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Apporter la dimension sonore aux enfants sourds du Cambodge

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Colin et un enfant lors de la 37e mission
Écrit par Raphaël FERRY
Publié le 27 mai 2022, mis à jour le 28 mai 2022

Êtes-vous déjà entré dans une ruche ? Moi non. C’est pourtant le sentiment qui m’envahit quand je pénètre mardi, dans les locaux de l’Institut d'Education Spécialisée pour les enfants sourds et aveugles de Phnom Penh Thmey.

 

Il y a des enfants partout bien sûr, mais pas que…. Une quinzaine de Barangs s’activent qui, installés sur un petit coin de table, semblent entrer dans un ordinateur portable de précieuses données... Qui sélectionnent des appareils électroniques miniaturisés... Qui frappent bruyamment dans leurs mains dans le dos de gamins qui restent concentrés.

 

Je suis un peu déconcerté mais je comprends vite que ce qui semble être de l’agitation est un ballet bien rodé, dans lequel chacun est bien rompu à la tâche qui lui est dévolue.

 

En fait, je suis immergé dans la 38ème mission d’Enfants Sourds du Cambodge (ESC) une ONG française qui comme son nom l’indique apporte aide et assistance aux enfants sourds du Royaume.

 

Les enfants autour de moi, m'explique Olivier Louvel, médecin ORL, sont tous atteints de surdité sévère ou profonde. Le Ministère de l’Education leur donne une éducation spécialisée dans les cinq écoles réparties dans le pays (deux à Phnom Penh et une à Siem Reap, Battambang et Kampong Cham).

 

C’est Benoît Duchâteau-Arminjon, fondateur de l’ONG Krousar Thmey, qui a créé les écoles spécialisées pour enfants aveugles et ensuite pour les enfants sourds au Cambodge au sortir de la guerre. Il les a remises officiellement au ministère cambodgien de l’éducation en 2019, qui en assure depuis la gestion.

 

L’association Enfants Sourds du Cambodge apporte son aide depuis 2001 car, même si les choses s’améliorent, la déficience auditive n’est pas une priorité face aux immenses tâches auxquelles doit faire face le Cambodge. Les spécialistes ORL sont peu nombreux, les audioprothésistes et les orthophonistes quasi-inexistants.

 

mission enfants sourds du cambodge

 

Chaque année, ESC mène deux campagnes de 3 semaines. Il s’agit d’établir un bilan pour chaque enfant, d'adapter et vérifier son appareillage, de le remplacer le cas échéant. Cinq écoles, réparties dans le pays, plus de 500 enfants à voir en trois semaines, je comprends maintenant qu’il n’y a pas de temps à perdre.

 

Je suis même un peu confus de troubler le travail de Christine, audioprothésiste. qui s’occupe de Thyna quinze ans. La perte auditive de cette jeune fille est profonde, elle atteint même 90% à gauche. Elle est appareillée depuis 2014. Elle avait 7 ans. A peine rentrée à l’école, elle a été orientée vers l’éducation spécialisée et a été prise en charge par ESC dès cette époque. Il s’agit pour Christine de vérifier si ses appareils sont fonctionnels. Ces concentrés de technologie filtrent les signaux acoustiques, les amplifient et les régulent. Mais comme tout, ils sont sujet à l’usure, la perte, la détérioration.

 

Grâce à eux, Thyna, 15 ans, peut entendre. Un peu. Et puisqu’elle peut entendre, elle peut parler. Un peu. Comme le suivi n’est réalisé qu’à partir du moment où les enfants entrent à l’école, des années précieuses sont perdues à l’âge où  leur cerveau apprend à distinguer les sons. 

 

enfants sourd du Cambodge
Thyna, 15 ans, est appareillée depuis l'âge de 7 ans par Enfants Sourds du Cambodge

A l’école, on capitalise sur ce que les enfants possèdent comme audition. On ne peut pas parler si on n'entend pas. On leur apprend aussi le langage des signes et aussi à discerner les bruits du quotidien, une moto qui arrive par exemple.

 

Geneviève est là depuis le début. Elle est à l’origine de l’association avec son mari Jean-Paul Béraha, audiophonologiste, le docteur Michel Bré, médecin ORL et son épouse Ravy, pharmacien franco-cambodgienne.

 

Elle m’explique qu’après guerre, le pays était complètement à reconstruire. Parmi les milliers d’enfants désemparés, ceux souffrant d’un handicap étaient frappés par un sort encore plus terrible. Dans la société cambodgienne, et selon les principes bouddhistes, le handicap était perçu comme une fatalité. L'enfant handicapé était abandonné à lui-même.

Heureusement le travail mené par Benoît Duchâteau-Arminjon a permis progressivement de changer le regard porté sur ces enfants.

 

Geneviève m’explique que le but ultime d’ESC est que les Cambodgiens puissent eux-mêmes se prendre en charge.

Le projet actuel de l’ONG est de mettre en place des formations diplômantes d'audioprothésistes dans le pays. En partenariat avec le Ministère de l’Education du Royaume, ESC et la Faculté de Médecine de Montpellier y travaillent déjà, avec le soutien d'Amplifon*.

 

L’ONG assure pour l’instant la formation des techniciens audioplasticiens entre autres Sopheak et Sunhieng , qui sont devenus eux-mêmes formateurs. De même, depuis plusieurs années, les professeurs spécialisés reçoivent un enseignement d'Audio-Phonologie dans le cadre de l'Institut National de l'Education Spécialisée.

 

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Sopheak et Sunhieng techniciens audioplasticiens formés par l'ONG et devenus à leur tour formateurs

 

En attendant, les bénévoles s’activent autour des enfants. Chacun prend entièrement en charge son propre voyage. Pour chaque mission, l'ONG a besoin de 500 prothèses, et 10 000 piles.

 

Je laisse les 14 membres de cette 38 ème mission finir leur travail, demain ils seront à Kampong Cham à apporter la dimension sonore à des enfants qui en ont été privés.

 

* Amplifon est un groupe international d’audiologie distribuants des prothèses.

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