Vous les avez sûrement vus, ces bâtiments voulant être une fusion entre l'ancien et le neuf, combinant des structures modernes en verre et en acier avec des fragments de maisons du 19e. Entre ceux qui les trouvent hideuses et ceux qui les admirent, ces nouvelles constructions sont en tout cas représentatives des contrastes architecturaux propres à Bucarest.
Casa Paucescu
Pas loin de la Place de la Révolution, se trouve un bâtiment qui attire immédiatement le regard : une façade datant du 19e siècle dans le style Renaissance d’où émerge une construction moderne toute en métal et en verre. Considérée par certains comme un kitsch absolu, elle est prisée des touristes qui la prennent en photo sous tous les angles.
A l’origine, la bâtisse était construite pour être la résidence de Grigore Paucescu, homme politique de la moitié du 19e siècle, qui voulait élever sa maison sur l'ancienne Piata Palatului pour être au centre de la vie mondaine, politique et culturelle de Bucarest. En effet, jusqu’au début du 20e siècle, l’élégante résidence construite dans le style Renaissance française était fréquentée par l’élite intellectuelle et politique de l’époque; on y rencontrait des écrivains Eminescu, Caragiale ou Delavrancea …
Jusqu’à l’éclatement de la première Guerre Mondiale, la maison Paucescu était devenue une institution officielle et accueillait le siège de la Légation Austro-Hongroise. Plus tard, pendant le régime communiste, on racontait que la vieille maison hébergeait la 5e Direction de la Securitate, un des départements les plus redoutés de la police secrète communiste. Mais son sort fut scellé durant la Révolution, quand la maison fut victime de tirs et d’incendies, suite à des rumeurs selon lesquelles des terroristes s’y cachaient. Depuis, la maison n’était plus qu’une ruine. Ce n’est qu’en 2003 que les travaux de sa reconstruction démarrèrent. Déclarée monument historique, on devait préserver sa façade et c’est ainsi qu’est né ce bâtiment étrange devenu le siège central de l’Union des Architectes de Roumanie.
L'hôtel Novotel
Tout le monde a déjà vu l’étonnant hôtel Novotel avec son élégante façade dans le style classique qui semble surgir d’un immeuble en verre, mais peu de personnes savent que cette façade date enfaite de… 2005 - date de construction de l’hôtel - étant une reproduction de la façade originale de l’ancien Théâtre National de Bucarest qui se trouvait à cet emplacement. C’est en 1852 que son histoire commence, date à laquelle fut inauguré le Théâtre National de Bucarest situé sur la très emblématique Calea Victoriei. Erigé selon les plans de l’architecte viennois Joseph Heft, le théâtre était construit principalement dans le style baroque. Haut lieu de la culture, fréquenté par les plus grands artistes et intellectuels de l’époque, il aurait été monumental : des salles élégantes, des salons fastes, 338 stalles, 3 rangs de loges, une galerie immense où pouvaient avoir accès les étudiants et un impressionnant foyer avec des escaliers en marbre de Carrara.
Après une longue période de gloire, le théâtre vit son premier moment difficile avec le tremblement de terre de 1940 qui affecta sa structure. Mais, quelques années seulement après sa rénovation, un autre événement signera la fin de l’institution : le 24 août 1944 Bucarest est bombardée par les Nazis suite au passage de la Roumanie du côté des Alliés. Les Allemands visaient la destruction du Palais des Téléphones, situé tout près, mais la bombe rate sa cible et s’abat sur le théâtre qui est partiellement détruit. Malgré des études réalisées par des spécialistes qui prouvaient que le théâtre pouvait être rénové à moindres coûts, en 1947, le gouvernement communiste de Petru Groza décide de le démolir et de construire un autre théâtre à l'emplacement qu'on connaît aujourd'hui sur la place de l'Université. Ainsi, pendant environ 6 décennies, le lieu était devenu un terrain vague et aucun indice n’indiquait l’existence passée du théâtre. Cela jusqu'en 2005 quand fut finalisée la construction de l’hôtel Novotel avec sa façade réalisée d’après des photos d’archives et reproduisant la suite d’arcades à l'entrée de l’ancienne institution. Que le résultat final soit harmonieux ou pas, il reste un hommage apporté à la mémoire du vieux théâtre.