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Tatouages sacrés khmers : un art spirituel en quête de transmission

Les yantras khmers, entre tatouage et rituel, fascinent encore. Mais leur survie dépend d’une poignée de maîtres et d’élèves déterminés à préserver cet héritage.

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Photo: Chea Youkeang Thmey Thmey

Présents dans la culture khmère depuis des siècles, les yantras sont des motifs géométriques sacrés chargés de significations spirituelles. Utilisés pour se protéger, attirer la chance ou guider l’esprit, ils ornent les corps sous forme de tatouages, mais aussi les tissus, amulettes ou murs de temples.

Autrefois associés aux guerriers et aux moines, ces tatouages attirent aujourd’hui un public plus large : amateurs de spiritualité, touristes curieux, célébrités en quête de sens.

Une tradition vivante, transmise avec rigueur

Au festival Angkor Sangkranta, dans la zone « Banteay Yuth Kun » dédiée aux arts martiaux, la Fédération des Sak Yantra Khmers présente différentes formes de yantra : lettres khmères, motifs complexes, styles traditionnels.

La pratique du sak yantra ne se résume pas à un tatouage : elle commence par un rituel d’hommage aux anciens maîtres, suivi d’un tatouage réalisé à la main selon des techniques ancestrales.

Les archas, ou maîtres tatoueurs, accompagnent les personnes désireuses de recevoir un yantra : choix du motif, emplacement sur le corps et, surtout, transmission d’un savoir empreint de spiritualité.

Chao Savath, un archa originaire du Kampuchea Krom (actuel sud du Vietnam), précise : « Chaque yantra a un sens particulier ; il ne s’agit pas simplement d’esthétique, mais d’une intention spirituelle .»

Tatouages sacres khmers
Photo: Chea Youkeang Thmey Thmey

 

Une fédération pour préserver un art menacé

Fondée en 2014, la Fédération des Sak Yantra Khmers s’est donnée pour mission de préserver et transmettre cette tradition. Elle recueille les modèles anciens, les met à disposition des archas et organise des événements pour sensibiliser le public.

Sambath Sak, responsable technique, souligne que la méthode artisanale suscitait autrefois des doutes : « Certains craignaient que l’encre se détériore ou que le tatouage ne soit pas réussi », raconte-t-il. Mais la situation évolue : « Depuis la création de la Fédération, la confiance a augmenté .»

Toutefois, il déplore que moins de dix maîtres soient encore actifs au sein de l’organisation.

Une élève déterminée à faire vivre l’héritage

Sin Seav Sean, combattante de Lbokator, étudie le sak yantra depuis plus d’un an. Pour elle, arts martiaux et yantras sont liés : même exigence, même discipline. « Il faut respecter des règles strictes ; c’est un engagement personnel », explique-t-elle.

Son apprentissage passe aussi par l’étude de la littérature khmère, de la langue pali, des mantras protecteurs et de la fabrication artisanale de l’encre.

 

Tatouages sacres khmers
Photo: Chea Youkeang Thmey Thmey

Consciente du manque de femmes dans ce domaine, elle souhaite inspirer d’autres à la rejoindre : « Le yantra fait partie de notre culture. Si on ne le transmet pas, il risque de disparaître », affirme-t-elle.

Torn Chanritheara

Avec l'aimable autorisation de Cambonianess qui nous permets de rendre cet article accessible à un lectorat francophone.

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