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Sipar, l'ONG cambodgienne aux 440 bibliothèques

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Crédits : Sipar
Écrit par Virginie Vallée
Publié le 18 février 2020, mis à jour le 18 février 2020

Depuis les camps de réfugiés en Thaïlande jusqu’aux bibliothèques dans les prisons cambodgiennes, Sipar est une ONG incontournable dans le domaine de l’édition au Cambodge depuis 37 ans.

Chaque matin le bibliobus sillonne les villages dans un rayon de 30 km autour de Phnom Penh. Le bibliothécaire arrête son véhicule dans la cour de l’école, installe une natte sous un arbre ou sous un préau, sort les caisses de livres et commence à raconter des histoires. Après les animations, les enfants peuvent emprunter un livre qu’ils garderont jusqu’au prochain passage de Sipar. Une façon de redonner le goût de la lecture aux jeunes cambodgiens, tradition qui s’est perdue avec la guerre et que Sipar tente de rétablir. « Lire n’est plus dans les habitudes des gens, même les classes aisées n’ont pas de bibliothèque dans leur salon » explique Sothik Hok, directeur de Sipar, qui rappelle au passage que tous les écrits du royaume ont été brûlés sous le régime Khmer Rouge.

Dans les années 80, les volontaires de Sipar étaient engagés en France auprès des réfugiés cambodgiens. Loger les familles, aider dans la recherche d’emploi ou pour l’inscription des enfants à l’école était la première mission de l’ONG. Très vite les volontaires ont investi les camps de réfugiés en Thaïlande pour proposer des activités pédagogiques aux jeunes et tenter de lutter contre l’illettrisme. Bien implantée dans le paysage associatif lorsque les accords de paix de Paris ont été signés en 1991, Sipar accepte alors l’invitation du gouvernement Cambodgien pour participer à la reconstruction du pays. Les deux bibliothèques qui avaient été constituées dans les camps ont été transférées dans des écoles cambodgiennes et l’association a fourni un support pédagogique important pour la formation de formateurs. L’ONG compte aujourd’hui 440 bibliothèques sous toutes ses formes dans 25 provinces et municipalités cambodgiennes. « Le gouvernement Cambodgien est aujourd’hui en capacité de gérer lui-même les bibliothèques des écoles publiques. Depuis 2010, Sipar continue son activité dans des secteurs moins formels » précise Sothik Hok.

Avec le temps Sipar a su s’adapter aux besoins et innover. « Le temps est loin où les volontaires de l’ONG collaient des traductions en khmer sur les livres que nous faisions venir depuis la France dans les années 90, se souvient le directeur. J’ai moi-même traduit quelques titres ». Aujourd’hui 2,3 millions de livres ont été édités par l'ONG depuis 2000 et 190 titres originaux ont été conçus et édités. Spécialisée dans les livres pour la jeunesse, l’offre est large allant des livres en tissus, imagiers, manuels scolaires en passant par les traductions de classiques de la littérature jeunesse comme Pinocchio ou Le Petit Prince. Des bandes-dessinées comme L’Année Du Lièvre de Tian ont été traduites en khmer. Une collection d’ouvrages pratiques abordant des sujets aussi variés que l’agriculture, la santé ou le travail est disponible pour les adultes.

Aujourd’hui, les actions de Sipar ne portent plus directement sur la création de bibliothèques scolaires même si l'association joue toujours un rôle de conseil et d’expertise dans ce domaine. L’ONG continue de diffuser la lecture et de lutter contre l’illettrisme à tous les niveaux grâce à la détermination d’une cinquantaine d’employés cambodgiens et de nombreux volontaires qui expérimentent sans cesse de nouvelles idées. Les huit bibliobus de l’association, par exemple, ont été rejoints par une biblio-moto, moins encombrante et moins polluante. « Nous sommes sensibles aux problèmes environnementaux » souligne l’éditeur. Un biblio-bateau commencera à distribuer des livres dans les villages flottants sur le Tonlé Sap fin février. Il s’agit d’un projet pilote pour toucher une population particulièrement défavorisée qui n’a aucun autre accès aux livres.

Sipar a recensé 640 000 bénéficiaires de ses actions. 19 coins lectures ont été installés dans les hôpitaux, 18 maisons de jeunes en zones rurales mais aussi 26 bibliothèques dans les prisons et 25 dans les usines textiles. Dans les centres de détention comme dans les usines, il s’agit d’organiser des programmes d’alphabétisation pour des populations particulièrement touchées par l’illettrisme. En collaboration avec différents ministères et d’autres ONG et fondations, Sipar a un rôle de médiateur, il s’agit de mettre en relation les établissements avec les acteurs appropriés pour fournir soit des ateliers d’alphabétisation soit de la formation professionnelle pour la réinsertion des détenus en fin de peine par exemple. Au sein des usines textiles où 90% des ouvriers sont des femmes, le programme en cours depuis 2013 prévoit la mise en place de 34 bibliothèques centres d’éducation (BCE) dans neuf provinces cambodgiennes d’ici 2021 pour toucher 95 000 ouvriers. « Les usines textiles emploient beaucoup de femmes qui ont dû arrêter l’école trop tôt pour aller travailler. Ces séances d’alphabétisation leur permettent d’évoluer dans leur carrière professionnelle » explique Sothik Hok.

Depuis une dizaine d’années Sipar participe activement au salon du livre à Phnom Penh. « C’est un événement qui connaît un grand succès surtout auprès des jeunes. Il y a dix ans le premier salon a reçu 1000 personnes sur trois jours. C’était à l’institut français du Cambodge, il y avait alors cinq stands. En 2019, la bibliothèque nationale a hébergé pendant trois jours 140 stands et reçu 180 000 visiteurs qui ont acheté 300 000 livres », raconte le directeur de Sipar qui est aussi le directeur de l’association des bibliothécaires cambodgiens. 200 jeunes volontaires parmi les 2000 candidats ont été sélectionnés sur concours pour participer à l’organisation de l’événement. « Chaque année le nombre de volontaires grandit. C’est gratifiant pour ces jeunes de participer à un tel évènement culturel. Les occasions de faire des stages sont rares au Cambodge pour ces jeunes qui souhaitent mettre en pratique leurs connaissances et leur savoir-faire », se félicite l’organisateur qui note au passage que l’engouement pour le salon du livre date d’il y a quatre ou cinq ans, depuis que les jeunes participent.

À l’occasion de la journée nationale de la lecture, un festival du livre se tiendra du 6 au 8 mars dans les locaux de l’institut des technologies du Cambodge où auront lieu, entre autre, des concours de poésie, des lectures à haute voix et durant lequel Sipar sera présent. Les ouvrages de Sipar sont en vente à la librairie Sipar au numéro 9 de la rue 334, Beng Keng Kang 1, chez Carnets d’Asie, Monument Book, et autres papeteries-librairies du pays.

 

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virginievallee
Publié le 18 février 2020, mis à jour le 18 février 2020

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