Inondations et vagues de chaleur perturbent les activités des vendeurs de rue cambodgiens, aggravant leur précarité. Un rapport d’Oxfam alerte sur l’urgence d’agir.


Au Cambodge, les vagues de chaleur extrême et les pluies diluviennes se multiplient, frappant de plein fouet les travailleurs de l’économie informelle, en particulier les vendeurs de rue. Une étude inédite, commandée par Oxfam et StreetNet International, met en lumière les conséquences alarmantes de ces bouleversements climatiques sur leurs conditions de travail et de vie.
Intitulé Street Vending in a Changing Climate, le rapport analyse la situation au Cambodge, au Laos et au Vietnam. Il décrit des femmes et des hommes vendant nourriture, boissons ou articles ménagers à même les trottoirs, souvent sans abri ni protection. La moindre averse peut ruiner leur journée ; la chaleur extrême fait fuir les clients et provoque des malaises.
Des moyens de subsistance menacés
À Phnom Penh, Yov Leap, 62 ans, vend des boissons fraîches près de la pagode Ounalom depuis plus de vingt ans. « Personne n’achète quand il pleut trop fort et que l'eau recouvre la route », confie-t-elle. Comme elle, Vy Vuth, vendeur ambulant de viandes grillées, subit les aléas du climat : « Quand la pluie est forte et dure, je dois arrêter, je n’ai plus de clients. »
Le dilemme est quotidien : rester malgré les intempéries ou fermer et perdre tout revenu. Dans un secteur sans contrat, ni salaire fixe, ni protection sociale, chaque décision est un pari risqué.
Une majorité de femmes, doublement pénalisées
Les vendeurs de rue représentent plus de 10 % des activités commerciales du Cambodge, selon les données de 2022, soit plus de 77 000 établissements et 116 000 emplois. Parmi eux, près de 75 % sont dirigés par des femmes. Ces dernières cumulent souvent la gestion de leur commerce avec les tâches ménagères, la garde des enfants ou des personnes âgées.
Résultat : elles sont plus exposées à des pertes de revenus prolongées après un événement climatique et ont moins de chances d’accéder aux aides, faute de temps ou d’accès à l’information. Elles sont aussi plus vulnérables aux violences, notamment dans les lieux de vente isolés ou mal éclairés.
Des politiques encore insuffisantes
Bien que le gouvernement cambodgien ait adopté une Stratégie nationale pour le développement de l’économie informelle (2023–2028), les effets sur le terrain se font attendre. « Beaucoup doivent encore vendre dans la boue ou dans les rues inondées », déplore Vorn Pov, président de l’IDEA (Independent Democracy of Informal Economy Association).
Sou Socheath, directeur de Live & Learn Cambodia, rappelle que le manque d’infrastructures adaptées – abris, drainage, zones de vente désignées – renforce la précarité de ces travailleurs. « Même si les eaux se retirent vite, le mal est déjà fait. »
Des solutions concrètes et peu coûteuses
Le rapport propose des mesures simples, peu onéreuses et applicables rapidement : création de marchés équipés d’abris et d’accès à l’eau, reconnaissance juridique des vendeurs pour leur donner droit à la protection sociale, microcrédits pour aider à l’adaptation des activités.
L’architecte Hor Daro insiste sur l’importance d’un urbanisme pensé pour le climat : plantations d’arbres, ombrages, espaces publics ventilés. « Les dépenses seraient minimes, mais les résultats concrets », assure-t-il.
L’idée d’installer des crèches près des zones de vente, afin de soulager les mères travailleuses, fait également son chemin.
Intégrer les vendeurs dans les stratégies climatiques
Pour Nash Tysmans, de StreetNet International, l’enjeu dépasse la survie individuelle. «Si les travailleurs de base sont exposés sans protection, c’est toute l’économie qui vacille.»
Elle souligne la nécessité de lier les luttes : « Changement climatique, droits du travail et égalité de genre sont indissociables. »
Sou Socheath conclut en insistant sur la formation : « Si les vendeurs ne sont pas impliqués et formés, même les meilleures infrastructures échoueront. C’est leur éducation qui doit guider les politiques. »
Source : Cambodianess
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