Dans ce billet, Pascal Médeville nous partage une découverte personnelle sur l’arbre décrit dans les Mémoires sur les coutumes du Cambodge de Zhou Daguan, ambassadeur chinois à Angkor au XIIIe siècle.
Je m’intéressais ce matin au kapokier, bien connu pour ses fibres, et j’ai fait une petite « découverte » que je m’empresse de partager avec mes lecteurs.
Dans ses Mémoires sur les coutumes du Cambodge, dans le chapitre qu’il consacre aux légumes (蔬菜) Zhou Daguan parle d’un « arbre à fleur de coton de bois » (木绵花树). Paul Pelliot traduit prudemment par « arbre à coton ». Peter Harris, dans sa traduction anglaise parle de « silk cotton tree », et ajoute dans sa note 85 que cet arbre donne le kapok, que Zhou Daguan évoque à propos de ce que produisent les « sauvages » dans le chapitre éponyme (Zhou utilise le même mot : 木绵花).
Ly Theam Teng, dans sa traduction en khmer du livre de Zhou Daguan, parle lui de ដើមគរ (daeum ko ; attention à la faute d’orthographe : គ s’écrit sans រ), nom khmer du kapokier (Ceiba pentandra). Solang et Beling Uk, dans leur traduction en anglais, parlent aussi de kapokier. Et dans leur traduction en khmer (non publiée), ils adoptent la même traduction que Ly (sans la faute d’orthographe) : ដើមគ, et précisent dans leur index que c’est bien de l’espèce Ceiba pentandra dont parle Zhou.
L’affaire semble donc entendue. Le doute n’est pas possible : l’arbre qui donne des fibres et dont parle Zhou Daguan est certainement le kapokier, connu encore en français sous les noms de fromager ou d’arbre à kapok, i.e. Ceiba pentandra. D’autant plus que le kapokier est largement cultivé au Cambodge et dans toutes les zones tropicales du monde…
SAUF QUE…
Ceiba pentandra est une espèce originaire d’Amérique, Zhou Daguan n’a donc absolument pas pu la voir ni en entendre parler à la fin du XIIIe siècle, exactement deux siècles avant la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb (1492).
Il a peut-être vu ou entendu parler d’une autre espèce dont Pauline Dy Phon donne la description suivante : « Arbre haut de 10-20 m, à tronc pourvu de nombreux aiguillons coniques, commun dans les formations ouvertes du Sud-Est asiatique, souvent cultivé comme plante d’avenue. Les fibres du fruit sont utilisées parfois pour le rembourrage des matelas. Le bois s’emploie surtout pour faire des planches et le corps du tambour. » (voir le Dictionnaire des plantes utilisées au Cambodge, p. 98)
Cette espèce est connue sous le nom binomial de Bombax ceiba, en français faux kapokier ou kapokier de Malabar. Son nom khmer est « ro-ka » រកា.