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Claudie Haigneré aux petites filles : « N’attendez pas d’être parfaites »

Première Française dans l’espace, ancienne ministre et présidente d’Universcience, Claudie Haigneré était à Phnom Penh le 29 septembre. Avant de participer à la table ronde « Femmes de pouvoir et femmes d’action », elle a accordé un entretien au Petit Journal du Cambodge.

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Claudie Haigneré à l'IFC à Phnom Penh- Photo Ana Eduardo
Écrit par Raphaël FERRY
Publié le 4 octobre 2025

Aux côtés de la ministre des Affaires féminines, Ing Kantha Phavi, de Mme Chea Serey, gouverneure de la Banque nationale du Cambodge, de la Dre Rum Sophea, doyenne de la faculté d’ingénierie et responsable du développement de l’entreprise CamTech University, et de Mme Heang Omouy, présidente de Asiai Digital Technology Innovation, elle a partagé son parcours et livré un message fort : encourager les jeunes filles à oser les sciences, à dépasser leurs hésitations et à ne pas attendre la perfection pour agir.

Un rêve né à 12 ans

« Mon rêve a démarré quand j’avais 12 ans, en juillet 1969, en voyant à la télévision les premiers pas de l’homme sur la Lune », raconte Claudie Haigneré. « J’ai été fascinée. Ce qui paraissait impossible devenait possible ce soir-là. »

Elle poursuit : « À l’époque, il n’y avait pas d’école d’astronaute, pas de modèles féminins. J’ai donc choisi la médecine, avec le désir d’apporter du savoir pour le bien-être. Puis j’ai eu la chance de trouver un appel à candidature du CNES, en 1985, qui cherchait des astronautes scientifiques. Je me suis dit : c’est pour moi. J’ai poussé la porte, et j’ai été sélectionnée. »

1 000 candidats, 7 sélectionnés

« J’étais la seule femme de l’équipe sélectionnée », rappelle-t-elle. « Pour être plus qu’une simple candidate, j’ai décidé d’ajouter une thèse de sciences. Et puis j’ai eu la chance de partir en mission : Cassiopée en 1996 sur Mir, puis Andromède en 2001 sur l’ISS. »

Son intégration s’est faite par la compétence : « Dans ce monde d’ingénieurs et de pilotes, on avait besoin de scientifiques. Hommes ou femmes, cela ne changeait rien : j’ai trouvé ma place par ma différence. »

 

  4 ⁄ 16    Plus de détails Konstantine Kozeïev, Viktor Afanassiev et Claudie Haigneré en 2001 à bord de la Station spatiale internationale.
Konstantine Kozeïev, Viktor Afanassiev et Claudie Haigneré en 2001 à bord de la Station spatiale internationale. Photo NASA

De l’espace à la politique

À son retour, d’autres opportunités s’ouvrent. « On m’a proposé de rejoindre l’équipe gouvernementale. J’ai accepté, d’abord comme ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles technologies, puis aux Affaires européennes. »

Elle confie avec humour : « Honnêtement, j’étais mieux entraînée pour aller dans l’espace que pour devenir ministre ! Mais on fait avancer les choses, on y croit, on porte un élan. »

Le besoin d’inclusivité

La spationaute insiste sur l’importance de la diversité. « Ce n’est pas seulement une affaire de point de vue, il y a des données concrètes où le regard féminin est indispensable. L’innovation doit être représentative de toute la société. Si seuls les hommes définissent les besoins, on passe à côté. »

Elle donne un exemple parlant : « La diversité des morphologies a permis d’améliorer l’ergonomie des scaphandres et donc la sécurité. Les premières ceintures de sécurité, elles, n’étaient pas adaptées aux femmes enceintes. »

Et de poursuivre : « En recherche médicale, on a longtemps ignoré les femmes, en cardiologie par exemple. Résultat : des erreurs de diagnostic. La diversité permet d’apporter des solutions à tout le monde. »

Le message est clair : le monde a besoin des femmes. Et aussi de femmes de science, d’ingénieures.

Un message aux jeunes filles

À celles qui hésitent, elle répète : « Soyez curieuses, gardez votre capacité d’émerveillement. » Et d’ajouter : « Si une porte est fermée, ouvrez-la. »

Elle observe une différence : « Les filles, souvent, n’osent pas. Comme si elles attendaient d’être parfaites pour entreprendre quelque chose. »

Et de conclure : « Si vous avez un rêve, allez-y. N’attendez pas d’être parfaites pour vous lancer. La perfection est un objectif lointain. Avancez, vous vous perfectionnerez en chemin, et vous rencontrerez des gens formidables. »

Une femme doit exercer son autorité avec charme

Avec un peu de malice, Claudie Haigneré explique qu’une femme doit exercer son autorité avec charme. « C-H-A-R-M-E », détaille-t-elle :

  • C pour Conviction : « Il faut croire en ce que l’on porte. »
  • H pour Humilité : « On ne sait pas tout, il faut apprendre des autres. »
  • A pour Assertivité et Authenticité : « Écouter, mais dire avec force ce qu’on a à apporter. »
  • R pour Responsabilité et Résilience : « On a un pouvoir entre les mains, et la diversité élargit les solutions. »
  • M pour Motivation : « Elle doit durer des années. »
  • E pour Éthique, Équité, Équilibre, Exemplarité : « Chacun doit pouvoir être un exemple à sa façon. »

« C’est ainsi que j’essaie d’exercer mon leadership avec charme », résume-t-elle avec un sourire. C'est certainemet une méthode qui peut être appliquée par les hommes. 

Science, transmission et planète fragile

Aujourd’hui en retraite de ses fonctions officielles, Claudie Haigneré se consacre à la transmission. « Je suis centrée sur l’éducation, la promotion des sciences et de la technologie, en particulier pour les jeunes filles. »

Et d’ajouter : « Notre Terre est comme un vaisseau spatial dont nous sommes l’équipage. Il faut comprendre son fonctionnement, trouver les moyens de la protéger et apprendre à coopérer, car nous partageons tous ce même vaisseau. »

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