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Une adolescence au Cambodge : grandir dans un monde de contraintes et d’espoirs

À Sihanoukville, de nombreux adolescents grandissent entre responsabilités précoces, pressions familiales et risques sociaux. Au Centre Enfants de Klang Leu, ils trouvent un espace pour apprendre, se reconstruire et envisager un avenir possible malgré la précarité.

Une adolescence au Cambodge - grandir dans un monde de contraintes et d’espoirsUne adolescence au Cambodge - grandir dans un monde de contraintes et d’espoirs
Le Teen Club en visite sur le bateau solidaire Doulos Hope
Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 30 novembre 2025

À Sihanoukville comme ailleurs au Cambodge, grandir n’est jamais simple. Et lorsque l’on vient d’un milieu défavorisé, l’adolescence devient un parcours semé d’obstacles.
Nous sommes allés au plus près de ces jeunes qui apprennent à construire, pas à pas, leur avenir, au Centre Enfants de Klang Leu (EKL) de Sihanoukville, où se dessine jour après jour une mosaïque d’histoires et d’espérances.

La pression de grandir trop vite

Arrivés à un certain âge, 12, 13 ou 14 ans, les jeunes deviennent une force de travail potentielle pour leurs familles : participer aux tâches domestiques, s’occuper des plus petits, ou surtout trouver un emploi pour compléter les revenus. Dans un foyer vivant avec moins de 200 dollars par mois, chaque paire de bras compte.

Et des circonstances malheureuses peuvent accentuer cette pression : un proche malade ou devenu impotent, le décès d’un des parents, un abandon familial, le chômage pour de multiples raisons d’un parent. Quitter l’école pour travailler à l’usine, sur les chantiers ou dans la rue devient une décision presque inévitable — une réponse immédiate à une urgence quotidienne.

C’est le choix que Lyni, issue d’une famille de cinq personnes, a failli faire à ses 17 ans. Ses parents voulaient la déscolariser. Aujourd’hui, grâce à l’accompagnement du centre EKL, elle a terminé une formation culinaire à Siem Reap, trouvé un emploi qualifié et découvert un monde bien plus vaste que son quartier d’origine. Au fil de son parcours, elle a développé des savoir-faire, du savoir-être, de la confiance en elle et une vraie détermination — autant d’atouts pour construire son avenir.

Pour les filles, les pressions prennent parfois d’autres formes : le mariage précoce ou la maternité non choisie. C’est l’histoire de Katang, devenue maman bien trop tôt. Pour ces jeunes mères et leurs bébés, l’association EKL met en place un accompagnement global — suivi social, formation, soutien à la parentalité — afin de leur permettre de se reconstruire et d’envisager un futur durable avec leurs enfants.

Des risques qui dépassent les murs du foyer

Mais les dangers ne viennent pas seulement de la maison. La drogue circule facilement, jusque dans les écoles publiques pour le cas de Klang Leu. Certains dealers ciblent directement les adolescents. Dans les quartiers populaires de Sihanoukville, les terrains de volley, les salles de billard ou les ruelles, souvent associés aux paris et à la consommation d’alcool, peuvent devenir des lieux d’expérimentation risqués, dans une quête d’identité et d’appartenance. Vy (son nom a été changé), une ado du centre EKL, est tombée dans les revers de la cigarette électronique. Alertés par ses amis, les parents et l’équipe du centre EKL ont pu mettre en place des mesures rapidement.
« EKL multiplie les ateliers de prévention et les espaces d’écoute pour offrir aux adolescents des alternatives à ces dérives. Nous travaillons avec les autorités locales pour faire des écoles et de leurs abords des lieux réellement sûrs pour les enfants. », explique Samrith Keo. « Une démarche essentielle : la sensibilisation ne suffit pas, il faut aussi créer un environnement protecteur. »

 

Pitch faisant ses devoirs de vacances sur une valise improvisée en table
Pitch faisant ses devoirs de vacances sur une valise improvisée en table

 

L’école, quant à elle, peine à retenir ces jeunes. Les classes sont surchargées, les heures de cours insuffisantes, les enseignants débordés, les moyens limités. Faute de temps, il est difficile pour eux de suivre les absences, de dialoguer avec les familles ou de proposer un accompagnement individualisé. Les outils pédagogiques sont restreints, les méthodes d’enseignement demeurent très magistrales. Quant aux familles, elles peinent à financer du soutien scolaire ou des activités extra-scolaires.

Des foyers peu supportifs

Dans ces quartiers densément peuplés, la promiscuité est la norme. C’est souvent vivre à plusieurs dans une seule pièce, sans intimité ni espace de travail. Plusieurs générations vivent sous le même toit, partageant un espace réduit où il est difficile de trouver calme et concentration. Les devoirs se font sur le lit, à même le sol ou sur une table de terrasse — selon la place disponible.

Pour y remédier, le centre EKL met à disposition une bibliothèque avec des ouvrages adaptés à chaque niveau scolaire, propose des cours de soutien en khmer et en mathématiques, et offre surtout un lieu sûr où les enfants peuvent apprendre seuls ou en groupe, loin du tumulte du quartier.

Ces adolescents héritent aussi des peurs et des réflexes de survie transmis par des parents marqués par l’histoire du pays — celle des Khmers rouges et de la pauvreté chronique — : « vivre au jour le jour ». Étudier prend du temps, coûte cher, et ne garantit pas toujours une amélioration immédiate du quotidien. L’utilité même de l’éducation, dans la durée, semble alors s’effacer aux yeux de certains : « À quoi bon continuer, si personne autour de moi n’a réussi ? »

Comment ouvrir le champ des possibles ?

EKL a créé le Teen Club, un espace où les adolescents peuvent explorer, apprendre et rêver. Ce programme canalise leur envie de découverte, leur curiosité et leur soif de nouveauté, tout en leur redonnant le goût d’apprendre. Séance après séance, ils participent à des activités qui les ouvrent sur le monde : aller au cinéma, partager un repas dans un restaurant, rencontrer d’autres jeunes, découvrir d’autres cultures, rêver de leur métier d’avenir et structurer leur parcours académique et professionnel. Ces expériences, modestes mais transformatrices, leur redonnent le goût d’apprendre et la confiance en l’avenir.

Face à la précarité, EKL avance avec patience et constance.

« Accompagner un enfant, c’est courir un marathon »,

résume Samrith Keo, manager du centre. Quinze années en moyenne d’efforts pour l’aider à grandir, apprendre et tracer sa propre route.

 

Remise de certificat de Lyni après son stage
Remise de certificat de Lyni après son stage

 

Les Enfants de Klang Leu (EKL)

Fondée en 2006, EKL est une ONG franco-cambodgienne, dotée du statut d’association Loi 1901, qui a pour mission d’assurer le bon développement physique et psychologique des enfants défavorisés de Klang Leu, Sihanoukville. Afin qu’ils puissent accéder à un avenir meilleur, EKL encourage les parents à envoyer et maintenir leurs enfants à l’école et, en contrepartie, à travers son centre d’accueil, EKL s’engage à :

• faciliter l’accès à une éducation de qualité ;
• fournir des soins de santé essentiels, une alimentation équilibrée et des soins d’hygiène ;
• proposer des activités sportives, créatives et ludiques ;
• offrir un soutien aux familles et une aide à la parentalité pour créer un environnement stable et sain, indispensable à l’épanouissement personnel et à la réussite scolaire des enfants.

 

Sur le chemin de l'école à Klang Leu
Sur le chemin de l'école à Klang Leu

 

En 2025, EKL accueille 60 enfants. Grâce à l’engagement de ses donateurs et partenaires, EKL continue de transformer la vie de 300 membres des familles et de semer les graines d’un avenir prometteur.

Pour en savoir plus :
www.enfantsdeklangleu.org
ekl@lesenfantsdeklangleu.org

Pour soutenir :
https://www.helloasso.com/associations/les-enfants-de-klang-leu/collectes/enfants-de-klang-leu-supportez-l-education-2

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