Deux hauts responsables de l’État sont désormais suspects dans une affaire de blanchiment d’argent liée à une vaste escroquerie qui a ruiné des milliers d’investisseurs au Cambodge.


Enquête sur des responsables de l’État pour blanchiment d’argent
L’Unité nationale anti-corruption (ACU) a annoncé, le 3 juillet 2025, avoir ouvert une enquête interne visant deux hauts responsables gouvernementaux : Sean Borath, secrétaire d’État au ministère de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports (et également vice-président de l’ACU), ainsi que Sar Thavy, secrétaire d’État adjoint au ministère de la Défense.
Tous deux sont désormais considérés comme suspects dans une affaire de blanchiment d’argent, de fraude aggravée et d’infractions aux lois sur les transactions financières, en lien avec l’ex-oknha Leng Channa, ancienne dirigeante de l’entreprise Brilliant City World Co. Ltd.
Une escroquerie aux dimensions massives
Leng Channa, arrêtée en mars 2024, est accusée d’avoir orchestré une fraude à grande échelle affectant plus de 4 900 personnes, principalement dans les provinces de Kampong Thom et de Siem Reap. Elle aurait mis en place un système d’investissement frauduleux, promettant des rendements mensuels qui n’ont jamais été honorés. L’entreprise a cessé de verser les intérêts, invoquant la crise économique mondiale.
Le tribunal provincial de Siem Reap a transféré à l’ACU un dossier de 32 affaires représentant 24 852 pages de documents. Dix agents de l’unité ont passé un mois à les examiner. Initialement entendus comme témoins en décembre 2024, Sean Borath et Sar Thavy ont vu leur statut évoluer : ils sont aujourd’hui officiellement soupçonnés d’implication dans le montage frauduleux.
Des victimes endettées et vulnérables
Derrière ces chiffres se cachent des situations personnelles dramatiques. Leang Hov, 58 ans, habitante de la province de Siem Reap, a emprunté environ 26 000 dollars à une banque pour investir dans la société de Leng Channa, qu’elle considérait comme fiable en raison de la présence de hauts responsables au sein de sa direction.
« J’ai dû vendre un hectare de rizière pour 3 000 dollars juste pour payer les intérêts du prêt. Je craignais que la banque ne saisisse ma maison », confie-t-elle. Elle paie encore 2 millions de riels par mois (environ 500 dollars) pour les intérêts. « Je veux juste récupérer mon argent. Dès que je parle de cette arnaque, j’ai les larmes aux yeux », ajoute-t-elle.
Khun Chansavuth, lui, a investi près de 20 000 dollars, également empruntés. Charpentier de profession, il peine à rembourser plus d’un million de riels (250 dollars) d’intérêts mensuels. « Je travaille dur juste pour payer la banque. Je n’ose pas manger quelque chose de bon avec mes enfants. Je garde l’argent pour la banque », explique-t-il.
Une affaire emblématique d’un phénomène plus large
Les affaires de blanchiment d’argent et d’escroqueries financières se multiplient au Cambodge. Selon des observateurs internationaux, la répression actuelle s’inscrit dans une volonté de redorer l’image de la gouvernance du pays, ternie par une série de scandales impliquant des élites économiques proches du pouvoir.
Dans les années récentes, plusieurs familles ont porté plainte pour escroquerie foncière, comme dans l’affaire visant Hy Kimhong. Dans un autre dossier, cinq personnes, dont des responsables gouvernementaux, hommes d’affaires et un avocat, ont été inculpées dans une affaire de corruption liée à l’incarcération de Ly Samet et Duong Dara, ex-conseillers du président du Sénat Hun Sen.
Les autorités appelées à agir avec rigueur
Yong Kim Eng, président du People Center for Development and Peace, estime que « si l’ACU poursuit ses efforts avec vigueur, le nombre de cas pourrait diminuer ». Il appelle également à des actions concrètes en faveur des victimes : prévention, intervention et enquêtes approfondies.
« Il faut garantir la sécurité des personnes et des entreprises touchées, car certains ont contracté des prêts pour investir », insiste-t-il.
En mai 2023, le chef du gouvernement avait demandé à son équipe juridique de défendre les intérêts des victimes et d’approfondir les investigations sur ce qu’il considère comme un système de type Ponzi.
Depuis, 183 comptes bancaires et actifs liés à Leng Channa ont été gelés, et son titre d’oknha révoqué.
Des sanctions prévues par la loi cambodgienne
Le Code pénal cambodgien prévoit des sanctions pour ce type d’infractions :
- La fraude simple est punie de 1 à 3 ans de prison et d’une amende de 1 à 6 millions de riels (250 à 1 500 dollars).
- En cas de circonstances aggravantes, la peine peut aller jusqu’à 5 ans de prison.
- Le blanchiment d’argent, régi par la loi sur la lutte contre le financement du terrorisme, est passible de 2 à 5 ans d’emprisonnement et d’une amende de 100 à 500 millions de riels (25 000 à 125 000 dollars).
Avec l'aimable autorisation de Cambodianess et de CamboJA, qui nous permet d'offrir cet article à un public francophone.
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