Cette semaine, notre rédacteur en chef est allé à la rencontre de Madame Auer, la nouvelle ambassadrice de France en Roumanie. Nous revenons avec elle sur les enjeux diplomatiques entre nos deux pays et sur ses premières impressions de la Roumanie.
Grégory Rateau: Vous prenez vos fonctions d'Ambassadrice de France en Roumanie dans un contexte un peu particulier. Quelles sont vos premières impressions du pays à chaud ?
J’ai ressenti dès mon arrivée une proximité presque naturelle avec la Roumanie. Mes différents postes ont tous eu une dominante européenne et j’ai eu la chance de voir le pays, de croiser ses diplomates et d’apprécier sa culture avant d’y vivre.
Bien entendu, arriver en pleine pandémie a été un défi. Il y a eu des questions d’organisation essentielles, par exemple pour assurer la visite officielle du Premier ministre en France, fin octobre. Je sais aussi combien la communauté française a été affectée par les conséquences de l’épidémie et comme il était nécessaire que l’ambassade assure tout son rôle pour faciliter les relations entre les deux pays. J’ai immédiatement mesuré la capacité d’adaptation de mes interlocuteurs roumains et la dynamique des relations franco-roumaines, portées par deux siècles d’amitié.
Un dialogue fructueux entre la France et la Roumanie passe par une relation à pied d’égalité
Vous avez été ambassadrice de France en Macédoine du Nord, entre janvier 2013 et août 2016 et vous avez aussi dirigé l'Institut français au Royaume-Uni, entre septembre 2006 et septembre 2010. Quelles leçons en avez-vous tiré et quelles seraient vos priorités aujourd'hui pour la Roumanie ?
Entrée au Quai d’Orsay par le cadre d’Orient, linguiste et politologue, je suis passionnée par les terrains multiculturels et par l’histoire. Aussi, en Macédoine du Nord, ai-je œuvré à faciliter l’intégration européenne du pays. A Londres, j’ai conduit les premières expériences numériques du réseau culturel français : la bibliothèque en ligne Culturethèque et la première numérisation d’une salle de cinéma.
Un dialogue fructueux entre la France et la Roumanie passe, à mes yeux, par une relation à pied d’égalité, partenariale, au sein d’une Union européenne plus forte face aux défis globaux. Ma priorité va également à l’accompagnement des relations économiques : les entreprises françaises font aujourd’hui partie du tissu économique roumain et elles y contribuent par leur taille et leur capacité d’innovation.
Un lien historique nous unit
Il y a un lien très fort, historique et culturel entre nos deux pays, nos deux cultures. Comment se matérialise-t-il concrètement aujourd'hui à la vue de la signature récente du partenariat stratégique entre les deux pays ?
Nous avons signé en octobre à Paris une nouvelle feuille de route qui fixe les coopérations prioritaires pour les quatre prochaines années. Elles s’inscrivent dans tous les domaines, la défense, les transports, l’agriculture, la santé ou la protection des populations vulnérables. C’est un document important parce qu’il trace également un agenda européen partagé, jusqu’à la présidence française de l’Union européenne, en 2022. Ce lien historique qui nous unit, nous voulons le projeter dans des projets de recherche, des universités européennes, une coopération décentralisée relancée. Aujourd’hui, il y a par exemple 200 partenariats entre collectivités territoriales, 1,3 million d’élèves roumains qui apprennent le français, 2500 étudiants français en Roumanie, 6000 médecins roumains en France, tant de liens humains à valoriser.
Vous étiez directement impliquée dans l'organisation de la saison culturelle France-Roumanie. Pensez-vous que le secteur de la culture peut encore s'en sortir ? Quelle stratégie pour mieux valoriser la culture roumaine à l'étranger et dépasser les clichés ?
Nous avons en effet réfléchi, avec les autorités roumaines, à assurer un suivi de la saison culturelle, sur les industries culturelles et créatives, afin de rapprocher ces secteurs d’activité des marchés. La pandémie nous incite à innover tant dans le secteur culturel qu’éducatif. Nous avons également décidé de célébrer ensemble en 2021 le centenaire de la naissance du grand compositeur roumain Georges Enesco, arrivé en France à l’âge de 14 ans.
La France est le troisième plus important investisseur en Roumanie. Est-ce que la Roumanie reste un pays attractif pour les investissements français après cette crise ? Quels seraient les secteurs clés qui pourraient émerger suite à cette crise ?
Les flux d’investissements français nous placent en effet en 3ème position et la presque totalité des entreprises du CAC 40 (37 sur 40) est présente sur le marché roumain. Ce qui est intéressant ce sont les perspectives offertes par le plan de relance européen dont une partie bénéficiera à la Roumanie à partir de l’année prochaine. Ce plan place la transformation numérique de l’économie et l’environnement au cœur des ambitions de croissance. Je suis convaincue des opportunités exceptionnelles que l’enveloppe européenne va créer autour des axes de l’agriculture durable, de l’énergie propre et des villes connectées.
J’ai déjà participé à plusieurs événements organisés par les entreprises françaises et la chambre de commerce, rencontré les représentants de la French Tech, visité le nouveau club d’affaires de Brasov et je suis impressionnée par le souci d’organisation collective. Ma disponibilité pour appuyer leurs actions est totale.
Des événements, des dates importantes que vous aimeriez présenter à nos lecteurs ?
J’aimerais donner rendez-vous aux lecteurs du LePetitJournal.com de Bucarest pour la réouverture de la belle salle de cinéma Elvire Popesco de l’Institut français de Bucarest, dès que la situation sanitaire le permettra. Je pense aussi au festival de musique Georges Enesco de l’été 2021, dont la France sera un grand partenaire.
Une date importante dans le champ politique : la présidence française de l’Union européenne, au premier semestre 2022 qui sera aussi accompagnée d’événements organisés en Roumanie.