Face aux tensions régionales et à la dépendance commerciale, consommer local et utiliser le riel devient un acte citoyen.


Opinion
Un patriotisme de choix, pas de slogans
Dans un monde globalisé, le patriotisme ne se limite plus aux discours ou aux drapeaux. Il s’exprime dans nos actes quotidiens : ce que nous consommons, comment nous payons, à qui nous faisons confiance. Alors que le Cambodge fait face à des tensions frontalières persistantes, à une dépendance économique croissante et à des pressions extérieures, il est temps de répondre non par la colère, mais par la cohérence.
« Nous n’avons pas d’alliés éternels, ni d’ennemis perpétuels. Nos intérêts sont éternels et perpétuels, et c’est notre devoir de les défendre », disait Lord Palmerston en 1848. Ce principe reste d’une étonnante actualité.
Une dépendance commerciale inquiétante avec la Thaïlande
En 2023, les échanges commerciaux entre le Cambodge et la Thaïlande ont atteint 3,71 milliards de dollars, selon les données des douanes cambodgiennes. Les exportations cambodgiennes s’élevaient à 817,6 millions, tandis que les importations dépassaient 2,89 milliards, creusant un déficit de 2,08 milliards.
En 2024, le commerce bilatéral est monté à 4,29 milliards, dont 844,9 millions d’exportations pour 3,44 milliards d’importations. Le déficit commercial a ainsi augmenté à 2,6 milliards de dollars.
Le Cambodge importe quatre fois plus qu’il n’exporte vers la Thaïlande. Carburants, fruits, vêtements, matériaux de construction, appareils électroniques ou produits de consommation courante : la majorité des biens vient de l’Ouest. Et certains fournisseurs sont liés à des figures militaires ou politiques impliquées dans les tensions autour du temple de Preah Vihear.
Acheter khmer, c’est affirmer sa dignité
Le Cambodge n’est pas pauvre en potentiel — seulement en confiance. En préférant des produits thaïlandais alors que des alternatives locales existent, nous sapons les efforts de nos producteurs, de nos artisans, de nos PME.
D’autres pays n’agissent pas ainsi. Les Japonais achètent leur riz et leurs pommes nationales, même plus chers, pour soutenir leur agriculture. Au Vietnam, Starbucks a échoué face aux marques locales comme Trung Nguyên. Et la Thaïlande elle-même privilégie sa production nationale.
« Le nationalisme n’est pas l’agressivité, c’est l’autonomie », pourrait-on dire.
Chaque produit khmer est un geste fort
Fruits, légumes, sel, sauces, snacks, dentifrice, savons, vêtements, chaussures : consommer local, c’est soutenir des emplois, des familles, des savoir-faire. Ce n’est pas toujours moins cher, mais c’est toujours plus juste. C’est semer la résilience économique et récolter l’indépendance.
Le riel, pilier de notre souveraineté
Dans les provinces frontalières comme Banteay Meanchey, Oddar Meanchey, Pailin ou Battambang, le baht thaïlandais circule plus couramment que le riel cambodgien. Une situation alarmante.
La monnaie est bien plus qu’un outil : c’est un symbole de souveraineté. En laissant le baht dominer notre économie locale, nous affaiblissons notre pouvoir. Il est urgent de réhabiliter le riel : le demander, l’utiliser, l’enseigner, le respecter.
« Le riel est un emblème de notre dignité nationale, pas un simple bout de papier », devrait être le mot d’ordre.
Une résistance pacifique et constructive
Ce mouvement n’est pas un appel à la haine, mais un appel à la force tranquille. Il ne s’agit pas de boycotter le monde, mais de mettre l’intérêt khmer au premier plan. Ce n’est pas un ordre venu d’en haut, mais un engagement venu du cœur.
Une nouvelle conscience nationale
Chaque produit khmer acheté, chaque riel utilisé est un acte de souveraineté douce. Il ne faut pas attendre la prochaine crise pour se réveiller. Le moment est venu de poser un choix éclairé, quotidien, concret.
« Suivons nos intérêts éternels et perpétuels », disait Lord Palmerston. Aujourd’hui, cela signifie : Achetons khmer. Payons en riels. Protégeons le Cambodge.
Vichana SAR
À propos de l’auteur
Vichana SAR est chercheur à l’Académie royale du Cambodge. Il est titulaire d’un Master en gestion publique de la KDI School of Public Policy and Management (Corée du Sud) et d’un Master en éducation de la Royal University of Phnom Penh.
Avec l'aimable autorisation de Cambodianess, qui nous permet d'offrir cet article à un public francophone.
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