Rires, larmes, cris, silences pesants ou regards sombres rythment la vie de nos enfants…Parents comme éducateurs, nous sommes tous intéressés pour les accompagner dans la régulation de leurs émotions. Comment mettons-nous en place l’équilibre qui se joue dans les interactions entre adulte et enfant ?
Dans le développement cognitif et social de l’enfant, les émotions jouent un rôle central. Elles ont un impact sur le développement intellectuel dans la mesure où c’est grâce à l’intérêt et au plaisir qu'éprouve l'enfant dans ses interactions au monde qu'il peut faire son apprentissage. Pendant notre expérience au sein du projet Le Carrousel, nous avons observé que c’est impossible de travailler sur le développement du tout petit sans aborder de front le côté émotionnel.
Le développement émotionnel de l’enfant est une savante interaction entre des composantes qu’il a dès sa naissance et ce qu’’il fait ensuite dans sa vie de tous les jours. L’enfant arrive avec un kit de base composé d’émotions premières (la colère, la joie, le dégoût), mais aussi de toute une série de mécanismes qui vont lui permettre de se développer. C’est l’adulte qui, au départ, va piloter ces interactions, qui va soutenir le développement émotionnel de l’enfant. Puis arrive l’étape indispensable où l’équilibre se renverse jusqu’à ce que l’enfant soit celui qui prend enfin le contrôle de lui-même. Il va ainsi prendre une part de plus en plus active dans la maîtrise de ses émotions, mais aussi dans ce qu’il va donner à voir aux autres. Il va passer par des étapes clés comme la capacité de dissocier ce qui se passe à l’intérieur de ce qu'il va montrer de lui à l’extérieur. C’est cette capacité qui permet par exemple à un enfant, à partir de 8-10 ans, de tricher : très déçu par un cadeau, il sera capable de faire semblant d’être content pour ne pas vexer l’adulte présent, ce qu’un enfant plus jeune ne peut tout simplement pas faire.
L’entourage est aussi décisif pour un enfant car ce qu’’il maîtrise au départ de sa vie n’est certainement pas achevé et ne peut l’être que dans l’interaction avec autrui. C’est grâce à ces interactions avec les adultes que le petit apprend à mettre des mots sur ses émotions, à comprendre les liens de cause à effet entre ses émotions et les changements intervenant dans son environnement mais aussi faire siennes des stratégies pour apprivoiser ses ressentis.
Le travail sur l’apprivoisement des émotions doit commencer pendant les premières années de l'enfance. On ne pourrait pas imaginer un bon émotionnel optimal qui n’ait pas démarré dès les premiers jours de la vie de l'enfant. On peut imaginer que les enfants privés de ces interactions précoces auront un développement émotionnel un peu diffèrent. Qui plus est, il est impossible de faire une pause car les émotions font partie de notre vie quotidienne, elles sont systématiquement à l’oeuvre. C’est tous les jours que cet accompagnement émotionnel de l’enfant doit se faire.
Un bon équilibre émotionnel est donc à trouver entre l'enfant et l'adulte, une adaptation de l'un à l'autre. Cet équilibre ne peut pas se passer de la participation active de l’enfant, en ce sens qu’il doit être capable d’aller chercher dans son environnement le bon autorégulateur et choisir le bon moment. S’il est en colère, par exemple, il sait que sa mère est le meilleur autorégulateur alors que s’il éprouve du plaisir, son grand frère pourra plus facilement l’aider à l’intensifier et le faire durer. Pour que l’équilibre se fasse, l’enfant choisit donc l'autorégulateur le plus adéquat. L’adulte a aussi sa part de travail : il doit être attentif à l’enfant et identifier l’étape du développement émotionnel où il se trouve. Il peut ainsi le laisser gérer ce qu’il peut tout en ajoutant sa touche personnelle dès que le petit ne parvient pas à ses fins. Cet équilibre demande de la finesse mais enfants comme adultes ont une certaine aisance naturelle à fonctionner ainsi ensemble au quotidien.
Il n’y a pas de recettes miracles pour être en interaction émotionnelle avec un enfant. Les différences interindividuelles sont nombreuses : certains enfants parviennent facilement à réguler leurs ressentis parce qu’’ils sont à l’aise avec eux-mêmes, mais aussi parce qu’ils utilisent une palette de signes lisibles pour nous communiquer ce qui se passe en eux. Alors que d’autres petits sont plus mystérieux, plus renfermés. Il faut donc faire confiance et accepter qu’’il y ait des enfants avec lesquels la régulation des émotions sera plus difficile qu’avec d’autres. Mais il faut aussi être à l’écoute de vous-même, car nous sommes tous différents dans notre capacité à gérer nos propres émotions. Et plus nous serons à l’aise avec nos ressentis, plus il nous sera facile d’être un bon autorégulateur d’émotions pour nos enfants.