Le 25 août, l’Assemblée nationale a adopté un dispositif de révocation de la nationalité en cas de collusion avec une puissance étrangère. ONG et opposants alertent sur un risque d’apatridie et d’atteinte aux libertés.


En juillet, la 11e révision de l’article 33 de la Constitution a changé une garantie de longue date. L’ancien libellé énonçait que « les citoyens khmers ne peuvent être privés de leur nationalité » ; la version amendée se borne désormais à : « l’acquisition, la perte et la révocation de la nationalité khmère sont déterminées par la loi ». Ce glissement ouvre la voie à une définition par législation ordinaire des cas de déchéance.
Un vote sous tension
Le 25 août, en présence du Premier ministre Hun Manet, les 120 députés ont voté à l’unanimité le texte autorisant le retrait de la citoyenneté pour collusion avec une puissance étrangère au détriment des intérêts nationaux. Le scrutin est intervenu dans un contexte de tensions à la frontière thaïlando-cambodgienne.
L’amendement révise sept articles de la loi sur la nationalité et crée un nouvel article 29. La révocation pourrait intervenir notamment en cas de :
trahison ou collusion avec un État étranger portant atteinte aux intérêts fondamentaux du Royaume ;
atteinte à la souveraineté, à l’intégrité territoriale ou à la sécurité nationale ;
engagement volontaire dans l’armée d’un État étranger ou exercice d’une fonction publique étrangère ;
obtention frauduleuse de la nationalité ;
condamnations pour des crimes tels que l’insulte au Roi, les menaces contre la sécurité de l’État ou le terrorisme.
La loi précise aussi que la nationalité khmère « par naissance » ne peut être retirée qu’à une personne majeure disposant d’une autre nationalité.
Les garanties avancées par le gouvernement
Le ministre de la Justice, Keut Rith, cité par Cambodianess, a défendu un dispositif ciblé : « Cette loi s’appliquera seulement aux individus qui s’allient à des puissances étrangères pour nuire aux intérêts du Cambodge. Son but est de protéger le patriotisme et la loyauté du peuple khmer ».
Le ministre de l’Intérieur, Sar Sokha, cité par CamboJA News, a assuré que les conditions sont strictes, conformes à la Constitution et au droit international, et qu’elles « s’appliquent uniquement aux traîtres », sans effets négatifs sur « les droits économiques et les biens légaux des citoyens khmers »
Inquiétudes des ONG et risques d’apatridie
En amont du vote, une coalition d’environ 50 organisations, menée par LICADHO, a appelé au retrait du texte, qu’elle juge trop vague et propice aux abus. « La loi aura un effet dissuasif désastreux sur la liberté d’expression de tous les citoyens cambodgiens ».
Dans un communiqué cité par Cambodianess, les ONG alertent : « Si la citoyenneté peut être retirée, nous perdons le fondement de tous les droits dans notre propre pays », évoquant la propriété foncière, l’accès aux soins et à l’éducation, l’emploi légal, le mariage, la participation politique et la liberté de circulation. Elles invoquent l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, selon lequel nul ne doit être arbitrairement privé de sa nationalité. Amnesty International a également dénoncé un mécanisme qui « viole souvent les droits humains » et peut conduire à l’apatridie.
Réactions politiques
Le président du New Generation Party, Meach Sovannara, a regretté un vote « de portée générale » pris « sous l’urgence politique », appelant à une loi de consensus qui ne « réprime pas les courants politiques opposés ».
Le président d’ADHOC, Ny Sokha, y voit une « restriction » qui affectera ceux qui exercent leur droit de critique envers le gouvernement.
Et après ?
Le ministère de la Justice a indiqué que la mise en œuvre serait rapide. Les modalités d’application, notamment la preuve de la « collusion » et les garanties de procédure (recours, proportionnalité, prévention de l’apatridie), seront déterminantes pour circonscrire le périmètre réel du texte.
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