Installée au Cambodge depuis maintenant 10 ans, Cécile Dahome Co-fondatrice de Sevea et Vice-présidente du Comité Cambodge des Conseillers du Commerce Extérieur de la France, vient de remporter le Trophée Entrepreneur, parrainé par notre partenaire EDHEC Business School, lors des Trophées des Français de l'étranger 2021, organisés par Lepetitjournal.com.
Cécile est spécialisée dans la gestion de projets d’aide au développement en Asie et en Afrique. Entrepreneuse sociale, elle voit dans les problèmes environnementaux et sociaux actuels de nouvelles opportunités économiques. Son travail se concentre sur le développement des entreprises au regard de ces nouveaux enjeux, tout en apportant un impact positif sur les communautés locales.
Cécile créée Sevea en 2011 avec Cyril Monteiller et le projet se transforme rapidement en une société employant une vingtaine de salariés. S’ils soutiennent les activités économiques des entreprises, ils placent le développent durable au centre de leurs préoccupations. Ils se concentrent plus précisément sur les énergies propres, l’environnement, l’accès à l’eau et à l’assainissement et l’agriculture et le développement rural . Ils s’occupent également du développement d’entrepreneuriat avec, entre autres, des programmes d’incubation, d’innovation et d’accès au financement. Ils accompagnent des acteurs très variés tels que les entreprises, les ONG, les administrations publiques ou encore les coopératives agricoles, à développer leurs activités, tout en minimisant leurs impacts environnementaux.
Comment vous êtes-vous lancée dans l’entrepreneuriat social ?
Diplômée de deux écoles d’ingénieur en France et au Brésil, j’ai commencé ma carrière en tant que consultante en organisation et management dans les secteurs de l’énergie et de la finance. A 26 ans, révoltée par tout un nombre de problématiques, j'ai compris que cette vie ne me suffirait pas et que je devais agir et trouver une manière de mettre à profit mes compétences pour œuvrer à un monde plus respectueux de l'homme et de la nature.
Lorsque j’ai découvert l’entrepreneuriat social, sujet peu connu à l’époque, grâce à un livre de Pierre Rabhi. j’ai compris que de nouvelles opportunités pouvaient s’ouvrir à moi. Forte de mes compétences de consultante , j’ai entamé des démarches afin de trouver une façon d’intégrer à mon métier initial des pratiques plus éthiques et responsables.
Pourquoi avoir choisi le Cambodge pour monter votre projet ?
Je suis d’abord partie trois mois en Afrique, au Kenya et au Togo, dans le cadre de missions de bénévolat. Je souhaitais appréhender les différents types et modalités d’intervention sur ces problématiques d’accès aux services essentiels et surtout comprendre comment il m’était possible de mobiliser mes compétences. Cette expérience fut extrêmement prolifique et m’a permis de réaliser que l’Asie était probablement une région plus propice à mes projets et que l’entrepreneuriat me correspondait plus que l’aide humanitaire.
J’ai alors entrepris un long périple de 2 ans à travers l’Asie dans le cadre d’un projet nommé « Autour du Monde d’Agir ». Il s’agissait d’études et d’accompagnement d’entreprises sociales dans les domaines de l’eau et de l’énergie. Nous sommes partis à deux, Cyril Monteiller et moi-même, pour cette aventure dans onze pays asiatiques : le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Chine, L’Inde, le Népal, le Bengladesh, les Philippines, le Myanmar, le Vietnam, la Thaïlande et enfin le Cambodge.
A l’issue de cette « étude-action » nous avons choisi le Cambodge pour donner vie à toutes les idées dont nous avions été imprégnés lors de ces découvertes. C’est le côté accueillant qui nous a d’abord plu mais surtout la facilité de création d’entreprise en tant qu’étrangers, qui est une vraie spécificité au Cambodge.
Notre cœur de métier repose sur notre capacité à faire le lien entre tout type d’acteurs
Sevea est une entreprise extrêmement novatrice, quelles sont ses valeurs, ses missions ?
Sevea réalise des missions de conseil ayant toutes un objectif d’intérêt général, pour lesquelles nous sommes convaincus de répondre à des enjeux majeurs de développement. L’approche holistique a toujours été, à mon sens, indispensable pour répondre à des problématiques aussi transversales que celles de l’accès aux services essentiels, la réduction des inégalités et la soutenabilité environnementale. Nous intervenons auprès du secteur privé comme public et auprès d'acteurs nationaux et internationaux.
Notre cœur de métier repose sur notre capacité à faire le lien entre tout type d’acteurs, qu’il s’agisse de fermiers, des membres du gouvernement, d’ONG, d’entreprises ou des institutions de financement. C’est le fait d’interagir à ces différentes échelles qui fait la différence. Nous avons ainsi une vision aussi bien globale que locale. Le consulting a souvent le désavantage de reposer sur une vision centralisée, tant au niveau géographique que dans le choix des interlocuteurs. Nous sommes persuadés que les changements d’échelle, combinant micro et macro, font la force de notre activité.
Quant au village solaire, projet débuté en 2015, il a été notre premier projet de responsabilité sociétale des entreprises. A l’époque le solaire n’était pas répandu au Cambodge et l’idée était donc de montrer l’intérêt d’une approche holistique dans l’électrification d’un village. Dans ce projet nous testions des technologies innovantes puis nous nous chargions de mesurer les impacts et ainsi les dynamiques que cela pouvait changer à l’échelle d’un village. Les résultats sont là : après plusieurs années, ces villages sont encore électrifiés.
De nombreuses organisations ont déjà exprimé le souhait de se lancer dans ce challenge !
Quels sont vos projets pour Sevea ?
Cela fait plusieurs années que nous réfléchissons, avec Frantz Vaganay, directeur d’ATS, à l’émergence de l’efficacité énergétique comme pilier de l’économie cambodgienne et levier indispensable aux objectifs environnementaux du pays. 2021 est l’aboutissement de ce travail, puisque Sevea co-organise le premier concours d’efficacité énergétique au Cambodge, CEE Comp. Celui-ci s’inspire de la compétition française CUBE créée par l’Ifpeb. Il a vocation à faire diminuer la consommation d’énergie dans les bâtiments grâce à la mise en œuvre de mesures d’efficacité énergétique comme le changement des comportements et l’amélioration de la gestion des systèmes énergétiques existants. De nombreuses organisations ont déjà exprimé le souhait de se lancer dans ce challenge ! En France, le concours a déjà montré des résultats très encourageants avec plus de 12% d’économies d’énergies réalisées en moyenne par bâtiment. CEE Comp a vocation à se développer dans d’autres pays d’Asie, comme à Singapour où des discussions sont déjà en cours pour exporter le projet.
Dans un autre registre, Sevea s’investit actuellement beaucoup dans la promotion de l’entrepreneuriat féminin dans le monde universitaire. L’objectif de nos programmes est de donner goût aux jeunes femmes de devenir entrepreneuses, tout en leur donnant confiance dans leurs projets et en les accompagnant. Nous proposons par exemple des programmes de mentoring et une compétition de business plan en petites équipes d’étudiantes. Point commun avec CEE Comp : la compétition et le format ludique !
Le Cambodge offre un horizon d’activités très intéressant
Comment décririez-vous le fait d’être une jeune entrepreneuse au Cambodge?
Être un entrepreneur étranger au Cambodge présente des avantages sur plusieurs aspects. Nous pouvons déjà être propriétaire de notre entreprise. Le Cambodge faisant par ailleurs partie des pays à revenus faibles et intermédiaires, les enjeux de développement y sont très importants, notamment au regard de ses voisins asiatiques. Pour les personnes animées par ces questions comme moi, le Cambodge offre donc un horizon d’activités très intéressant. Il s’agit aussi d’un pays qui avance à marche accélérée et les créations d’entreprises sont nombreuses. De multiples opportunités existent donc pour les entrepreneurs, qui bénéficieront de la croissance économique exponentielle du pays.
Etre une femme entrepreneuse au Cambodge n’induit pas plus d’enjeux qu’ailleurs, il faut malheureusement comme partout redoubler d’efforts.
Qu'est-ce que ce Trophée Entrepreneur des Trophées des Français de l'étranger va vous permettre ?
Les Trophées des Français de l'étranger, organisés par lepetitjournal.com, sont une belle reconnaissance du travail que j’ai accompli jusqu’ici mais également de l’investissement des équipes de Sevea. En tant qu’entrepreneurs, nous sommes souvent seuls et confrontés à nos propres décisions. Il est donc toujours valorisant de voir nos efforts récompensés ! Ces Trophées nous permettent également d’accroître la visibilité de nos activités et de notre engagement, ce qui est précieux. C’est la première fois que je candidate à un tel concours et ce fut une démarche très intéressante !