Il y a 50 ans, le terme « Fräulein », l'équivalent de « mademoiselle » a été supprimé de l'administration allemande. Aujourd'hui, il est considéré comme discriminatoire, tandis que son homologue français est encore régulièrement utilisé.
Le 16 janvier 1972, Hans-Dietrich Genscher, ministre de l'Intérieur de la BRD (Bundesrepublik Deutschland) annonçait l’ordonnance prévoyant de bannir le terme « Fräulein » des documents officiels. À l'époque déjà le débat n’était pas nouveau : depuis la fin de la guerre, de nombreuses femmes demandaient à ne plus être appelées de cette manière. Dès 1954, Marie-Elisabeth Lüders, membre du FDP, avait déjà tenté, en vain, d'abolir ce terme, le jugeant discriminatoire. Pourtant, en Allemagne de l’Est, le terme n’existait plus dans l’administration depuis 1951.
Aujourd’hui, « Fräulein » est très peu utilisé en allemand. Jugé impoli, le mot est progressivement tombé aux oubliettes depuis la fin du XXème siècle.
En France, le terme « mademoiselle » est encore régulièrement utilisé dans le langage courant, notamment à l'oral. En ce qui concerne les documents administratifs, bien que ce ne soit pas systématique, il arrive encore de recevoir un courrier sur lequel le nom est précédé de la notion « mademoiselle », lorsqu'il est adressé à une femme non-mariée. Il n'est aujourd’hui pas interdit par la loi de s’adresser à une femme par cette appellation.
En revanche, utiliser ce mot sur un formulaire administratif est contraire aux consignes de l'Etat. Celles-ci ont vu le jour largement plus tard qu’en Allemagne : ce n’est qu’en février 2012 qu’a été diffusée une circulaire appelant à la suppression de ce terme dans les documents officiels. La proposition avait été formulée par Roselyne Bachelot, alors ministre des Solidarités, et la circulaire signée de la main de François Fillon, Premier ministre. La décision avait été saluée par les associations féministes, qui remettaient en cause l’emploi de ce terme depuis les années 1970. Certains s'étaient cependant opposés à cette mesure, comme le cadre UMP Alexandre Guillaume Tollinchi, qui avait déposé une requête au Conseil d’Etat pour annuler cette avancée.
« Mademoiselle » est donc aujourd’hui censé être remplacé par « madame », l’équivalent de « monsieur » pour les hommes – du moins dans l’administration publique, les entreprises privées n’étant pas concernées.
Un terme discriminatoire
Que ce soit en Allemagne ou en France, les décisions de suppression du terme « Fräulein » et « mademoiselle » ne se sont pas prises sans débats. L’argument principal contre l’usage de ces termes est qu’ils sont discriminants et sexistes à plusieurs égards. D’une part, les suffixes -lein et -elle servent à former les diminutifs. Le fait qu’une femme soit désignée par l’un des deux termes suggèrent donc qu’elle n’est pas entièrement « femme ». En outre, ces termes désignaient une femme non-mariée. Ainsi, au travers l’utilisation de ces mots, une femme est contrainte d’exposer son statut marital en public, chose qu’un homme n’a jamais besoin de faire.
Ces anciennes discussions portant sur la langue ne sont pas sans rapport avec les débats actuels autour des tentatives de la rendre plus égalitaire. Par définition, la langue est mouvante et ne cesse d'évoluer. On peut donc s'attendre à ce que les controverses continuent d'occuper le débat public, que ce soit en allemand ou en français.
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