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BUCAREST CENTENAIRE-Le Petit Paris, promenade dans le Bucarest d'antan

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Wikimedia / Mihai Petre
Écrit par Bucarest/Centenaire
Publié le 30 octobre 2018, mis à jour le 30 octobre 2018

Des dizaines de témoins silencieux de l'histoire étayent les écrits autobiographiques, les monographies ou les périodiques soigneusement gardés dans les archives des bibliothèques publiques. Les vieilles bâtisses du Petit Paris roumain racontent encore aujourd'hui une histoire longue d'un siècle. Du paysage du Bucarest d'autrefois ont disparu les allumeurs de réverbères, les clairons qui annonçaient la relève de la garde du Palais Royal, les fanfares ou les fleuristes hautes en couleur, prêtes à marchander. On n'entend plus les joueurs d'orgue de Barbarie ou les cris des marchands ambulants ou des ramoneurs qui faisaient le délice des enfants; en ce temps, on croyait que ces hommes couverts de cendre portaient chance. Il manque les chapeaux à voilettes des dames, dont les tenues suivaient les dernières tendances parisiennes; alors que dans les ateliers roumains de haute couture, Coco Chanel s'imposait. On n'oublie pas non plus les redingotes des Messieurs qui portaient tout le temps la cravate, quelle que soit la saison.

 

La capitale de la Roumanie réunie apparaissait comme un petit univers idyllique, dont les habitants, éternellement tirés à quatre épingles et prêts pour la promenade, se retrouvaient sur Calea Victoriei. Dans les souvenirs des plus anciens, le boulevard se nommait Podul Mogosoaiei, car, depuis deux siècles, y cohabitaient le peuple, l'art, la mode, la politique et la littérature. Le diplomate Gheorghe Crutzescu a très bien dépeint cela: Elle est byzantine et occidentale, paresseuse et vive, souriante et sombre, désirant le changement et coincée dans le passé. (...) En chemin, sans logique, sans but, s'enchaînent des palais et des taudis, des maisons de campagne et des gratte-ciels, des cours et des jardins, des tombes et des églises. Il n'y a pas dans le monde une rue plus malmenée, plus travaillée, plus émouvante dans ses efforts pour transformer tous ces contrastes en un peu de harmonie. Et peut-être il n'y a pas d'autre rue qui cristallise à elle seule toutes les pensées d'un peuple. Podul Mogosoaia est pétrie de notre âme.

 

La vie de tous les jours des monarques, de la société mondaine, des hommes de culture de la capitale respectait les normes du style de vie parisien; on avait adopté aussi le modèle viennois, dû aux origines prussiennes de la Maison Royale. Pendant longtemps, le Palais Royal de Bucarest a été le premier et le seul édifice bénéficiant des utilités les plus modernes: électricité, chauffage par centrale thermique, eau courante. En somme, il représentait la monumentale variante néo-classique du Château de Peles de Sinaia.

 

Les hauts dignitaires roumains ont suivi son modèle de près - le Palais Cesianu-Racovita en est un exemple. D'ailleurs, les historiens nous dévoilent une sorte de concurrence omniprésente dans les rangs de la société mondaine de Bucarest. Le protocole strict du Palais Royal rendait difficile l'accès à beaucoup de personnes à ses bals, ainsi, la noblesse a commencé à organiser ses propres soirées. Les bals du Palais Stirbei étaient en vogue, mais aussi ceux organisés par le Nabab Cantacuzino, dans son palais gardé par des lions féroces. Au pôle opposé, dans la résidence du couple Grigore et Irina Sutu, les invités devaient descendre directement du fiacre, s'ils souhaitaient être reçus; pour leurs bals, les dames devaient réserver leurs partenaires de valse, quadrille et cotillon un jour auparavant.

 

Sous le même toit, les fameuses Galeries Lafayette et la librairie Socec adoptaient les derniers progrès technologiques. Le magasin parisien étalait avec défi son ascenseur et son escalator, alors que la librairie et maison d'édition disposait de la première ligne téléphonique de Bucarest. Plus tard, l'Hôtel Lido haussera les standards d'un continent entier, car ici se trouvera la première piscine à vagues artificielles d'Europe.

 

Bref, le Petit Paris peut être considéré comme un véritable trésor, couronné par l'ensemble architectural se trouvant sur Calea Victoriei, où les résidences particulières font office de bijoux de la couronne. En guise de sceptre, de trône et de sabre, le peuple roumain a offert à ses monarques et leurs héritiers, une précieuse leçon d'histoire - un Arc de Triomphe. Grâce au talent de l'architecte Albert Galleron, l'art a fleuri sous la coupole de l'Athénée Roumain, dans une féerie d'accords musicaux. Quant à la France, tellement adulée par le Bucarest de l'entre-deux-guerres, les nostalgiques peuvent la retrouver sur la rue Biserica Amzei, dans le siège de l'Ambassade.

 

Ana Maria Rosca 

 

Sources:

Constantin Bălăceanu-Stolnici, Memoriile unui boier de viță (articol integral, consultat pe Boieri.wordpress.com)

Gheorghe Crutzescu, Podul Mogoșoaiei. Povestea unei străzi, Editura Humanitas, București, 2014

Ioana Pârvulescu, Întoarcere în Bucureștiul interbelic, Editura Humanitas, București, 2012

 

 
 

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