Un éclairage historique et actuel sur le conflit frontalier entre la Thaïlande et le Cambodge, centré sur Preah Vihear et les tensions récurrentes qui en découlent.


Le conflit frontalier entre la Thaïlande et le Cambodge est un différend territorial ancien, principalement centré sur le temple de Preah Vihear (ប្រាសាទព្រះវិហារ), appelé Phra Viharn en Thaïlande, et les zones environnantes.
Il trouve ses racines dans des traités coloniaux, des récits nationalistes concurrents et une délimitation frontalière inachevée.
Au fil des ans, les tensions ont parfois dégénéré en affrontements armés, affectant les relations bilatérales et la stabilité régionale.
Cet article revient sur le contexte historique, les causes principales, les incidents majeurs et les pistes de résolution possibles de ce différend.
Contexte historique
L’héritage colonial et le traité de 1907 constituent le point de départ du conflit. Au début du XXᵉ siècle, le Cambodge était sous protectorat français tandis que la Thaïlande (alors Siam) demeurait indépendante.
En 1907, un traité franco-siamois fixa la frontière, attribuant le temple de Preah Vihear au Cambodge sur la base d’une carte réalisée par des géographes français.
Plus tard, la Thaïlande contesta cette carte, estimant qu’elle ne suivait pas correctement la ligne de partage des eaux censée matérialiser la frontière naturelle.
En 1959, le Cambodge porta l’affaire devant la Cour internationale de justice (CIJ). En 1962, celle-ci reconnut la souveraineté du Cambodge sur Preah Vihear, jugeant la carte de 1907 juridiquement valable et soulignant l’absence d’objections antérieures de la Thaïlande.
Si Bangkok accepta la décision, elle continua néanmoins de contester le territoire entourant le temple, non explicitement défini par l’arrêt.
Causes du conflit
L’un des principaux facteurs du différend réside dans l’absence de délimitation claire de la frontière autour du temple.
Le site a été attribué au Cambodge, mais une zone d’environ 4,6 kilomètres carrés demeure revendiquée par les deux pays, chacun en proposant une interprétation différente.
Le nationalisme et la politique intérieure alimentent également le conflit. En Thaïlande, certains groupes nationalistes et segments de l’armée ont régulièrement utilisé cette question pour mobiliser l’opinion, notamment en période d’instabilité politique. Au Cambodge, d’anciens dirigeants, dont Hun Sen, ont aussi mis en avant ce dossier pour renforcer leur légitimité nationale.
Les enjeux économiques et stratégiques jouent un rôle supplémentaire : Preah Vihear, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, attire des recettes touristiques, et la région pourrait contenir des ressources naturelles encore inexploitées.
Enfin, la présence de troupes des deux côtés de la frontière entretient le risque de confrontations, notamment lorsque des constructions ou des mouvements militaires sont interprétés comme des provocations.
Incidents majeurs et escalades
L’inscription de Preah Vihear au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2008 a ravivé les tensions. La Thaïlande s’y opposa, arguant que la zone environnante restait litigieuse. Des positions militaires furent déployées de part et d’autre et des affrontements éclatèrent entre 2008 et 2011, faisant plusieurs dizaines de morts et provoquant le déplacement de civils.
En 2011, de violents combats furent signalés non seulement autour de Preah Vihear, mais aussi près des temples de Ta Moan et Ta Krabey. Des échanges d’artillerie endommagèrent le complexe ancien et causèrent des victimes civiles. Le Cambodge sollicita une nouvelle interprétation de l’arrêt de 1962 auprès de la CIJ.
En 2013, la Cour confirma la souveraineté du Cambodge sur Preah Vihear et demanda aux deux pays de retirer leurs troupes d’une zone démilitarisée provisoire.
Depuis, les affrontements de grande ampleur ont diminué, même si des tensions persistent. Les deux pays ont engagé des travaux conjoints de démarcation, mais leur progression reste lente, freinée par des changements politiques en Thaïlande et la volonté cambodgienne de préserver strictement sa souveraineté.
Pistes de résolution
Les négociations bilatérales demeurent la voie privilégiée. Des comités frontaliers conjoints existent, mais la méfiance réciproque complique les avancées. Des mesures de confiance, comme des échanges culturels ou des coopérations économiques, pourraient contribuer à apaiser les tensions.
L’ASEAN a joué un rôle limité, les deux pays préférant un règlement direct. Néanmoins, une médiation internationale — par l’ONU ou par un État tiers — pourrait faciliter la reprise du dialogue lorsque les discussions bilatérales s’enlisent.
Des initiatives économiques conjointes, comme une gestion partagée du site ou l’exploitation commune de ressources, pourraient transformer cette zone contestée en espace de coopération plutôt qu’en point de friction.
Enfin, une délimitation frontalière finale, potentiellement soutenue par un nouvel avis de la CIJ, offrirait une solution durable. Celle-ci supposerait toutefois des concessions difficiles pour les deux gouvernements.
Le conflit frontalier entre la Thaïlande et le Cambodge reste marqué par des racines historiques profondes, l’influence du nationalisme et l’absence de démarcation claire.
Malgré l’arrêt de 1962 qui a fixé le statut du temple de Preah Vihear, la zone environnante continue de susciter des tensions et, à l’occasion, des affrontements.
Une résolution durable suppose une volonté de dialogue, une coopération économique et un engagement diplomatique constant. Sans cela, cette frontière continuera de représenter un point sensible en Asie du Sud-Est.
Cet article a été publié précédemment sur wondersofcambodia.com que nous vous invitons à consulter. Il regorge d'informations sur tous les aspects du Cambodge.
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