Un nouveau plan stratégique national vise à éliminer la bilharziose le long du Mékong, protégeant les populations de Kratie et Stung Treng grâce à des actions coordonnées en santé, assainissement et éducation.


Dans les provinces de Kratie et de Stung Treng, la vie quotidienne au bord du Mékong rime encore avec exposition à la bilharziose, une maladie parasitaire due au Schistosomiasis mekongi. La pêche, la baignade, la lessive ou encore le lavage du bétail exposent directement les habitants à une infection silencieuse mais potentiellement grave.
La bilharziose est une maladie tropicale parasitaire causée par des vers plats du genre Schistosoma. Elle affecte principalement les populations vivant dans des zones tropicales souvent exposées à des eaux douces contaminées par les larves du parasite. Les parasites infectent les vaisseaux de l'appareil digestif ou génito-urinaire. Les symptômes de la phase aiguë incluent une dermatite et, quelques semaines plus tard, une fièvre, des frissons, des nausées, des douleurs abdominales, une diarrhée, des myalgies et une sensation de malaise.

Depuis près de trente ans, le Cambodge a pourtant fortement réduit le nombre de cas. Un nouveau plan stratégique national vise désormais un objectif plus ambitieux : passer du contrôle à l’élimination de la bilharziose d’ici 2030, protégeant environ 80 000 personnes encore exposées.
Un cycle de transmission difficile à briser
Le parasite se transmet par un cycle associant les humains, l’eau douce et des escargots spécifiques vivant le long du Mékong. Lorsque les selles des personnes infectées rejoignent le fleuve, elles libèrent des œufs qui éclosent dans l’eau. Les larves infectent ensuite les escargots, avant de ressortir sous une forme capable de pénétrer la peau humaine lors des activités quotidiennes.
Une fois dans le corps, les parasites peuvent provoquer douleurs abdominales, diarrhées sanglantes et, à long terme, des lésions hépatiques sévères. Rompre ce cycle permettrait de transformer durablement la vie des communautés riveraines : une enfance sans douleurs chroniques, une scolarité régulière, des adultes en meilleure santé pour travailler et subvenir aux besoins de leur famille.
Une feuille de route décennale
En juillet 2025, le Centre national de parasitologie, d’entomologie et de lutte contre le paludisme (CNM) a organisé à Stung Treng un atelier de deux jours pour finaliser le Plan stratégique national pour l’élimination de Schistosomiasis mekongi au Cambodge 2026-2035. Plus de 40 participants étaient réunis : experts nationaux, partenaires internationaux et autorités sanitaires et rurales des provinces endémiques.
Soutenu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Fonds chinois pour la coopération Sud-Sud (GDF) et la Coopération suisse (SDC), le plan fixe un objectif clair : zéro nouvelle infection humaine en 2030 et une vérification officielle de l’élimination par l’OMS en 2035.
Pour y parvenir, plusieurs actions complémentaires sont prévues :
- campagnes de traitement de masse (MDA) pour réduire l’infection dans les zones à risque ;
- amélioration de l’accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène ;
- éducation sanitaire afin d’encourager des comportements protecteurs durables ;
- surveillance renforcée pour une détection rapide des nouveaux cas.
La réussite repose également sur une coordination accrue entre plusieurs ministères : Santé, Éducation, Agriculture, Développement rural. Des actions transfrontalières avec le Laos sont aussi prévues, les deux pays partageant le Mékong et la présence du parasite.

Comprendre le terrain pour agir efficacement
En parallèle de l’atelier, l’OMS, la SDC et le ministère de la Santé ont conduit une visite de terrain au centre de santé de Komphun et dans plusieurs villages environnants. Cette immersion a permis aux équipes d’observer le quotidien des habitants et d’adapter les interventions aux réalités locales.
Dans les provinces concernées, les leaders communautaires et les agents de santé jouent un rôle clé pour sensibiliser leurs voisins et soutenir les traitements collectifs.
Une coopération régionale et internationale renforcée
Le Cambodge et la RDP Lao, les deux pays touchés par cette forme de schistosomiase, harmonisent leurs efforts pour prévenir toute résurgence. La coopération s’étend également à des institutions scientifiques reconnues, comme l’Institut tropical et de santé publique suisse ou l’Institut national chinois des maladies parasitaires.
Grâce à ces partenariats, les professionnels cambodgiens ont été formés à des techniques avancées de diagnostic et de cartographie, essentielles pour repérer rapidement les zones de transmission.
Selon Jean-Gabriel Duss, directeur régional de la SDC pour le Mékong, « Eliminer la bilharziose dans la région du Mékong est à portée de main. Le succès repose désormais sur un effort collectif. Nous voyons cette collaboration se concrétiser par le traitement, la surveillance, l’éducation et l’amélioration de l’hygiène. Ensemble, nous pouvons y parvenir. »
La représentante de l’OMS au Cambodge, la Dre Marianna Trias, souligne également la dynamique en cours : « Le nouveau plan stratégique fournit le cadre et les mécanismes de coordination nécessaires à tous les partenaires. Nous resterons aux côtés du gouvernement pour que les familles vivant le long du Mékong puissent travailler et s’épanouir sans l’impact de cette maladie. »

Vers un avenir sans bilharziose
De l’engagement communautaire à la coopération régionale, le Cambodge progresse régulièrement vers une élimination durable du Schistosomiasis mekongi. Les habitants des zones endémiques, conscients de l’enjeu, participent activement aux campagnes de prévention. Avec un leadership national fort et un appui international constant, le pays se donne les moyens d’un avenir où la bilharziose ne sera plus qu’un souvenir
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