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La "Fête du goût", une initiative culinaire qui célèbre le "bien manger"

Pour cette rentrée, notre rédaction est allée à la rencontre de Patrick-Pierre Pettenuzzo, journaliste culinaire français à l'origine de la "Fête du goût", une initiative culinaire et environnementale qui existe depuis déjà 10 ans en Roumanie et continue d'évoluer pour sensibiliser parents et enfants au "bien manger"...

La Fête du goût en RoumanieLa Fête du goût en Roumanie
Écrit par Grégory Rateau
Publié le 4 septembre 2023, mis à jour le 4 septembre 2023

Donner un peu à réfléchir aux enfants avant qu’ils ne soient complètement empoisonnés, cela fait partie d’une mission de bien commun qui me convient et fait sens. Aider chaque citoyen à réfléchir afin que tous aient des armes pour se défendre face au marketing de l’agro-industrie qui utilise toutes les ficelles pour accroître ses profits.

 

Grégory Rateau: Pouvez-vous vous présenter brièvement ?

Lyonnais arrivé fin 1995 en Roumanie, de formation pro "hôtellerie restauration", c’est comme correspondant de presse et représentant pour le magazine « L’Economie roumaine » que j’ai découvert le pays en tapant aux portes et en transport en commun. J’ai eu très tôt le privilège d’obtenir une carte de presse délivrée par le MAE. Voulant continuer en freelance en joignant l’utile à l’agréable, j’ai continué dans la presse comme indépendant à présenter des chefs, des cuisines, des traditions gastronomiques, des produits, une culture de goût globale qui semblait faire défaut vu le vécu obscurantiste du pays. Ainsi c’est comme cela que pour la Tarom Insight, j’ai rencontré Claude Terrail, Alain Passard et Alain Ducasse dès 2000. J’ai ainsi permis à Dumitru Burtea, le chef historique de l’ANBCT (Association Nationale des Chefs et Pâtissiers du Tourisme) de rencontrer Monsieur Paul Bocuse dès 1999, pour le Bocuse d’Or fondé douze années plus tôt.

Vous avez fondé "La fête du goût" depuis une dizaine d'années maintenant. Quelles en sont les actions concrètes ?

C’est auprès des chefs étoilés et des maisons de tradition que j’ai continué d’apprendre pour mes articles exclusifs via des journées de stage en cuisine, mais aussi grâce à mes expériences de restaurants autopromus « fine dining », mes rencontres dont celle avec Radu Anton Roman, l’auteur de « Savoureuse Roumanie » et mes activités de conseils. La désagrégation des écoles publiques comme Viilor et Calimanesti m’ont convaincu qu’il y avait un réel besoin en matière d’éducation au fondamentaux du goût. En 2023, nos actions se concentrent sur l'organisation des "Classes de goût" dans 17 villes de Roumanie et, pour les années à venir, dans toutes les écoles du système scolaire. Nous avons aussi permis la distribution dans les écoles primaires de la brochure pédagogique pour tous les élèves de classe 3 et du livre "L’art de bien manger" d’Alain Alexanian (édition II – 2023) pour les cadres didactiques. Mais nous avons aussi organisé "les Classes du goût" dans les écoles primaires et une conférence anti-gaspillage avec le gouvernement.

Votre démarche est aussi écologique ?

Quand on avance depuis le départ avec un slogan tel que « Bon pour le goût, bon pour la santé, bon pour la planète » il se pourrait que nous ayons été des pionniers en termes d’éducation inclusive au développement durable.
 

Quand vous allez dans les écoles en Roumanie, que constatez-vous ? L'éducation du goût est-t-elle entièrement à repenser ?

Les shows culinaires travestissent la réalité des métiers de bouche. Les enfants doivent être au plus tôt formés à l’esprit critique, qui fait défaut à tant de nos concitoyens aujourd’hui, le niveau des débats publics et des discussions sur les réseaux sociaux en est quotidiennement la triste preuve. Car toutes les opinions ne se valent pas, selon qu’elles soient nourries par le savoir ou l’ignorance, par une réflexion ou une idée reçue. Il faut sensibiliser les enfants aux réalités des métiers de la cuisine dans cette société du spectacle où les émissions de télévision laissent à penser à des comptables ou des avocats qu’ils pourraient devenir célèbres du jour au lendemain en se transformant en chef étoilé au bout de seulement 3 mois. Donner un peu à réfléchir aux enfants avant qu’ils ne soient complètement empoisonnés, cela fait partie d’une mission de bien commun qui me convient et fait sens. Aider chaque citoyen à réfléchir afin que tous aient des armes pour se défendre face au marketing de l’agro-industrie qui utilise toutes les ficelles pour accroître ses profits.


Comment les jeunes réagissent-ils à vos interventions ?

C’est toujours un grand moment, les enfants sont curieux, et sont déjà très conscients des problématiques qui se posent aujourd’hui. Il faut juste essayer de leur faire toucher du doigt les priorités et, si chacun fait sa part, les choses avancent indéniablement. Mais, tout reste à faire toujours et tout le temps. Si la restauration rapide a permis à une majorité d’entrer dans un restaurant où l’hygiène était observée, la grande distribution, elle, a rempli les étals des magasins et vendu à la Roumanie toutes les tromperies du merchandising. En France malgré tous les contrepouvoirs, les gens se font encore manipuler, imaginez un peu dans les pays d’Europe Centrale...

Qu'en est-il des parents ? Vous vous investissez également auprès d'eux ?

Bien sûr, puisque notre brochure pédagogique comporte des exercices à réaliser à la maison avec les parents. C’est le but: que les enfants soient prescripteurs pour le développement durable auprès de tous les adultes qu’ils rencontrent, ce sont des ambassadeurs du goût vrai, végétal et varié.

Vous avez aussi réuni des chefs partenaires de votre évènement. Comment interviennent-ils ?

Oui, chaque année, nous mobilisons les chefs sur le mode du volontariat pour qu’ils assurent quelques "Classes du goût" dans leur quartier, village. Comme le font tous les chefs en Italie, Suisse, France, Belgique parce que la transmission de valeurs se fait par le partage de connaissances.

Quels sont vos projets pour l'avenir?

Continuer plus que jamais le projet d’éducation inclusive avec « Sarbatoarea Gustului » (Fête du Goût), en adéquation avec les ambitions du ministre de l’agriculture qui voudrait que la Roumanie devienne le jardin vert de l’Europe dans une dizaine d’année. Donc continuer le programme dédié à l’éducation des élèves de 9-10 ans aux fondamentaux d'une alimentation saine et une attitude éco-responsable. Ce festival a commencé en 2014 et, chaque année, a connu le soutien de grands chefs qui signaient notre Toque Collector, le symbole de notre festival.

En 2014 elle a été signée par Paul Bocuse, puis par presque tous les plus anciens 3 étoiles de France plus quelques chefs emblématiques, tel que le regretté Benoît Violier, Massiliamo Alajmo, Daniel Boulud, Martin Barestegui, un des chefs les plus étoilés d’Espagne, et bien sûr Troigros, Anne-Sophie Pic, Alléno et le précurseur de la cuisine santé en France, Michel Guérard, plus d’une vingtaine au total. En 2015 par les prestigieux chefs de cuisine des Maisons royales et présidences du monde entier du Club des Chefs des Chefs ; en 2016 par Marc Veyrat en exclusivité ; en 2017 par les lauréats du Bocuse d’or et en 2018, 2019 et 2023 par Alain Alexanian. Notre parrain officiel était déjà engagé dans le bio bien avant les modes d’aujourd’hui.

Pour les prochaines années, nous avons encore plein d’idées de toques en exclusivité pour faire parler de la Roumanie auprès des chefs qui font les tendances et qui sont des mentors pour le monde entier.

Il serait nécessaire que plusieurs heures soient dédiées à l’alimentation dans le cadre d’un programme formel de l’éducation nationale. C’est d’ailleurs le souhait également en France soutenu par de nombreuses organisations de chefs et notamment l’Ambassadeur spécial à la gastronomie auprès du président Macron, Guillaume Gomez, l’ancien chef de l’Elysée, qui a été un des tous premiers avec monsieur Bocuse à nous soutenir.

Plus d'infos ici.

 

 

grégory rateau
Publié le 4 septembre 2023, mis à jour le 4 septembre 2023

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