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La danse traditionnelle Kuy: un héritage en voie de disparition

KuyKuy
Yalirozy Teng
Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 19 février 2023, mis à jour le 11 novembre 2023

Une communauté Kuy résidant le long du Mékong dans la province cambodgienne de Stung Treng, au nord-est du pays, s'inquiète de la possible disparition de sa danse traditionnelle si elle ne reçoit pas un soutien extérieur immédiat. En cause l'émigration de sa jeunesse.

 

Les Kuy, une communauté aux traditions ancestrales 

Depuis Stung Treng, la capitale de la province, il faut plus de deux heures de bateau pour atteindre le village isolé de Tonsong, situé sur les rives du Mékong. Près de 120 familles Kuy habitent ce village, vivant principalement de la pêche, de l'agriculture et de l'élevage. 

 

Les Kuy sont l'une des 20 minorités ethniques du Cambodge. Ils vivent toujours en accord avec leurs traditions et leurs croyances animistes. Si la majorité d’entre eux sont en Thaïlande, le Cambodge compte tout de même environ 38 000 Kuy au sein de sa population. 

 

Les communautés Kuy utilisent la danse comme un moyen de louer leurs ancêtres et les esprits de la forêt ou de demander à leurs dieux de leur accorder leur protection.

Basée sur les contes et les salutations, cette danse cérémoniale est mise à l’honneur lors de spectacles qui peuvent durer près d’une heure. Vêtus de costumes traditionnels, les danseurs de tous âges simulent les mouvements et les habitudes qu'ils pratiquent dans leur vie quotidienne.

 

La crainte de la disparition prochaine de leur coutume

Le village de Tonsong, étant encore en marge du développement et toujours pas relié au réseau électrique national, a été préservé du monde extérieur pendant longtemps.

Toutes les maisons sont en bois, avec une pièce unique et sur un seul étage, ce qui renforce le sentiment de communauté : une famille vit et dort encore comme un seul et même groupe. 

 

Cependant, au cours de la dernière décennie, le village est progressivement devenu la cible de courtiers qui venaient attirer les jeunes pour qu'ils aillent travailler en Thaïlande, au Laos ou en Malaisie comme employés de maison avec des salaires prometteurs.

 

Sros Kha, une représentante indigène Kuy de 63 ans, est inquiète. Malgré son âge avancé, elle s'est engagée depuis des années dans la promotion du mode de vie traditionnel de sa communauté et reste déterminée à le faire.

Mais après plus de dix ans de lutte pour préserver la danse traditionnelle kuy, elle craint qu'elle ne disparaisse dans un avenir proche si elle ne reçoit pas de soutien extérieur.

 

La nécessité de danser, entre tradition et ressource économique

Sros a formé une troupe de danse Kuy en 2010 dans le but de préserver les traditions de sa communauté ethnique et d'aider les habitants à tirer un revenu supplémentaire de leur art ancestral.

 

La première raison était que nous voulions que la prochaine génération voie et connaisse la tradition kuy

 

, a-t-elle déclaré.

 

Les spectacles que le groupe donne aux visiteurs leur permettent de gagner un peu d'argent et de vivre dans des conditions plus décentes, ce qui empêche les membres de la communauté d'émigrer vers les pays voisins à la recherche d'une vie meilleure, mais sûrement plus incertaine.

 

"La deuxième raison était que nous voulions empêcher les jeunes d'émigrer dans d'autres pays", ajoute Sros. "Si le groupe travaillait, ils pouvaient obtenir un peu d'argent et restaient avec nous".

 

Bien que la plupart des courtiers ne semblent pas dignes de confiance, Sros se souvient que certains jeunes villageois ont insisté pour quitter le village, dans l'espoir de ramener des ressources à leur famille.

 

Je ne voulais pas qu'ils aillent travailler dans d'autres pays, car ils ne connaissaient pas la langue et leur connaissance du monde extérieur était insuffisante. C'était risqué.

 

, conclut-elle.

 

Une troupe de danse au service de la communauté 

Pour lutter contre l'émigration, Sros a proposé aux jeunes Kuy de rejoindre l'équipe de danse. Ce sont souvent des orphelins sans ressources suffisantes pour aller à l'école. En plus de danser, ils pêchent et cultivent des produits comme les pommes de terre ou le riz.

Depuis sa création il y a 13 ans, la troupe a connu une croissance rapide et compte aujourd'hui 25 membres.

 

Sros s'est efforcée d'obtenir le soutien des pagodes pour se produire à chaque occasion spéciale : Du Nouvel An khmer au festival de l'eau ou Pchum Ben. Elle a réussi à faire en sorte que les jeunes restent au village et s'impliquent activement.

 

La troupe a atteint son apogée en 2019 lorsque l'organisation culturelle Cambodian Living Arts (CLA) lui a donné l'occasion de se produire dans divers événements, sur un contrat de quatre ans. Elle a commencé à se rendre dans les provinces de Battambang et Pursat, ou à Phnom Penh, pour présenter sa danse traditionnelle. Chaque membre pouvait gagner entre 50 et 100 dollars par spectacle, avec jusqu'à deux représentations par an.

 

Soutenir les subventions, par crainte d'une perte des traditions

Après avoir profité de cette opportunité pendant trois ans, la troupe a vu son contrat suspendu en 2022, le CLA souhaitant permettre à une autre troupe de danse cambodgienne de présenter son art.

 

"J'ai peur que la troupe se sépare s'il n'y a pas de plan pour 2023 et que les plus jeunes membres partent et risquent de chercher à nouveau des emplois à l'étranger", a déclaré Sros. "Chaque jour, je pense à cela".

 

Elle essaie de contacter des organisations et des temples bouddhistes pour trouver des occasions de présenter la danse traditionnelle Kuy lorsqu'ils organisent des événements, dans l'espoir de continuer à intégrer de jeunes membres dans le groupe de danse.

Elle a également demandé au gouvernement et à plusieurs organisations de continuer à inviter son groupe de danse à se produire, dans l'espoir d'obtenir la plus grande visibilité possible pour maintenir cette tradition en vie pour les années à venir.

 

La troupe de danse a été créée, je ne veux pas qu'elle disparaisse. Je veux que l'équipe continue à exister, afin que la prochaine génération de Kuy se souvienne de sa culture et de sa tradition.

 

, a fini par ajouter Sros.

 

Yalirozy Teng

 

Avec l'aimable autorisation de Cambodianess, qui a permis de traduire cet article et ainsi de le rendre accessible au lectorat francophone.

 

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