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FRENCH TECH - Clément Boulais: "Le maître mot c'est l'innovation"

Clément Boulais french tech bucarestClément Boulais french tech bucarest
copie d'écran Mediatico
Écrit par Grégory Rateau
Publié le 24 juin 2019

La French Tech est le nom donné à l'écosystème des startups françaises et de tous ceux qui le composent, des biosciences aux marketplaces en ligne, où qu'elles soient dans le monde. C’est également un mouvement soutenu par le gouvernement qui fait de la France l’un des meilleurs pays au monde pour lancer et scaler (la capacité d’une entreprise à adapter son "business model" à une forte augmentation de son volume d’activité) des champions mondiaux de la tech. Pour cette rencontre avec "la partie roumaine de la tech", Clément Boulais, le Head of Growth de la Mission French Tech au sein du Ministère des Finances et des comptes publics s'est rendu à Bucarest où avait lieu cet évènement majeur pour tout entrepreneur. Notre équipe l'a rencontré.

 

 

Lepetitjournal.com Bucarest : En quelques mots, pour des néophytes comme nous, c'est quoi la French Tech?

Clément Boulais: Comme le dit sa directrice, il s'agit un peu d'un ovni, une sorte d'organe bicéphale. La première partie est le nom que l'on donne à tout l'écosystème : les entreprises françaises, les start-up, les entrepreneurs français établis en France ou à l'étranger, les fonds d'investissement, les incubateurs, les grands groupes... C'est aussi le nom d'une entité au sein du ministère des finances et de l'économie, qui s'appelle la mission French Tech. Elle est là pour trois choses :

  • Financer cet écosystème
  • Créer des politiques publiques pour aider l'éclosion de petites entreprises et ensuite épauler ceux et celles qui sont déjà devenus des leaders mondiaux.
  • Créer des programmes d'accompagnement sur des thématiques particulières (le French Tech Visa par exemple qui permet à n'importe qui dans le monde, s'il est employé par une entreprise innovante, de se déplacer partout avec sa famille).



Quels sont les enjeux de ce rendez-vous pour vous et les membres de la French Tech?

Il y a un paramètre important, c'est qu'on n'est pas tout seul. Dans le monde entier, on a labellisé des communautés d'entrepreneurs français qui vont définir des politiques, des initiatives, pour déterminer ensemble comment aider les entreprises françaises à venir s'installer, dans le cas présent en Roumanie, et essayer de créer des ponts entre les deux pays. L'enjeu pour nous est donc de rencontrer cette French Tech de Bucarest qui a été labellisée il y a quelques mois et de discuter ensemble de ce qu'on aimerait inciter les gens à réaliser. Il y a un énorme enjeu avec l'Europe de l'Est et les grands groupes que nous avons rencontrés ce matin. Quand on a Renaud, Engie, il faut que l'on ait plus d'entreprises innovantes françaises.


Comment le faire concrètement?

Et bien je les incite aujourd'hui à se réunir, la French Tech de Bucarest et celle de Sofia, d'expliquer aux entreprises ce qui se passe ici, de les inviter à venir, à échanger pour peut-être travailler ensemble à se développer ici, en Roumanie ou dans d'autres pays d'Europe de l'Est. Pourquoi un pays de 20 millions de personnes, qui est en pleine mutation, qui a la deuxième plus grosse croissance en PIB de l'Union Européenne, est important pour eux et pour éventuellement s'y installer ?


La France est un des pays européens qui abrite le plus grand nombre de start-up à forte croissance. Pourquoi ce dynamisme en France?

C'est une excellente question. Il ne faut pas oublier d'où l'on vient. En 2011, 2012, 2013 - il y a très peu de temps donc - on devait faire face à un French bashing. C'était en gros une tendance des Français à faire systématiquement leur auto-critique. Dans certains média, les journalistes s'en donnaient à cœur joie pour critiquer, pour dénigrer toutes ces initiatives. La secrétaire d'Etat au numérique qui, à l'époque, était Fleur Pellerin, en 2013, a créé cette bannière commune qui a permis de fédérer tout l'écosystème et d'en être fier. En créant du coup cette fierté d'être dans la Tech, d'avoir des ambitions, de ne pas avoir peur de prendre des risques - car c'est avant tout cela l'entrepreneuriat - on a créé des politiques publiques qui vont épauler les entrepreneurs de demain. Une de ces politiques, c'était l'investissement dans les boîtes qui ont moins de 1 ans. Il y avait besoin de beaucoup de fonds pour les aider à se lancer et à perdurer. On a investi massivement sur cette partie durant près de 7 ans, ce qui nous a permis aujourd'hui d'avoir 15 000 start-up en France. On est dans le top 5 des écosystème mondiaux, et Paris est doté de la Station F, qui est le plus gros incubateur de start-up au monde, il y en a mille en tout et au même endroit.


Cela demande donc un investissement très important...


C'est un investissement important, certes, mais en motivant les gens on a finalement réussi à les tirer vers le haut pour avancer. On a mis plus de 12 ans à créer ces "licornes", ce sont des entreprises valorisées à plus de 1 milliard d'euros. Vous en avez deux très belles ici en Roumanie qui sont UiPath et Bitdefender et nous on en avait 4 en 12 ans. C'est un investissement bien sûr. Cette année, par exemple, on a levé pas moins de 1,5 milliard d'euros. On continue à devancer l'Allemagne sur ces sujets-là mais surtout on commence à créer des licornes nous-mêmes, à présent 4 en 4 mois. La dernière en date c'était hier soir, Miro, une entreprise qui vient de lever plus de 230 millions d'euros et qui devient la plus grosse levée de l'écosystème français et donc une nouvelle licorne.


Comment passer du startuper au chef d'entreprise?

Il y a plusieurs phases, la fameuse création de cette première structure, puis on va grossir, tester le marché, avoir de plus en plus d'employés. On va se retrouver à devoir gérer de plus en plus de monde, les problèmes d'organisation vont donc être de plus en plus importants. Et dans ce qu'on appelle l’hyper-croissance, ce que l'on remarque souvent, ce sont à peu près les mêmes choses. On rend un produit rentable, ce que l'on appelle "scalable" dans le jargon, l'enjeu à court terme est donc de le rendre accessible au plus grand nombre mais quand vous arrivez à un nombre important de clients, l'organisation doit suivre. Un startuper et un chef d'entreprise sur le papier c'est la même chose, mais on devient un peu plus chef d'entreprise à mesure que l'on avance et qu'on se développe. Il faut garder son âme de startuper, rester innovant et savoir toujours prendre des risques pour aller encore plus loin.


Selon une étude de l’INSEE parue en 2016, 90% des start-up en France échouent, comment expliquez-vous cela?

Ces chiffres étaient sans doute vrais en 2016. Ces chiffres sont les chiffres mondiaux, ils sont pareils partout. Il y a des risques qui sont pris, donc cela peut payer comme cela peut également être l'inverse. On parlait de la vallée de la mort, ces cas de start-up qui, de la première à la troisième année, avaient des difficultés, et on avait du mal à les financer sur une période aussi courte. Elles mouraient à cause du manque de capitaux. Ce qui n'est plus vrai aujourd'hui, il y a différents volets, les banques se sont impliquées, des investisseurs privés réinvestissent également. N'oublions pas qu'une entreprise qui n’innove pas est amenée à mourir. L'innovation reste la création du secteur la plus importante. La valeur doit venir de ce point important. Sans risque, pas d'innovation.


Quels sont les principaux défis d'une start-up?

Avoir le courage de créer son entreprise. C'est un parcours du combattant. En deuxième, je dirais valider son modèle sur un marché. On voit des besoins, on y répond. Troisièmement pouvoir produire son service. Des entreprises ont parfois sur-vendu leur produit/service et ont du mal à produire, à s'organiser pour le faire efficacement comme on en parlait précédemment. Les deux enjeux finaux seraient de bien recruter les talents, les meilleurs, et conquérir des parts de marché. Avant ces trois ans, il faut être capable de se projeter obligatoirement comme un leader mondial. Sinon la start-up peut être rachetée ou quelqu'un peut la concurrencer et conquérir son marché. Pour résumer, répondre à un besoin, se structurer en conséquence et conquérir le plus vite possible des parts de marché.


Et y croire aussi, l'optimisme joue un grand rôle.

C'est un des points névralgiques, vous avez parfaitement raison de le signaler. Il n'y a jamais de problème, ce sont toujours des opportunités. J'ai été moi-même entrepreneur avant de rejoindre le ministère, c'est déjà assez lourd d'être entrepreneur alors si en plus on n'a pas la foi, l'envie d'aller plus loin et d’emmener des employés avec nous dans cette aventure et bien on ne peut pas réussir. Pour vos lecteurs, je le dis, allez-y, tentez, lancez-vous! Au pire vous échouez et vous revenez à votre point de départ mais je peux vous confirmer que l'on apprend énormément et que ça sert toujours pour la suite.

 

clément boulais

 

Pour finir, nous sommes allés à la rencontre de Luka Zivkovic, VP Events & Communications, qui nous expose en quelques points les objectifs de la partie roumaine de la French Tech:

 

- Le vivier de talents dans l’IT et le fait que la Roumanie soit un pays francophile apportent de la cohérence dans le fait d’avoir un relais French Tech en Roumanie, et c’est pour ces raisons que nous avons effectué toutes les démarches pour que ce projet devienne réalité. Notre bureau, composé en majorité de Français ayant créé des entreprises à Bucarest, est porté par la même volonté de mettre au service des entrepreneurs nos connaissances de la France et de la Roumanie, ainsi que notre expérience dans nos domaines respectifs.

- Nos objectifs sont d’ores et déjà établis. Dans un premier temps, nous servons de relai pour les start-up françaises désireuses de s’implanter en Roumanie. Nous pouvons leur apporter des informations importantes sur le marché local, et éventuellement les mettre en relation avec les institutions ou les professionnels, afin d’accélérer leur implantation potentielle.

- Nous souhaitons également servir de relai pour les start-up roumaines vers la France. Nous identifions les startups roumaines les plus prometteuses, et nous leur offrons la possibilité d’établir des partenariats avec des entreprises françaises. Nous pouvons également les aider à accéder à certains salons professionnels ayant lieu dans l’Hexagone.

- Enfin, nous travaillons à la constitution d’un fond d’investissement, financé par différents acteurs locaux, ayant pour objectif de soutenir les start-up roumaines selon différents critères. Ce fond sera officiellement lancé en janvier 2020. Nous souhaitons réunir au minimum un million d’euros qui permettra de financer entre 10 et 50 startups sur une période de deux à trois ans. En dehors de l’apport financier, nous souhaitons également accompagner ces entreprises dans leur croissance en leur offrant du « mentoring » et un accès à notre réseau pour accroître leurs chances de réussite. 

 

 

grégory rateau
Publié le 24 juin 2019, mis à jour le 24 juin 2019

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