Selon un nouveau rapport publié par le Programme des Nations Unies pour le développement et intitulé "sortir de l'impasse", les progrès inégaux en matière de développement laissent de côté les plus pauvres, exacerbent les inégalités et alimentent la polarisation politique à l'échelle mondiale. Il en résulte une dangereuse impasse à laquelle il faut s'attaquer d'urgence par une action collective.
Le Rapport mondial sur le développement humain 2023/24, intitulé "Sortir le l'impasse ", révèle une tendance inquiétante : le rebond de l'indice mondial de développement humain (IDH) - une mesure synthétique reflétant le revenu national brut par habitant, l'éducation et l'espérance de vie d'un pays - a été partiel, incomplet et inégal.
L'état des lieux du développement humain. Le Cambodge un exemple édifiant.
Au cours des deux dernières décennies, il a maintenu un taux de croissance moyen d'environ 7 %, ce qui en a fait l'un des pays à la croissance la plus rapide et la plus dynamique du monde. Entre 1990 et 2021, le revenu par habitant a été multiplié par quatre, l'espérance de vie a augmenté de plus de 14 ans et le nombre moyen d'années de scolarisation est passé de 2,4 à 5,1 années en moyenne. En conséquence, l'indice de développement humain (IDH) du Cambodge a augmenté de 56,9 %, plaçant le pays dans la catégorie de développement humain moyen. Cependant, les disparités et les inégalités persistent. Comme ailleurs, la pandémie de COVID-19 et d'autres facteurs perturbateurs, tels que des événements climatiques extrêmes, la crise du coût de la vie et les tensions géopolitiques, les ont encore aggravées et ont entraîné la perte de certains acquis en matière de développement. En conséquence, l'IDH du Cambodge a régressé à son niveau de 2018.
Les inégalités mondiales sont aggravées par une forte concentration économique. Comme l'indique le rapport, près de 40 % des échanges mondiaux de marchandises sont concentrés dans trois pays ou moins ; et en 2021, la capitalisation boursière de chacune des trois plus grandes entreprises technologiques du monde a dépassé le produit intérieur brut (PIB) de plus de 90 % des pays cette année-là.
"L'écart croissant en matière de développement humain révélé par le rapport montre que la tendance de deux décennies de réduction constante des inégalités entre les pays riches et les pays pauvres est en train de s'inverser. Malgré l'interconnexion profonde de nos sociétés mondiales, nous ne sommes pas à la hauteur. Nous devons tirer parti de notre interdépendance et de nos capacités pour relever nos défis communs et existentiels et veiller à ce que les aspirations des populations soient satisfaites", a déclaré Achim Steiner, chef du Programme des Nations unies pour le développement. "Cette impasse a des conséquences humaines considérables. L'incapacité de l'action collective à faire progresser les mesures relatives au changement climatique, à la numérisation ou à la pauvreté et aux inégalités entrave non seulement le développement humain, mais aggrave également la polarisation et érode encore davantage la confiance dans les personnes et les institutions dans le monde entier. »
Les conséquences de la polarisation politique
Le rapport affirme que l'avancement de l'action collective internationale est entravé par un "paradoxe démocratique" émergent : alors que 9 personnes sur 10 dans le monde approuvent la démocratie, plus de la moitié des personnes interrogées dans le monde expriment leur soutien à des dirigeants susceptibles de la compromettre en contournant les règles fondamentales du processus démocratique, selon les données analysées dans le rapport. La moitié des personnes interrogées
La polarisation politique est également une préoccupation croissante qui a des répercussions mondiales. Selon les auteurs du rapport, elle alimente, en plus d'un sentiment d'impuissance, des approches politiques repliées sur elles-mêmes, en contradiction flagrante avec la coopération mondiale nécessaire pour faire face à des problèmes urgents tels que la décarbonisation de nos économies, l'utilisation abusive des technologies numériques et les conflits. Cette situation est particulièrement alarmante à la lumière des températures record de 2023, qui soulignent la nécessité immédiate d'une action unie pour lutter contre la crise climatique, ou de l'avènement de l'intelligence artificielle en tant que nouvelle frontière technologique en évolution rapide avec peu ou pas de garde-fous réglementaires.
Le rapport souligne que la démondialisation n'est ni possible ni réaliste dans le monde d'aujourd'hui et que l'interdépendance économique reste forte. Il souligne qu'aucune région n'est proche de l'autosuffisance, car toutes dépendent des importations d'autres régions à hauteur de 25 % ou plus pour au moins un grand type de biens et de services.
Vers une coopération renouvelée : propositions d'action
Le rapport met l'accent sur la reconfiguration de l'interdépendance mondiale et appelle à une nouvelle génération de biens publics mondiaux. Il propose quatre domaines d'action immédiate :
- les biens publics planétaires, pour la stabilité du climat, alors que nous sommes confrontés aux défis sans précédent de l'Anthropocène ;
- les biens publics mondiaux numériques, pour une plus grande équité dans l'exploitation des nouvelles technologies au service d'un développement humain équitable ;
- des mécanismes financiers nouveaux et élargis, y compris une nouvelle voie dans la coopération internationale qui complète les biens publics mondiaux numériques, pour une plus grande équité dans l'exploitation des nouvelles technologies en vue d'un développement humain équitable