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Sylvain Audet-Găinar - Le polar s'invite à Bucarest

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© Julien Pohl
Écrit par Grégory Rateau
Publié le 15 février 2021

Notre rédaction est allée à la rencontre de Sylvain Audet-Găinar, un enseignant français qui a anciennement vécu à Bucarest et décidé d'y placer le cadre de ses deux polars ("Du Rififi à Bucarest" et "Mic Mac à Bucarest").

 

Parlez-nous un peu du lien que vous entretenez avec la Roumanie.

Mon premier lien avec la Roumanie a été une longue correspondance. Mon lycée était jumelé avec un établissement de Transylvanie et, pendant des années, j’ai écrit des lettres à une fille sans me douter qu’un jour elle deviendrait ma femme. Une histoire à la fois banale et plutôt romantique, qui me fait d’ailleurs prendre conscience, tout en vous répondant, que l’écriture est finalement au fondement de ma relation avec ce pays ! Plutôt troublant, non ? Dans tous les cas, très rapidement, j’ai décidé de devenir enseignant de Français Langue Étrangère afin de pouvoir travailler partout où le vent nous porterait. À cette époque, nous ne savions pas trop dans quel pays nous allions rester. S’en sont d’ailleurs suivies vingt années de nomadisme : Strasbourg, Cluj, Sibiu, Bruxelles, Bucarest, Paris… Trois ou quatre ans en moyenne dans chaque ville et le métissage progressif de nos identités et de nos cultures.

 

Qu’est-ce qui vous manque le plus de votre expatriation ?

Quand j’habite en Roumanie, je ne me sens pas du tout « expatrié ». « Différent » certes, parce que je ne suis pas né là-bas, mais pas plus étranger qu’en France désormais. Pour répondre toutefois à cette question, ce que j’apprécie le plus quand je suis en Roumanie est sans doute cette capacité à « laisser-aller » les choses, à ne pas tout vouloir maîtriser. C’est d’ailleurs ce qui fait que cet environnement est très stimulant pour un artiste. Tout peut arriver parce que rien n’est jamais vraiment prévisible.

 

Au-delà d’un exotisme certain, pourquoi avoir choisi Bucarest pour y situer l’action de vos deux polars ?

Entre nous, je n’ai jamais beaucoup aimé cette ville. Peut-être parce que j’y ai vécu pendant une année en tant qu’étudiant Erasmus en 2000-2001 et qu’à cette époque, l’ambiance y était drôlement délétère. Dans tous les cas, lorsque j’ai appris qu’on allait s’installer là-bas pour quelque temps, je n’ai pas franchement bondi de joie. Comment trouver le moindre charme à cette ville sale et moche, à ses habitants sous amphétamines, à cet immense parking à ciel ouvert ? Et pourtant, au fil du temps, j’y suis parvenu. Le pouls de cette ville m’est devenu audible. Et puis une tout autre lumière s’est faite sur Bucarest au moment où notre fils y est né. Ne me demandez pas pourquoi, mais il m’est alors devenu impérieux d’extraire pour cet enfant l’essence, l’esprit, l’ambiance de cette ville au moment de sa naissance afin qu’il puisse, une fois devenu grand, les retrouver, et pourquoi pas, en rire et même en tirer une petite fierté !

 

Pourquoi avoir opté pour le genre policier ?

Parce qu’il m’est le plus familier, qu’il permet de jouer avec une palette incroyable de « tonalités » narratives (burlesque, historique, sociologique, philosophique, érotique,…), qu’il s’adresse au plus grand nombre et que l’idée d’une littérature populaire qui rend les gens plus intelligents ne m’a jamais paru une idée complètement idiote. Si grâce à mes romans, des lectrices et des lecteurs découvrent ainsi la Roumanie tout en y prenant du plaisir, qu’ils apprennent à mieux la connaître et à l’aimer tout en s’amusant, alors oui, j’en serai le plus heureux des hommes !

 

Vous êtes également le traducteur en français des romans policiers de George Arion. Qu’est-ce que cela vous a appris dans votre travail d’écriture ?

En effet, j’ai traduit trois romans de George Arion, chef de file du polar en Roumanie, et un quatrième devrait sortir ce printemps aux éditions Ex Æquo. Cette expérience de traducteur a bien entendu énormément influencé mon travail de romancier. J’y ai tout d’abord acquis la capacité à rédiger un texte de longue haleine, mais également l’art d’écrire avec humour et suspense, et enfin plus généralement à rendre un texte fluide et agréable pour les lecteurs, sans pour autant le rendre plat et attendu.

 

La culture a particulièrement souffert durant cette période. Êtes-vous confiant pour un « après » ?

D’après moi, la culture représente justement le creuset idéal pour rebondir, inventer, résister, créer des solutions, imaginer le monde d’après. Si les artistes ne le font pas, alors qui le fera ? En outre, la culture a toujours trouvé ses moyens d’expression même dans les circonstances les plus difficiles. Et souvent d’ailleurs pour en ressortir plus forte. Car c’est souvent dans ces moments de crise non seulement qu’on prend conscience du rôle essentiel qu’elle joue dans nos sociétés, mais également qu’elle produit les œuvres d’esprit les plus puissantes.

 

Comment avez-vous vécu les différents confinements successifs ?

Le premier, au printemps dernier, dans une euphorie quasi totale. J’écrivais à ce moment-là mon deuxième roman Micmac à Bucarest et j’avais une idée à la seconde. Tout était inédit et il fallait trouver des solutions à tout. Et en particulier à cette vie « carcérale » à trois dans un petit appartement. Pour le second confinement, même si nous étions déjà plus rodés, je n’ai pas davantage eu le temps de m’ennuyer. J’ai en effet dû m’occuper du lancement de mon deuxième polar, tout en achevant une traduction et en acceptant de lancer et de diriger la nouvelle collection de littérature étrangère « Tant d’ailleurs » des éditions Ex Æquo.

 

Une volonté de revenir un jour vous installer en Roumanie ? Si oui, pour quelles raisons ?

Comme vous l’aurez compris, « s’installer » n’est pas vraiment dans nos habitudes. Mais qui sait ? Ceci étant dit, le fait de ne pas y vivre physiquement en ce moment ne m’empêche pas d’y être en esprit aussi souvent que je le souhaite en écrivant des histoires qui s’y déroulent. Les pouvoirs de la fiction sont si puissants ! Et ma série de polars bucarestois ne vient finalement que de commencer !

 

 

grégory rateau
Publié le 15 février 2021, mis à jour le 15 février 2021

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