Jean-Louis Tripp, artiste aux multiples talents, à la fois dessinateur, scénariste de bande dessinée, sculpteur et peintre est au Cambodge pour aider de jeunes talents cambodgiens.


Jean-Louis Tripp est né le 4 février 1958 à Montauban. Il débute sa carrière dans la BD à la fin des années 1970, avant de mettre ce médium de côté pendant douze ans, durant les années 1990, pour se consacrer à la peinture, la sculpture et la création de meubles. Il revient finalement à la bande dessinée au début des années 2000.
En 1977, il commence à collaborer avec des magazines comme Métal Hurlant et Ah! nana. Ce dernier était le premier magazine de bande dessinée réalisé exclusivement par des autrices, telles que Claire Brétécher et Nicole Claveloux. Jean-Louis Tripp y est le seul auteur masculin à avoir été invité à y publier, un fait dont il est particulièrement fier.
Il publie ensuite des albums comme Soviet Zigzag et Zoulou Blues, qui reçoivent des distinctions, notamment au Festival d'Angoulême. En 1989, il obtient le Prix Résistance pour un album défendant les droits de l'homme.
Dans les années 1990, il se tourne vers la peinture et la sculpture, réalisant notamment des œuvres publiques comme Mediaman à Montauban. Puis, en 2002, il revient à la bande dessinée avec Le Nouveau Jean-Claude, en collaboration avec Tronchet. En 2003, il part s’installer au Québec, où il enseigne la bande dessinée à l'Université du Québec en Outaouais.
En parallèle, il partage un atelier avec Régis Loisel. Ensemble, ils créent Magasin Général, une chronique sur le Québec rural des années 1920, qui rencontre un grand succès avec neuf tomes publiés entre 2006 et 2014. La série s’écoule à plus d’un million et demi d'exemplaires.
En 2017, il entame une série autobiographique intitulée Extases, où il explore sa vie sexuelle avec une grande franchise. Le premier tome est même adapté au théâtre en 2019. Cette série s’inscrit dans une démarche autobiographique plus large, visant à raconter sans filtre toute la vie sexuelle d’un homme, de l’adolescence à l’âge adulte. Actuellement, il travaille sur le tome 4. Plus largement, Jean-Louis Tripp mène avant tout, à travers ses œuvres, une réflexion sur ce qui nous construit en tant qu’individus. Son dernier album, Le Petit Frère, traite de la mort de son frère à l’âge de 11 ans, un drame qui l’a profondément marqué. Son prochain ouvrage, Un Père, à paraître en mai, aborde la relation qu’il entretenait avec son père.
Actuellement, Jean-Louis Tripp est invité au Cambodge par l'Institut français dans le cadre du projet CHAKTO, un programme de soutien aux industries culturelles et créatives du Cambodge, financé par le Fonds Equipe France Création du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères français. En partenariat avec le Sipar et Avatar Publishing, le projet vise à former une nouvelle génération d’auteurs et illustrateurs cambodgiens en leur offrant un accompagnement artistique et professionnel. C’est dans ce contexte que Jean-Louis Tripp anime des ateliers d’illustration et de narration graphique, destinés à aider les jeunes créateurs à structurer leurs récits et à perfectionner leur technique.
Lepetitjournal.com : Vous êtes aujourd'hui au Cambodge pour animer des ateliers. Est-ce votre première visite ici ?
Jean-Louis Tripp : Oui, j'étais déjà allé au Vietnam, mais jamais au Cambodge. J’ai été invité par l'Institut français pour encadrer des ateliers destinés à de jeunes auteurs cambodgiens. Ils travaillent sur des histoires qui seront publiées par deux éditeurs locaux, Sipar et Avatar. Simon Hureau les a accompagnés sur la phase de scénario et de storyboard. Moi, je les aide à finaliser leurs planches.
Lepetitjournal.com : Comment se déroulent ces ateliers ?
Jean-Louis Tripp : J’ai six groupes, composés de scénaristes et de dessinateurs. Ils doivent finaliser une page en six jours. Certains sont très avancés, d'autres ont moins d'expérience. Je les aide à améliorer la composition de leurs images, la gestion des plans et la lisibilité des planches.

Lepetitjournal.com : La transmission est-elle importante pour vous ?
Jean-Louis Tripp : La transmission a toujours occupé une place essentielle dans mon parcours. Lorsque j'étais un jeune auteur de 16 ans, je montais à Paris pour rencontrer des dessinateurs et leur montrer mes travaux. Grâce à leurs conseils, j’ai pu progresser et comprendre l’importance de l’échange dans ce métier. Plus tard, j’ai enseigné pendant trois ans, dont deux ans à l'Université du Québec, à un moment où la bande dessinée y était encore peu développée. Aujourd’hui, je continue d’accompagner des auteurs en France et au Québec, répondant aux sollicitations de jeunes talents qui m’envoient leurs storyboards et planches pour bénéficier de mon regard expert.
Lepetitjournal.com : Quel est votre rôle en tant qu'accompagnateur artistique ?
Jean-Louis Tripp : Mon objectif n’est pas de leur imposer mon style, mais de les accompagner dans leur propre démarche artistique. Certains ont un trait réaliste, d’autres adoptent un style humoristique ou minimaliste. Ce qui compte, c’est que leur dessin soit maîtrisé et cohérent sur l’ensemble de leur projet.
Un dessin peut être simple et très efficace s’il est bien construit. Mon rôle est de les aider à affiner leur style, à comprendre comment organiser une page pour qu’elle soit lisible et agréable à parcourir. On travaille donc sur la composition des images, la gestion des plans, l’organisation des bulles pour assurer une fluidité de lecture. L’idée est de donner des outils, des « ficelles », des compétences techniques pour qu’ils puissent progresser.
Lepetitjournal.com : Comment vos élèves cambodgiens s’organisent-ils pour travailler ?
Jean-Louis Tripp : Ils sont organisés en six groupes, chacun comptant deux ou trois personnes. Certains groupes ont un scénariste et deux dessinateurs, d’autres un dessinateur et deux scénaristes. Il faut qu’ils apprennent à collaborer efficacement et à maintenir une cohérence graphique et narrative sur plusieurs pages. Certains ont des projets ambitieux qui font jusqu'à 100 pages, donc cette organisation est essentielle.
Ce sont des jeunes qui ont souvent un emploi à côté, ce qui limite leur temps de travail sur leur projet BD. Certains ont plus avancé que d’autres, mais ils sont tous très motivés. Parmi eux, certains ont un trait très brillant, d’autres ont un style plus simple mais extrêmement bien maîtrisé. L’important est qu’ils développent leur propre identité et une approche constante sur l’ensemble de leur projet.
Lepetitjournal.com : Merci beaucoup, Jean-Louis, et bienvenue au Cambodge
Le travail mené lors de ces ateliers aboutira à la publication des œuvres des jeunes auteurs cambodgiens. Un projet ambitieux qui met en lumière la bande dessinée locale et lui offre un nouvel élan. Nous en reparlerons
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