Les artistes francophones exposés à Siem Reap

Alors que les célébrations autour de la francophonie ont débuté à Siem Reap, nous avons interrogé Lionel MAITREPIERRE, Secrétaire Général de la Section Siem Reap de la Chambre de Commerce et co-organisateur de l’événement.

Écrit par Lepetitjournal Cambodge

Publié le 19 mars 2024

LPJ : Comment est venue l’idée d’organiser ces célébrations de la francophonie ?

L.M. : En prenant ses fonctions de Président de la section Siem Reap de la Chambre de Commerce, François SCHNOEBELEN m’a demandé de travailler sur l’organisation d’un marché de la francophonie, puisque l’on n’a pas pu organiser Soursdey France l’année dernière. Il y a aussi mis ses équipes, appelant à contribution les différentes écoles de langue française (École Française, Alliance Française, Saèk Thmey) et le le Siem Reap Tourism Club.

Le hasard faisant bien les choses, le Cambodge s’est positionné depuis pour accueillir le Sommet de la Francophonie 2026, avec des chances très importantes de l’obtenir. Avec 88 chefs d’Etat ou de Province accueillis, ce serait le plus grand évènement international jamais organisé par le Cambodge. Or, si cet évènement international avait lieu au Cambodge, quelle serait la ville la mieux placée pour le recevoir ? Je pense que ce serait Siem Reap. Logiquement. Ce serait une fenêtre de communication unique pour faire connaître notre ville sur les cinq continents.

L’enthousiasme autour de ce projet prenant, de nombreux établissements de la ville ont voulu s’y joindre, les autorités locales ont bien compris l’intérêt de cette opération et de nombreux sponsors ont également souhaité soutenir cette démarche. D’un projet limité à un marché de taille modeste, cela s’est transformé rapidement en un ensemble d’évènements culturels ponctuant toute une semaine, voire un peu plus, et culminant avec un marché de plus de 50 exposants liés à la francophonie.

LPJ : Vous vous intéressez beaucoup à l’art et la culture. Comment jugez-vous la scène artistique siem reapoise en général ?

L.M. : Siem Reap est déjà considérée comme la meilleure destination culturelle d’Asie. Ceci est évidemment lié à la présence des temples d’Angkor. Mais pas seulement…

Au-delà des temples, la création artistique et artisanale y est déjà intéressante. Il est parfois difficile de faire la distinction entre certaines œuvres artisanales de qualité et de l’art, de même que certains artistes ont appris à utiliser des savoir-faire artisanaux pour créer leur art. Aussi le potentiel culturel de la ville de Siem Reap est très important ! On bénéficie depuis des années d’un terreau artisanal très fertile hérité notamment des Artisans d’Angkor, eux-même ayant permis à nombre de collaborateurs ou d’artisans de se mettre à leur propre compte, certains ayant atteint un rayonnement international comme Eric STOCKER or Eric RAISINA. Les Artisans d’Angkor ont aussi enfantés d’autres centres de création comme Satcha ou le Blue Art Center au cours des deux dernières années. Siem Reap bénéficie d’une vie internationale et d’infrastructures très importantes pour la taille de la ville. On voit s’ouvrir de plus en plus de galeries d’art : j’ai entendu parlé d’au moins deux nouvelles galeries qui devraient ouvrir prochainement. On voit aussi des artistes d’envergure internationale quitter les grandes métropoles pour venir s’installer à Siem Reap où ils retrouvent à la fois une vibration artistique et une sérénité qu’ils ne trouvent pas dans les grandes villes. On pense bien sûr à Christian DEVELTER qui a quitté Bangkok, Véronique BOUR qui était à Barcelone mais aussi Damien DUFRESNE qui s’est enfuit de Shangaï ou encore le singapourien Franck ZHEN qui tous ont choisis de venir s’installer ici, dans cette ville internationale à taille humaine.

Dans les années qui viennent, on s’attend également à des retombées dues au rapprochement spatio-temporel entre les villes de Siem Reap et Battambang qui seront connectées par une voie rapide directe ; cela permettra à Battambang de recevoir beaucoup plus de touristes venant de Siem Reap et aux artistes de Battambang d’enrichir encore plus culturellement la ville de Siem Reap. Cela devrait en faire un pôle culturel important. Des connexions étroites entre les deux villes existent déjà dans les faits, comme en témoigne la présence de Phare Ponleu Selpak dans les deux villes, non seulement pour l’activité du cirque, mais aussi par les nombreux artistes khmers formés à Battambang qui vivent à Siem Reap, comme CHHOEUN Channy, KARONA, SVAY Sareth, NAK Noy, CHOV Theanly.

Au-delà des arts visuels, la gastronomie à Siem Reap se porte bien, même très bien et certains chefs s’élèvent vraiment au niveau d’un art. J’aurai même tendance à dire que l’on mange souvent mieux français à Siem Reap qu’en France.

LPJ : Parlez-nous des activités culturelles autours des célébrations de la francophonie.

L.M. : La toute première activité culturelle sera pour les enfants avec la projection de la Prophétie des grenouilles à l’École Française.

Les activités culturelles pour les adultes vont débuter avec le vernissage de l’exposition Côte à Côte & Face à Face qui aura lieu mercredi 20 mars à 17 heures dans le splendide cadre du Masa Studio.

Le lendemain, il est prévu une projection du film de feu sa Majesté Père, puis des visites d’atelier et une autre exposition de peinture le vendredi, un récital à l’orgue de barbarie et une soirée musicale en l’honneur de Claude NOUGARO pour clôturer ces célébrations.

LPJ : Vous êtes particulièrement impliqué dans l’organisation du vernissage de l’exposition Côte à Côte & Face à Face le 20 mars à MASA STUDIO. En quoi cette exposition vous tient à cœur ?

L.M. : Le 20 mars, c’est la journée internationale de la francophonie. Il me semblait donc important de marquer le coup avec un évènement culturel important autour de ce thème.

Cette exposition tourne autour du thème de la francophonie et des visages. Elle rassemble des artistes venant de pays de la francophonie, à savoir des français, des belges et des khmers. On y retrouve des artistes internationaux, dont évidemment Damien DUFRESNE qui est l’artiste résident du MASA STUDIO, mais aussi une toile de Christian DEVELTER qui répond parfaitement aux visages maquillés de Damien DUFRESNE. Les deux autres artistes permanents des lieux, que Damien soutient en leur offrant un atelier-galerie, à savoir KARONA et ZAK, se sont également joints au projet ainsi que ADLIB avec une création sculpturale éphémère, ainsi que Robert LABOUREL et Bruno LEVY TRUFFERT avec de grands tableaux sur l’indépendance du Cambodge (donc sur le début de la Francophonie comme concept de liens culturels) et Michel TAVIOT avec des plus petites toiles de ses bolides au milieu des temples.

Au-delà de l’art visuel, le violoniste belge Simon GILBERT sera également présent avec les musiciens de son SoundLab pour mettre l’ambiance avec leurs improvisations.

Ce projet et ce vernissage me tiennent à cœur car c’est une occasion de faire se rencontrer et faire travailler ensemble, côte à côte, les artistes de la ville, de créer une émulation collective. C’est aussi faire connaître la richesse artistique de la ville à la population résidente à Siem Reap. Et ce sera également l’occasion de faire découvrir nos producteurs de boissons artisanales locales, à savoir Herbal Kulen et Siem Reap Craft Brewery qui seront là pour proposer des verres et des cocktails. Pour accompagner cela tout en restant dans la francophonie, Maison 557 nous a fait aussi la gentillesse de nous préparer des samosas malgaches qui sont excellents et l’EHT Paul Dubrulle assurera le service de canapés à la française.

LPJ : En quoi Côte à Côte & Face à Face parle de la francophonie ?

L.M. : Aujourd’hui, la francophonie a remplacé les relations antérieurs de la France avec ses départements, territoires hors de l’Hexagone, avec ses colonies et ses protectorats dans le sens où les différentes Nations qui partagent la langue française sont désormais côte à côte, alors qu’elles furent à l'époque “l’une au-dessus des autres”, voire même parfois, malheureusement, “face à face”.

Le côte à côte, c’est aussi de rassembler les artistes francophones de Siem Reap, les uns à côté des autres, pour relever l’objectif ambitieux, mais réaliste, d’obtenir la tenue du Sommet de la Francophonie en 2026. La Chambre de Commerce se tient naturellement elle-même à côté des artistes et des entreprises qui veulent y contribuer.

Et puisque les deux artistes internationaux de l’exposition sont des grands spécialistes des visages, des faces, l’idée est venue de nommer l’exposition Côte à Côte & Face à Face. La langue française se prête beaucoup aux jeux de mots, les maîtres (mes idoles) en étant des belges, avec naguère Raymond DEVOS et aujourd’hui Stéphane DEGROODT.

C’est aussi un moyen d’installer MASA STUDIO dans la vie culturelle de notre ville et d’appeler à y créer d’autres évènements ou réalisations artistiques et culturelles d’autres artistes. Il s’agit aussi d’appeler les autres emplacements de la ville qui s’y prêtent à en faire de même. Je pense à Cocoon, au Blue Art Center, WARP Studio ou à Satcha, entre autres.

Je précise que, grâce au soutien de la Chambre de Commerce, l’entrée est libre et gratuite. On essayera à cette occasion de voir comment à terme trouver un modèle d’autofinancement nous permettant de faire plus d'événements culturel et social dans ce genre.