Les nervures du bois sont encore visibles sur les planches alignées dans le trou béant. Sur une bande de 50 mètres, les entrailles de Berlin dévoilent un chemin médiéval parfaitement conservé.
Une route qui mène aux origines de la ville
Sous les yeux des passants, 700 ans d’histoire se révèlent sous la Stralauer Straße. La route sous la route, composée de simples planches de bois, tranche avec la modernité de la Fernsehturm voisine. À travers ce morceau d’histoire de 50 mètres, c’est la création de la ville qui apparaît.
60 000 avant J.C., l’actuelle Allemagne est enserrée dans les glaces. La glaciation vistulienne, la dernière en Europe, a avancé ses glaciers jusqu’au nord-est du pays. Pourtant, l’Homme y laisse déjà ses premières traces, retrouvées plusieurs milliers d’années plus tard par des archéologues. Ainsi, des silex taillés et différents outils en os attestent de la présence humaine à cette époque, autour de la zone sur laquelle se trouve Berlin.
Les falaises de glaces se sont ensuite retirées vers 18 000 avant J.C., ouvrant une large vallée, celle de Varsovie-Berlin. Dans son lent retrait, la glace a laissé derrière elle un paysage de débris rocheux au travers duquel une rivière s’est progressivement frayé un chemin. La Spree sillonne en effet pour la première fois ces plaines devenues aujourd’hui les berges d’une métropole. Le court d’eau, gorgé de ressources, pousse alors les premières populations de chasseurs-pêcheurs à se sédentariser au IX millénaire avant J.C.
Plus tard, au cours du VIe siècle avant J.C. des tribus germaniques se font plus nombreuses dans la région. Un changement radical du climat au IV siècle les oblige pourtant à fuir abandonnant leurs sites et leurs villages. Deux siècles plus tard, les premières peuplades slaves s’emparent des lieux abandonnés pour s’installer dans les environs de l’actuelle Berlin.
Cette avancée slave est toutefois endiguée en 1157, lorsque le prince allemand Albrecht l’Ours inflige au prince slave Jaxa de Copnic une défaite cuisante. De cette victoire nait alors la marche de Brandebourg, un État du Saint-Empire germanique qui s’active à organiser une politique colonisation. Les peuples slaves sont ainsi assimilés pour la plupart, par la langue ainsi que par la religion.
Plusieurs villages voient ainsi le jour entre les plateaux de Teltow et de Barnim. Le sol de la région reste néanmoins instable, du fait de son passé géologique mouvementé. L’ère glaciaire a laissé un terrain marécageux sur lequel il est difficile de se déplacer. Les populations installées parviennent tout de même à faire sortir de terre des quartiers dont les noms ne sont pas inconnus aux Berlinois en 2022. Entre 1197 et 1244 sont ainsi mentionnés les quartiers de Spandau, Köpenick, Cölln et Berlin, bien que leur existence soit sûrement antérieure.
Berlin fusionne ensuite avec Cölln et ne cesse de s’agrandir au fil des années et des siècles pour devenir la capitale allemande que l’on connait aujourd’hui. Elle est façonnée par une histoire complexe et riche à découvrir plus en détails dans l’exposition BerlinZEIT à découvrir au Märkisches Museum.
Un témoin de l'histoire bientôt détruit ?
Cette route, qui aurait été construite au XIIIe siècle, servait donc à se déplacer sur un terrain humide et rendu instable par des millénaires de phénomènes géologiques. Ce témoin de l’histoire de ceux que l’on pourrait nommer les premiers Berlinois a donc refait surface pour livrer quelques clés de compréhension supplémentaires de la période.
Sur 6 mètres de large, les planches de bois retrouvent la surface après plus de 700 ans enfouies. La géologie, cause de la construction de la route est également la cause de sa préservation extraordinaire. Une épaisse couche de tourbe – une matière végétale fossile qui provient d’endroits humides – a en effet protégé l’ouvrage des assauts du temps.
Mise au jour en vue de l’installation de conduites de gaz et de lignes électriques, cette route médiévale, préservée à 2,50 mètres de profondeur, pourrait être détruite. Les travaux modernes n’attendent pas les constructions d’hier et les planches de bois seront donc sciées pour la plupart et détruites. Les musées représentent la seule chance pour cette route d’être exposée au public à long terme, encore faut-il qu’ils soient intéressés.
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