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Kleng : quand deux traditions volent dans la même direction

Le 16 août est la journée mondiale du cerf-volant, une occasion rêvée pour retourner voir Yann Defond, un Français installé depuis 2O ans au Cambodge, qui s’est lancé il y a 2 ans dans la fabrication artisanale de cerfs-volants khmers. D’autant plus qu’il oriente désormais sa future collection vers la peinture. Il se consacre en effet à deux thèmes : les êtres imaginaires peints selon la tradition picturale locale et les yantras.

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Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 16 août 2024, mis à jour le 16 août 2024

 

 

 

 

Dans le Sud-Est asiatique, il n’est pas rare que les cerfs-volants artisanaux soient peints. Les lucanistes cambodgiens donnent souvent un nom à leur jouet. Or, si celui-ci est peint, il porte généralement le nom de la peinture qui l’orne. L’artiste phnompenhois Yann DEFOND confectionne manuellement des cerfs-volants conformes à la tradition khmère à partir de matières produites localement telles que le bambou, le rotin, les feuilles de palmier à sucre, la ficelle de jute, la colle de riz gluant, la lime, la cire d’abeille et la soie. Dès la première saison, en 2021, ce français établi au Cambodge depuis 20 ans a perfectionné trois modèles ce cerf-volant pnong, le type d’aérodyne khmer le plus emblématique. Lors de la deuxième saison, il a orienté sa collection vers la décoration. Pour célébrer la journée mondiale du cerf-volant avec une exclusivité, il nous révèle que les cerf-volants peints seront mis en lumière durant la troisième saison soit dès la fin de la mousson.

Hormis la vente directe sur commande, Yann envisage des expositions-ventes de peintures à l’huile sur cerfs-volants biologiques à travers le pays dès l’an prochain. « Le maniement des pinceaux représente pour moi un retour aux sources puisque initialement je suis diplômé en arts graphiques. » Notre peintre travaille deux thèmes en parallèle : la peinture traditionnelle et les yantras.

Il s’intéresse à la manière ancestrale de représenter des personnages. « J’ai étudié  la tradition picturale locale de façon à comprendre comment étaient représentés les êtres animés, quelles méthodes, quelles techniques. Je me suis rendu compte qu’ils étaient tous peints selon des caractéristiques propres à chacun, selon un nombre limité de postures exprimant chacune une action. Il m’a fallut répertorier les différentes sortes de vêtements, de parures, de bijoux et de coiffures. Surtout, j’ai identifié les codes qui me permettent à présent de peindre des personnages qu’aucun de mes prédécesseurs n’a peint selon cette tradition. Je représente par exemple Kéonama, l’héroïne du compte de la femme à tête de cheval, alors qu’elle n’a jamais été peinte de cette manière. »

Cerf-volant

Yann envisage dès lors la création de quatre séries distinctes. La première serait consacrée aux cent personnages du Réamker. Outre les tribulations du couple royal humain de Rama et Sita, cette chanson de geste issue du Ramayana indien narre les aventures du fabuleux singe Hanuman. Les autres protagonistes sont des proches du monarque, hommes et femmes, des ermites aux pouvoirs magiques et des êtres de genres variés. On retrouve par exemple le dieu créateur Vishnou, le dieu des anges Indra, le dieu Vishvakarma, le dieu du vent, le dieu du Soleil. Des anges jouent également leur rôle. Les animaux comme une multitude de singes, comme des buffles sauvages, une vache et une aigrette parlent. L’éléphant à trois tête Airavata fait sont apparition tout comme des dragons. On y débusque aussi des chimères tels que la sirène SovannMachha, le garuda Jetayu et le singe-poisson Machhanu. Enfin de très nombreux belliqueux ogres yakshas endossent le rôle des vilains.

La deuxième série présenterait les 32 espèces de chimères et animaux imaginaires répertoriées à travers les contes et légendes cambodgiennes. On y trouve bien entendu les lions fabuleux, les cygnes fabuleux ainsi que les dragons à trois, cinq, sept voire neuf têtes. Plus étonnant, figure dans la liste maints gallinacés extraordinaires. Les chimères d’humains, d’oiseaux, de lions, de singes, d’éléphants, de chevaux, de dragons et de buffle sont également multiples. Le mythique makara conclue ce bestiaire effrayant.

La troisième série serait dédiée aux êtres célestes telles que les apsaras, les anges mâles et surtout les sept anges femelles qui se succèdent à la charge de la bénédiction de chaque année nouvelle.

La quatrième série ne verra peut-être jamais le jour parce qu’elle est maudite. Il s’agit de l’iconographie des divers revenants, mauvais esprits et autres monstres nocturnes. Les douze espèces de revenants de l’enfer sont très bien documentées. Il existe de plus cinq espèces de femmes entant les nuits des villages. De surcroît, quatre espèces de morts-vivants à l’apparence monstrueuse menacent ceux qui y croient. Plus classiquement, on ne présente plus les gargouilles et les génies fonciers. Mais le comble de l’horreur est atteint avec les fœtus vengeurs.

Cerf-volant

Quant aux yantras, ce sont des symboles graphiques d’origine indienne ayant pour base des caractères alphabétiques. Au Cambodge, ces inscriptions palies sont transcrites en caractères khmers. Relativement simples ou d’une extrême complexité, on en dénombre des centaines ou des milliers. Ce nombre est approximatif car de multiples variantes existent. Chaque maître peut en créer. On peut les regrouper en 3 catégories : 

• les ensembles constitués de lettres et autres signes,
• les ensembles de lettres et signes organisés selon des diagrammes de formes variées,
• les ensembles de lettres et signes déployés autour de dessins d’êtres animés.

A l’origine, il y a plus de 2000 ans, ils révélaient les concepts et aspects du monde. La courante abréviation des mots utilisés dans les yantras complexifie leur compréhension. Leur sens demeure donc obscur. Beaucoup y voient des formules magiques voire des sortilèges pour leurs ennemis. Il y a néanmoins consensus sur le fait que ces symboliques mystiques offrent protection. Ils sont généralement dessinés sur tissu voire sur papier ou bien sur l’épiderme humain, en particulier chez les hommes qui se font ainsi tatouer.

Yann peint des yantras en noir, grenat et bordeau à l’huile sur les voilures en papier kraft de ses cerfs-volants. Il s’inspire des créations de son maître le vénérable PreahMchasThlay, chef du monastère bouddhique de Preah Pursat du mont Kirirom, province de Kompong Speu.

Cerf-volant

 

La marque crée par Yann DEFOND est KLENG. Il s’agit d’une transcription en caractères latins du mot khmer ខ្លែង [khlaɛ:ɲ] qui signifie simplement cerf-volant. En réalité, ce mot avait à l'origine un autre sens qui, de nos jours, est désuet. Il désignait le balbuzard pêcheur (pandion haliaetus), espèce de rapace diurne répandue dans une grande partie du monde dont l'Asie du Sud-Est, région natale du cerf-volant.

 

 

 

 

 

 

 

 

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