Le meurtre de l’Afro-Américain George Floyd asphyxié par un policier blanc à Minneapolis le 25 mai dernier a ravivé les blessures de milliers de personnes de couleur dans le monde, notamment aux États-Unis, mais également en Europe et a déclenché de nombreux débats et prises de parole sur le racisme, plus précisément sur le thème du racisme ordinaire, c’est-à-dire les discriminations subies au quotidien en raison de la couleur de peau ou de l’origine d’un individu mais aussi sur les violences policières fort décriées en ce moment.
Un même combat en France et en Allemagne
Au cours des derniers jours, l’Allemagne aussi s’insurgeait contre le racisme et assistait à une avalanche de manifestations silencieuses sous le slogan « Black lives matter ! » (BLM) en référence au drame de Minneapolis, mais pas que…, afin de dénoncer à la fois racisme et violences policières. En effet, on se souvient encore entre autres du demandeur d’asile, Oury Jalloh, décédé dans un incendie en 2005 dans une cellule de police à Dessau, mais aussi du Somalien Roobe Warsame, retrouvé mort en février 2019 dans sa cellule à Schweinfurt ou encore de l'étudiant William Tonou-Mbobda décédé après une intervention de la sécurité dans une clinique de Hambourg.
Parallèlement, dans l’Hexagone, la colère et l’indignation de manifestants s’exprimaient également rappelant le décès du jeune Adama Traoré suite à une interpellation de la police dans le Val d’Oise en juillet 2016.
Tandis qu’à Francfort…
Francfort, ville internationale par excellence, n’a pas dérogé à la règle et la place du Römer (devant la
mairie) s’est vite remplie dans l’après-midi du samedi 6 juin. Au cours de la manifestation silencieuse, de nombreux discours ont été prononcés par des personnes de couleur témoignant de leurs expériences, mais aussi par le maire de la ville Peter Feldmann. Au total, plus de 8000 personnes se sont rassemblées en soutien au mouvement « Black lives matter ! ».
Lepetitjournal.com Allemagne y était. Voici un florilège de témoignages que nous avons recueillis.
Manifester pour poser un symbole contre les discriminations
Le dénominateur commun à toutes les personnes interrogées est la volonté de poser un acte symbolique qui montre que tous les humains, quelle que soit leur couleur de peau, sont concernés et révoltés :
Samantha, 23 ans, infirmière allemande : « Je trouve qu’il est important que, malgré la crise du Covid- 19, nous allions dans les rues afin d’envoyer un message fort contre le racisme et les discriminations en général. En tant que personne de couleur, je subis régulièrement des remarques racistes, et je veux montrer que j’en ai assez ! ».
Jan, 33 ans, Bulgare : « Je suis d’avis que ce sujet a été mis sous silence pendant bien trop longtemps, et que, par conséquent, il est important que des gens, peu importe leur couleur de peau, viennent manifester, afin de montrer qu’ils en ont marre des discriminations constantes en raison de la couleur. ».
Esther, 18 ans, est lycéenne allemande. Pour elle, en tant que jeune adulte, il est essentiel de manifester afin de mettre en lumière que les jeunes sont tout aussi intéressés par la politique que les personnes plus âgées :« Il est pour moi crucial de participer à cette manifestation, afin de montrer que les jeunes s’intéressent également à l’actualité et ne restent pas indifférents à ce qui se passe, contrairement à ce que de nombreux adultes pensent. De plus, je vois cela comme un acte de solidarité envers les personnes de couleur ».
Moe’e, 29 ans, étudiant allemand : « Je manifeste pour faire un acte symbolique et mettre en évidence le fait que les personnes de couleur ont en assez d’être défavorisées, discriminées, simplement parce qu’elles ont des origines, et une couleur de peau différente ! Pour moi, c’est une évidence d’aller dans la rue, car le racisme n’est pas juste un sujet politique mais un sujet qui touche à l’essence même de l’humain. ».
Il faut penser aux générations futures
Benni, étudiante de 27 ans d’origine congolaise, possède un passeport allemand. Elle insiste sur l’importance d’améliorer la situation des personnes de couleur des générations futures. Bien qu’elle habite en Allemagne depuis 18 ans, elle est confrontée à moult remarques racistes et ne souhaite en aucun cas la même chose aux plus jeunes : « Je trouve qu’il est essentiel de manifester, afin de garantir un meilleur avenir à la future génération. Je pense notamment à mes petits frères et sœurs, je ne veux pas qu’ils aient à subir le racisme comme j’ai pu le subir et souffrir des réflexions dégradantes que j’ai pu entendre. ».
En outre, Benni témoigne des situations qui prouvent que sa couleur de peau n’est pas totalement acceptée en Allemagne : « J’ai toujours été désavantagée dans mon quotidien, que cela soit à l’école où certains professeurs pensaient que j’étais moins intelligente que les autres, ou dans d’autres contextes qui paraissent triviaux, mais qui en réalité nous rappellent que notre couleur de peau n’est pas pleinement acceptée. Par exemple, il m’est impossible de trouver du maquillage adapté à la teinte de ma peau, à moins que j’aille dans des magasins spécialisés. ».
Le choc de l’atrocité face aux événements de Minneapolis
La réaction initiale de toutes les personnes interviewées a d’abord été le choc, ce sentiment commun lorsque nous apprenons une nouvelle qui nous laisse sans voix. Cependant, à cette émotion commune à tous s’est ajoutée une pluralité d’autres sensations propres à chacun.
Samantha témoigne : « Face à la nouvelle du meurtre de George Floyd j’ai été profondément choquée, j’ai éprouvé toutefois un fort sentiment de résignation, car ce n’est pas la première, ni la dernière fois qu’une telle tragédie se produit ou se produira. Mais au bout de quelques jours, cette résignation s’est transformée en colère, d’où l’importance de participer à ce genre de manifestations. ».
Jan ajoute qu’il a été particulièrement choqué lorsqu’il a visionné la vidéo du meurtre de Georges Floyd : « Lorsque j’ai vu la vidéo dans laquelle on assiste au meurtre de George Floyd, mon sang n’a fait qu’un tour et j’ai senti une douleur physique tellement ce que voyais était atroce et inhumain. Je suis choqué que de telles horreurs se produisent encore en 2020. ».
Et Moe’e de renchérir : « Lorsque j’ai appris la nouvelle du meurtre de George Floyd, j’ai été choqué, plus particulièrement lorsque j’ai visionné la deuxième vidéo de la tragédie, dans laquelle on voit que, en plus du policier qui l’étouffait, quatre officiers lui tenaient les jambes. J’ai senti une douleur papable, physique, en visionnant cette vidéo. ».
Les violences policières, un sujet universel
Benni a elle aussi été sous le choc et a ressenti une immense tristesse. Elle insiste cependant sur le fait que la thématique des violences policières est un sujet omniprésent dans tous les pays du monde : « Je ne voudrais surtout pas que les gens pensent que des violences policières se produisent uniquement aux États-Unis : j’ai beaucoup d’amis qui ont également subi des discriminations et des affrontements musclés par la police ! ».
A noter : un texte de loi anti-discriminations a été adopté jeudi 4 juin par le Sénat à Berlin. Il prévoit des dommages et intérêts pour les personnes victimes de discriminations raciales, de religion, de genre ou de handicap qui en font la demande (ndlr).