La LICADHO et STT ont publié début août un rapport pointant les dérives de la microfinance au Cambodge. En cause, des microcrédits « prédateurs » qui forceraient des Cambodgiens à vendre leurs terres.
La ligue cambodgienne des droits de l’homme (LICADHO) et l’ONG Sahmakum Teang Tnaut (STT) ont publié le 7 août un rapport intitulé « Dégats collatéraux » portant sur les dérives « graves et systématiques » du secteur de la microfinance au Cambodge. Le gouvernement cambodgien a rejeté les conclusions du rapport, remettant notamment en cause sa méthodologie.
Plus de deux millions de Cambodgiens ont fait un prêt auprès d’une institution de microfinance. D’après les deux ONG cambodgiennes, les niveaux d’endettement ont explosé ces dernières années, ce qui a mené à de nombreuses violations des droits de l’homme, notamment des ventes de terres forcées, du travail des enfants et du travail forcé.
Le rapport rend compte de la taille importante du secteur de la microfinance au Cambodge et souligne les violations des droits de l’homme liées à cette activité. L’étude, menée sur dix communes situées dans quatre provinces et à Phnom Penh détaille sept cas de violations des droits de l’homme, choisis parmi 28 clients d’institutions de microfinance qui se sont entretenus avec les chercheurs des ONG.
En décembre 2018, les 2,38 millions d’emprunteurs cambodgiens auprès d’institutions de microfinance représentaient plus de 8 milliards de dollars de prêts. Le microcrédit moyen au Cambodge est le plus élevé au monde, s’élevant à 3 370 dollars, alors que produit intérieur brut par habitant est de 1 384 dollars. Les ONG soulignent que les institutions de microfinance cambodgiennes proposent des taux d’intérêts très élevés, demandent des titres fonciers comme garanties, et ciblent les clients pauvres. D’après le rapport, les emprunteurs doivent fréquemment vendre leurs terres pour payer leurs dettes, sous la pression des institutions de microfinance elles-mêmes. Les ONG considèrent que le problème s’étend aux familles des emprunteurs, les enfants étant souvent forcés d’arrêter d’aller à l’école et de commencer à travailler.
Ces prêts, qualifiés de « prédateurs » par la LICADHO et STT, ont accru la vulnérabilité des communautés en terme de sécurité foncière, tout en étant très rentables pour les institutions de microfinance et leurs partenaires étrangers. Le fait que le gouvernement ait limité le taux d’intérêt annuel à 18% pour les nouveaux prêts n’a pas freiné la croissance de ces prêts, d’après le rapport. Les sept plus importantes institutions de microfinance ont enregistré plus de 130 millions de dollars de profits en 2017.
La LICADHO et STT considèrent que les agriculteurs pauvres ne devraient pas faire l’objet de ce qu’elles considèrent comme des activités financières prédatrices, mais qu’ils devraient avoir accès à des financements durables et gérés directement par les communautés. Les deux ONG demandent dans leur rapport que le secteur de la microfinance soit réformé afin que les Cambodgiens ayant contracté un microcrédit ne soient plus forcés de vendre leurs terres pour payer leurs dettes.
Le gouvernement cambodgien a rejeté les conclusions du rapport, admettant des dérives ponctuelles mais niant l’existence de problèmes généralisés dans le secteur de la microfinance. Chea Serey, directrice générale à la banque nationale du Camboge, a indiqué le 8 août que ce rapport et sa couverture médiatique ont eu pour intention de nuire au à l’image de la microfinance au Cambodge, et a regretté qu’il « contienne moins de faits que de ouï-dire », tout en condamnant les pratiques malhonnêtes et en s’engageant à enquêter sur celles-ci. Des représentants des deux ONG ont été invités à une réunion du Conseil des ministres le 4 septembre.
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