser leurs aspects et choisissent des êtres mythiques, Garada, Kinnara, Gaja-simha, comme animaux ou oiseaux de prédilection.

 

Depuis la création de l’Ecole des Beaux-Arts à Phnom Penh en 1917, un certain nombre de jeunes artistes se sont orientés vers des techniques de peinture plus occidentales, mais la discipline principalement enseignée reste liée à la peinture traditionnelle dont la couleur principale est le brun rouge, (à laquelle se sont ajoutées par la suite le bleu, le vert, le jaune, le blanc et le noir) et le dessin est posé en à-plat. Les dessinateurs ne tiennent pas compte du volume, ce qui compte c’est que la couleur soit vive et brillante. La règle de perspective, elle aussi, n’entre peut-être pas dans la composition. 

Il existe certainement des peintres qui ne manquent pas de talent, mais rares sont ceux qui ont réussi à exprimer, sur la surface réduite de la toile de chevalet, leurs qualités innées de composition et leur sens d’harmonie des couleurs. 

 

A la réouverture de l’Université des Beaux-Arts, en 1965, cette technique de peinture traditionnelle retrouvait sa place parmis les branches des différentes disciplines enseignées, aux côtés de la peinture moderne et de la section des affiches. Aussi, cette technique particulière de peinture, héritage indéniable de la civilisation angkorienne, a su perdurer dans la tradition jusqu'à nos jours. 

 

AKP

 

 

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