Dans la matinée du 9 septembre, un incendie a ravagé le camp de Moria sur l’île de Lesbos en Grèce. Des milliers de réfugiés y vivant entassés depuis des années se sont retrouvés sans-abris. En Allemagne, Lepetitjournal.com/berlin a interrogé quelques personnes sur le sujet.
Tout a brûlé sur Moria
Il ne reste pratiquement rien. Situé sur l’île de Lesbos en Grèce, ce camp est un endroit particulièrement propice à l’arrivée de réfugiés, venant principalement de Syrie. 12 700 réfugiés y vivent aujourd’hui dans des conditions déplorables, alors que le camp ne peut accueillir que 4 000 personnes. Le mercredi 9 septembre, un énorme incendie a été provoqué sur l’île. Cette dernière a été déclarée en état d’urgence par la Grèce.
La colère des Allemands brûle également
Ce même mercredi en Allemagne, plusieurs milliers de personnes ont manifesté pour l’accueil des réfugiés du camp. À Berlin, près de de 10 000 personnes étaient réunies devant la gare centrale, selon l’ONG Seebrücke. Pour rappel, 13 000 chaises avaient été installées en face du Reichstag le lundi 7 septembre par un collectif d’ONG allemandes. Ces chaises représentaient les 13 000 réfugiés bloqués dans le camp de Moria. Il y a 5 ans, l’Allemagne avait accueilli des centaines de milliers de réfugiés et aujourd’hui, le peuple allemand revendique le sauvetage de ceux du camp de Moria. Criant des slogans comme « Nous avons de la place » ou « #LeaveNoOneBehind », les Allemands sont prêts à tout pour faire entendre la voix des réfugiés, souvent étouffée dans la sphère politique.
Micro en main, nous avons recueilli quelques témoignages à Berlin
Hassan a 72 ans. D’origine turque, il s’est installé en Allemagne dans les années 90 parce qu’il cherchait du travail. De son côté, Helen a 50 ans. Elle a toujours vécu à Berlin, elle est aujourd’hui dentiste. Tandis que Ilgitz (20 ans), originaire du Kirghizistan, Julie (24 ans) de France, Nicolas (18 ans) et Marius (20 ans), tous deux nés en Allemagne, sont venus à Berlin cette année pour étudier ou faire leur stage. Ils ont répondu à nos questions et se sont notamment exprimés sur le traitement des réfugiés par l’Europe.
Selon le premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, l'incendie aurait été déclenché par des réfugiés opposés aux mesures sanitaires liées au coronavirus. Comprenez-vous cette réaction?
Hassan : « Je suis un peu étonné par cette réaction. Mais j’ai l’impression qu’avant les réfugiés ne vivaient pas mieux que maintenant. Je pense qu’ils ont voulu accélérer les choses et qu’on parle d’eux. Et ça a marché. ».
Helen : « Je trouve cela étrange, un peu paradoxal. Je ne comprends pas bien pourquoi vouloir provoquer un incendie car cela va provoquer plus de mal que de bien selon moi. ».
Ilgitz : « Je peux probablement comprendre les sentiments de ces réfugiés et leur colère. C’est raisonnable de s’attendre à ce genre de réactions venant des réfugiés. Ils traversent déjà un moment difficile et maintenant ils doivent s’adapter et respecter les mesures sanitaires… je comprends ces réactions mais ils ont probablement réagi de manière excessive. Le fait de mettre le feu volontairement n’était peut-être pas la meilleure idée. ».
Julie : « Comme nous ne sommes pas dans la situation de ces personnes qui sont réfugiées, qui ont pour certaines fui soit des guerres ou soit la pauvreté, je ne peux pas donner une réponse car je n’en ai pas légitimité. En tant qu’Européenne et Française, j’ai le choix et le confort de me demander si j’applique les mesures sanitaires ou pas. Je sais que si je le fais c’est pour le reste de la société et non pas pour moi. Mais ces gens ne sont pas face à ce choix. ».
Marius : « C’est facile de dire que les gens sont devenus fous à cause de ça. Je pense qu’il faut regarder l’ensemble de la situation. On ne peut pas dire que c’est juste parce qu’ils sont en colère. Les réfugiés n’ont pas été pris en charge pendant un très long moment et je pense que cette action venait de toute cette situation. C’est juste la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. ».
Nicolas : « Je comprends cette action. A première vue, cela semble un peu fort. Mais il faut savoir que certains sont déjà là-bas depuis des années et qu’aucun pays ne veut les prendre. Les réfugiés sont pauvres et parfois plus que ce qu’ils étaient dans leur ancien pays. Il y a même parfois des crimes dans ces camps et c’est difficile pour eux. ».
Que pensez-vous des conditions de vie dans ce camp? Sont-elles supportables selon vous?
Hassan : « Non, on ne peut pas vivre comme ça, ce n’est juste pas possible ! Déjà, ils ont dû fuir des lieux en guerre, maintenant personne ne les accueille et ils n’ont nulle part où aller. Je ne comprends pas pourquoi ils sont abandonnés là-bas. ».
Helen : « Non, je ne pense pas qu’elles soient supportables. C’est compliqué de vivre comme cela et je pense qu’ils ont besoin d’aide. A partir du moment où on accepte des réfugiés quelque part, on leur fournit un lieu de vie acceptable. ».
Ilgitz : « Pour être honnête, je ne connais pas exactement leurs conditions de vie, je peux imaginer qu’elles sont très dures. Mais je ne sais pas vraiment à quel point… Si c’est difficile au point qu’on ne puisse pas vivre normalement, alors quelque chose doit être fait. ».
Julie : « Non ce n’est pas possible de vivre comme cela ! On est face à un problème existant depuis des années. Ce n’est pas possible de laisser des gens dans cette situation. On est face à l’un des problèmes principaux de l’Union Européenne, c’est-à-dire que les 27 pays n’arrivent pas à se mettre d’accord et cela se répercute sur la vie de gens qui sont entassés dans des tentes depuis des années. Personne ne les prend en charge, c’est vraiment une catastrophe. ».
Marius : « Ils peuvent sûrement vivre là-bas, mais ce n’est pas correct de les y laisser parce que ce n’est pas leur choix. Ils viennent d’endroits où tout est compliqué et les laisser vivre dans ce camp c’est mauvais. Je pense que l’UE et ses membres devraient faire quelque chose. ».
Nicolas : « Je suis tout à fait d’accord. On peut aussi dire qu’il y a des membres de l’Etat islamique qui sont venus avec eux et ça ne rend pas l’endroit plus sûr… c’est compliqué pour eux de rester ici, ce n’est pas leur maison et ils ne savent pas combien de temps ils vont rester, peut-être leur vie entière. Quelque chose doit être fait. ».
Julie : « Je veux ajouter quelque chose. D’une part, c’est un sujet de discussion entre les pays européens cherchant un accord et d’autre part, il y a des gens qui sont désespérés. Nous sommes juste du côté confortable de la situation. ».
Marius : « Les pays européens doivent se rendre compte que ce n’est pas juste un problème politique, mais un problème humain ! Des gens vivent là-bas. Il faudrait agir vite mais ce n’est pas le cas. ».
Julie : « Le problème est que juridiquement parlant, les pays membres de l’UE doivent tous être d’accord mais l’est et l’ouest de l’Europe n’ont pas la même opinion. ».
Nicolas : « Il y a aussi le problème que pour nous la situation devient normale, c’est devenu trop commun. Parce que ça devient trop normal pour nous alors peu de choses sont vraiment accomplies. ».
Des villes allemandes proposent d'accueillir des réfugiés du camp de Moria, de nombreuses manifestations ont d’ailleurs eu lieu pour cela. Quelle est votre opinion sur cette proposition ?
Hassan : « Qu’ils viennent ! On peut tous s’entendre ici, l’Allemagne est une terre d’accueil, même si des Allemands en colère laissent penser l’inverse. Il ne faut pas écouter ceux qui ne veulent pas de migrants, ils ont juste peur des autres. Moi je suis arrivée il y a une trentaine d’années en Allemagne, j’ai eu des difficultés mais je suis heureux d’être là. ».
Helen : « Je ne sais pas trop. L’Allemagne a déjà beaucoup d’étrangers et de migrants, je pense même qu’à Berlin il y a plus d’étrangers que d’Allemands... Ça dépend également des autres pays européens. Pourquoi ne pas se répartir les migrants plus équitablement ? L’Allemagne en a déjà beaucoup accueilli. ».
Ilgitz : « Si le peuple allemand est disposé à les héberger, je ne vois pas en quoi c’est un problème. L’Allemagne est un pays riche, il a beaucoup de place. Nous pouvons les héberger et si le peuple le demande alors je pense que c’est la solution parfaite ! Le gouvernement doit réagir. Que doit-il faire exactement ? Je ne sais pas. Je crois bien qu’il y a un article dans le traité de l’Union européenne disant que si quelqu’un a besoin d’un asile politique ou fuit son pays à cause de la guerre, les membres de l’UE doivent lui fournir un asile. Donc non seulement l’Allemagne doit faire quelque chose, mais les autres membres de l’UE aussi. Mais puisque l’Allemagne est un des pays les plus riches d’Europe, ce ne serait pas trop leur demander ! ».
Julie : « Je suis totalement d’accord. Nous devons les héberger ! Je pense que l’Allemagne a besoin de travailleurs, parce qu’il y a beaucoup de personnes âgées et retraitées dans ce pays. ».
Nicolas : « Oui, on doit héberger quelques réfugiés. Je pense que ça doit être une règle pour les pays européens de prendre des réfugiés. Certains pays membres de l’UE n’ont pris aucun réfugié et ce n’est pas juste. Humainement parlant, nous devons héberger des réfugiés ! ».
Julie : « Mais il ne faut pas uniquement héberger ces réfugiés, il faut aussi leur permettre de rester. Il faut les intégrer, qu’ils puissent apprendre la langue, trouver un vrai logement, un travail… Par exemple, en Italie ou en Espagne où il y a beaucoup de chômage, c’est moins évident qu’en Allemagne. ».
Des solutions à l’échelle européenne
A l’heure où nous avons recueilli quelques témoignages dans la capitale allemande, le couple franco-allemand se mobilise. Une initiative organisée par la chancelière Angela Merkel et le président Emmanuel Macron permettra à 400 réfugiés mineurs non accompagnés d’être accueillis dans dix pays européens soutenant cette décision. L’Allemagne, qui assure la présidence de l’Union Européenne en ce moment, a demandé aux membres de l’Union européenne d’être solidaires. Mais le débat sur les réfugiés dure depuis des années et n’a jamais mis l’ensemble de l’Europe d’accord. En attendant, la situation des réfugiés du monde entier se dégrade.