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Le braconnage menace la biodiversité des oiseaux en Asie du Sud-Est

En Asie du Sud-Est, le braconnage des oiseaux explose, poussé par la pauvreté et une demande croissante de viande sauvage.

Braconnage d'oiseauxBraconnage d'oiseaux
Photo : Yann Bigant

Chaque nuit dans la province cambodgienne de Kampong Chhnang, Samnang installe ses filets près des rizières. Il espère capturer une dizaine d’oiseaux avant l’aube. Beaucoup utilisent des haut-parleurs imitant le chant des volatiles pour les attirer directement dans les pièges.

Ce n’est pas un cas isolé. Selon BirdLife International, le braconnage des oiseaux s'étend dans toute l’Asie du Sud-Est et touche plus de 500 espèces. Les techniques sont variées : filets, crochets, leurres vivants, frondes, poisons, armes artisanales ou glue. Les filets japonais à mailles fines, peu coûteux et faciles à manier, sont parmi les plus destructeurs.

La viande d’oiseau, un commerce florissant

L’organisation Dialogue Earth, spécialisée dans le journalisme environnemental a localisé des ventes d’oiseaux sauvages sur 12 marchés de six provinces cambodgiennes. Dans les marchés, y compris à Phnom Penh, il est facile de repérer des vendeurs de cailles, colombes, canards siffleurs, hérons et même cigognes. Certains chasseurs, comme Samnang, alimentent également les intermédiaires et les clients réguliers.

Bou Vorsak, directeur de NatureLife Cambodia, explique que cette demande repose sur l’idée que la viande sauvage est plus « naturelle », plus saine, plus savoureuse.

Braconnage d'oiseaux

 

Des espèces communes en danger

Le braconnage est aujourd’hui l’un des principaux dangers pour les oiseaux au Cambodge. Et ce ne sont plus seulement les espèces rares qui disparaissent : les plus communes déclinent aussi.

D’après Ding Li Yong, coordinateur régional chez BirdLife Asia, la plupart des espèces migratrices hivernant dans la région sont en forte baisse. Le problème : les zones protégées ciblent surtout les forêts, oubliant les rizières, plaines inondables ou marais salants.

Une loi peu respectée

Vendre des animaux sauvages sans permis est illégal, mais la loi est rarement appliquée. Manque de moyens, corruption, solidarité locale : autant de freins aux contrôles.

Les policiers ferment souvent les yeux tant que la chasse reste dans le village. Au-delà, les contrevenants risquent entre 7 et 12 dollars d’amende. À Batheay, pourtant réputé pour son commerce d’oiseaux, les opérations coup de poing restent sans effet durable.

Chasser pour survivre… ou pour vendre

Dans certaines régions, la chasse répond à un besoin vital. À Boeung Prek Lapouv, dans la province de Takeo, des habitants reconnaissent braconner pour nourrir leur famille. « Je sais que c’est interdit, mais je n’ai pas le choix », expliquent-ils. 

Mais tous ne le font pas par nécessité. Des professionnels tendent des filets de plusieurs centaines de mètres pour piéger en masse. 

Braconnage d'oiseaux

 

Des pistes pour stopper l’hémorragie

Selon un expert du trafic d’oiseaux au Cambodge, ceux-ci sont bien moins protégés que les mammifères. Il réclame une loi spécifique. Certaines actions ciblent le matériel de chasse : la Chine a interdit les filets japonais, et plusieurs plateformes en ligne suppriment désormais les annonces. Mais la répression ne suffit pas.

Pour Emiel De Lange (Wildlife Conservation Society Cambodia), pénaliser la chasse revient à frapper les plus précaires. Il propose une aide directe de 2,70 dollars par jour, couplée à des campagnes de sensibilisation, pour réduire l’attrait de la viande sauvage.

Un avenir fragile pour les oiseaux

À Koh Kapik, zone protégée dans la province de Koh Kong, la chasse recule grâce à l’ONG Wildlife Alliance. Mais dans les villes voisines, les marchés continuent de proposer des oiseaux sauvages.

Ailleurs en Asie, la situation diverge. Au Vietnam et au Laos, les populations d’oiseaux s’effondrent. En Thaïlande, au contraire, la chasse a nettement reculé, grâce à une meilleure protection légale et à l’urbanisation.

Au Cambodge, tout dépendra de la volonté politique, souligne K. Yoganand, ex-responsable régional du WWF. 

Avec l'aimable autorisation de Cambodianess qui nous permet d'offrir cet article à un public francophone. 

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