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Les microcrédits pourraient aggraver la crise économique au Cambodge

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Des ouvrières du textile cambodgiennes. Crédits : World Bank Photo / Flickr Creative Commons
Écrit par Pierre Motin
Publié le 4 mai 2020

Plusieurs ONG cambodgiennes demandent la suspension des remboursements de microcrédits au Cambodge. Plus de 2,5 millions de Cambodgiens détiennent ce type de crédit dans le royaume.

Selon un collectif d’ONG cambodgiennes, dont la LICADHO, Sahmakum Teang Tnaut, CENTRAL et le Centre cambodgien pour les droits de l’homme, la crise économique cambodgienne due à la pandémie de Covid-19 est amplifiée par la crise du surendettement dans le pays, liée aux 10 milliards de dollars de prêts accordés par des institutions de microfinance (IMF) agressives.

D’après ces organisations de la société civile cambodgienne, plus de 2,5 millions de Cambodgiens détiennent actuellement des microcrédits. Le prêt moyen s’élève à plus de 3800 dollars, soit le montant le plus élevé au monde, ce qui met en péril les moyens de subsistance, la santé et la sécurité foncière de millions de Cambodgiens.

Les ONG appellent le gouvernement cambodgien à ordonner que les organisations de microfinance suspendent immédiatement tous les remboursements de prêt ainsi que les intérêts encourus sur les prêts pendant au moins trois mois et restituent à leurs propriétaires les millions de titres fonciers actuellement détenus en garantie par les organisations de microcrédit. Les associations soulignent que ces mesures sont nécessaires pour que les gens puissent survivre à cette crise sans risquer leur santé ou leur habitation.

« L'utilisation des titres fonciers comme garanties a causé des dommages importants, tels que l'insécurité foncière, la vente forcée de terrains et la perte de logements pour les ménages cambodgiens, indique Chak Sopheap, directrice du Centre cambodgien pour les droits de l’homme. Elle a également facilité d'importantes violations des droits de l'homme telles que le travail des enfants, le travail forcé et la servitude pour dettes, car les ménages ont recours à des mesures extrêmes pour pouvoir rembourser leur prêt de peur de perdre leur maison et leurs moyens de subsistance, comme par exemple faire travailler leurs enfants. »

Depuis plusieurs semaines, les pertes de salaires, suspension de travail et licenciements se sont multipliés au Cambodge dans les secteurs du tourisme, de l'habillement et de la construction. D’après les ONG signataires de cet appel, les efforts du gouvernement pour compenser ces pertes n'ont jusqu'à présent pas permis de répondre aux besoins fondamentaux des travailleurs. La dette des IMF cambodgiennes - dont une grande partie est garantie par les titres fonciers de millions d'emprunteurs - augmente de manière exponentielle les risques à court et à long terme de cette crise économique.

La Banque nationale du Cambodge a pris des mesures pour encourager les organisations de microfinance à proposer des rééchelonnements et des reports de prêts au cas par cas. Amret, une institution de microfinance, a annoncé des reports de paiement du principal et des intérêts de trois mois pour certains de ses emprunteurs. Cependant, les ONG soulignent que le Cambodge compte plus de 80 IMF, et estiment qu’un processus au cas par cas ne fonctionnera pas assez vite pour les 2,6 millions d'emprunteurs qui ont besoin d'une aide immédiate. Elles considèrent qu’une approche plus systématique est nécessaire de toute urgence. Les ONG appellent la Banque nationale du Cambodge et le gouvernement cambodgien à ordonner aux IMF d'apporter une aide immédiate à tous les emprunteurs, notamment en leur restituant leur bien le plus précieux - leurs titres fonciers - et en suspendant tous les remboursements et les intérêts courus pendant au moins trois mois, avec la possibilité d'une aide à plus long terme si la crise se prolonge.

Le collectif d’ONG précise qu’il est conscient des effets négatifs qu’aurait une suspension des paiements des dettes sur les institutions de microfinance, mais souligne que la restitution des titres fonciers utilisés comme garantie représente un risque généralement supporté par les organisations de microfinance dans d’autres pays, qui utilisent rarement des titres fonciers pour garantir des microcrédits.

 

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Publié le 4 mai 2020, mis à jour le 4 mai 2020

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