L’Alliance Française de Siem Reap vient de vivre une période de changements avec à sa tête un nouveau président et un nouveau directeur. Son inauguration officielle ce soir est l’occasion pour Lepetitjournal de rencontrer Xavier Caillaud - son directeur et de faire le point avec lui sur les nouvelles ambitions pour l’enseignement de la langue française et de la promotion de la francophonie.
Lepetitjournal.com : Vous avez été nommé directeur de l’Alliance Française de Siem Reap début mars, pouvez-vous nous faire un bilan de votre prise de fonction après plus de 3 mois maintenant ?
Xavier Caillaud : Une telle prise de poste avec autant de responsabilités est souvent intense et éprouvante, mais cela n’en demeure pas moins passionnant ! À mon arrivée, deux sujets majeurs m’attendaient : le week-end de la Francophonie et le lancement d’une nouvelle session de cours de français, un moment toujours crucial dans une Alliance.
LPJ : Justement, quel est le bilan de cette nouvelle session ?
XC : C’est un bilan très positif car nous avons 136 élèves inscrits à cette seconde session 2024, ce qui représente une augmentation de presque 5% par rapport à la session précédente. Et surtout, c’est la première fois depuis 2023 que l’Alliance affiche une croissance d’élèves, c’est un résultat extrêmement satisfaisant et encourageant pour l’avenir.
LPJ : Comment allez-vous faire pour maintenir cette croissance ?
XC : Tout d’abord, nous avons simplifié notre grille tarifaire afin de rendre notre offre plus claire et plus attrayante. Puis, nous avons également mené une réflexion sur le contenu pédagogique afin d’offrir un cadre plus cohérent à l’équipe pédagogique et à nos apprenants. Le bouche à oreille a été très efficace et c’est sans doute l’une des raisons qui a fait revenir les apprenants vers l’Alliance.
Notre objectif est d’atteindre 175 élèves d’ici la fin de l’année pour renouer avec le niveau d’inscriptions pré-COVID et poursuivre sur cette voie pour avoir 200 élèves à la fin 2025.
LPJ : Pourquoi apprendre le français aujourd’hui ?
XC : Le français occupe toujours une place privilégiée dans notre monde globalisé. C’est la 5ème langue parlée sur la planète et la 4ème langue utilisée sur Internet. Le nombre de locuteurs est en progression et l’Organisation Internationale de la Francophonie projette 600 millions de locuteurs d’ici 2050, contre 321 millions à ce jour. Pour les apprenants cambodgiens, apprendre le français n’est pas seulement une porte ouverte vers la culture française, mais aussi un atout majeur pour améliorer leur employabilité. À Siem Reap, le tourisme est la colonne vertébrale de l’économie, ainsi, une personne parlant deux ou trois langues étrangères aura plus d’opportunités de travail et de progression de carrière que quelqu’un maîtrisant seulement le khmer et l’anglais, par exemple.
Le français possède donc toute sa légitimité auprès de l’anglais et du chinois. S’ajoute à cela la nécessité de maîtriser le français pour poursuivre certaines études au Cambodge : les études de médecine, à l’Université des sciences et de la santé à Phnom Penh et à l’Université d’Angkor à Siem Reap (pour le cursus d’infirmier et de sage-femme), les études de droits et de technologie à Phnom Penh.
LPJ : Quels sont vos projets pour la suite ?
XC : La priorité est d’abord l’équilibre budgétaire qui passe par le maintien de la croissance du nombre d’inscriptions que nous venons d’amorcer et par le développement de notre offre de cours destinée aux professionnels. Ainsi, nous souhaitons développer des partenariats avec, par exemple, l’Université d’Angkor, les lycées bilingues de la ville, comme le lycée d’Angkor et le lycée de Puok, et avec l’autorité APSARA. Un troisième axe concerne le parrainage et le mécénat auprès des entreprises afin d’obtenir un soutien financier direct.
Concernant le volet culturel, nous avons déjà commencé à travailler sur notre programmation avec un événement autour du livre qui a eu lieu le 4 mai, avec notamment une lecture de textes de Marguerite Duras par la compagnie When Cats Fly qui a été un très beau moment de partage très apprécié par le public. Nous souhaitons faire de l’Alliance un lieu de rencontre et d’échange des cultures, en attirant un plus grand nombre de cambodgiens francophones à nos événements. Pour ce faire, notre équipe de médiation culturelle va s’atteler à concocter des événements susceptibles d’attirer à la fois nos compatriotes expatriés et nos hôtes cambodgiens.
Nous allons aussi décloisonner l’apprentissage du français et faire sortir les élèves de la classe. Nous avons emmené les apprenants de notre classe B1 assister à la représentation de la pièce «Une enquête dans le Kent», au mois de mai. Les élèves sont ressortis ravis de cette expérience à la fois ludique et enrichissante pour eux. Nous allons multiplier ce genre d’opportunités en proposant des ateliers culinaires, de photographie, de dessin et d’expression théâtrale. Le français ne s’apprend pas seulement dans les livres et en classe, toutes les occasions sont à saisir pour pratiquer la langue française.
LPJ : Vous venez d’emménager dans des nouveaux locaux, quelles sont les raisons derrière ce grand changement ?
XC : Oui, depuis le lundi 3 juin, l’Alliance Française a changé d’adresse. Ce déménagement vise principalement à diversifier notre offre et nos services dans un environnement plus propice à un apprentissage et une pratique ludique du français. Ainsi, les ateliers culinaires ou d’expression théâtrale, dont je parlais précédemment, se tiendront désormais dans des espaces spécialement conçus pour cela, toujours dans cette optique d’ouverture de l’apprentissage. Nous proposerons également un service café au sein de notre nouveau lieu où les apprenants, les parents et les visiteurs pourront se détendre en savourant un bon café. Ce sont des avantages que nous ne pouvions pas proposer auparavant.
LPJ : Vous ne deviez pas emménager avec l’École Française de Siem Reap ?
XC : Si effectivement, il s’agit d’un projet ambitieux de création d’un pôle francophone au cœur de la ville de Siem Reap, auquel l’Alliance Française et l’École Française sont extrêmement attachées et qui a le soutien total de l’Ambassade de France au Cambodge. Néanmoins, nous avons estimé, après mûre réflexion, que certains de nos impératifs n’étaient pas compatibles avec un emménagement à date. Mais bien évidemment, le projet n’est aucunement remis en question et nous continuons à travailler en étroite collaboration avec L’École Française pour faire aboutir ce beau projet dans les meilleures conditions pour tous.
LPJ : Que peut-on souhaiter à l’Alliance Française ?
XC : De continuer à attirer plus de monde, que ce soit à nos cours de français, à nos ateliers à venir et à nos événements culturels. Nous souhaitons faire de l’Alliance Française de Siem Reap un lieu de rencontre et de partage entre toutes les communautés de notre belle ville. Et de manière plus générale, nous espérons que le Cambodge accueillera le XXe sommet de la Francophonie en 2026. Si Siem Reap était choisie comme ville hôte, cela représenterait bien évidemment une opportunité extraordinaire pour la langue française et la francophonie, mais également pour l’essor économique de la ville.