Après avoir été nommé à la tête du premier ministère regroupant Économie et Climat, Robert Habeck souhaite rattraper le retard pris sur les objectifs environnementaux de 2030.
L’Allemagne en retard sur ses objectifs
En 2011, après la catastrophe nucléaire de Fukushima, Angela Merkel opère un virage à 180 degrés concernant sa politique énergétique. Le drame qui se déroule au Japon pousse en effet la chancelière allemande à revenir sur son idée de prolonger la durée de vie des réacteurs du pays. Elle annonce même une sortie du nucléaire en 2022.
L’alternative qui s’offre au gouvernement allemand est alors le charbon. Les critiques pleuvent contre ce changement de cap qui ressemble davantage à un désastre écologique qu’à un moyen de se préserver des risques d’accidents nucléaires. Toutefois, cette sortie du nucléaire s’accompagne d’un programme de développement des énergies renouvelables qui calme les détracteurs dans le temps. En effet, l’énergie éolienne constitue aujourd'hui près de 20 % du mix énergétique contre 7 % en 2010 et l’énergie solaire atteint désormais les 10 % contre seulement 2 % en 2010. L’utilisation du charbon est, quant à elle, retombée en dessous des niveaux de 2010.
Pourtant, le constat dressé par Robert Habeck (les Verts), ministre de l’Économie et du Climat et vice-chancelier, le 11 janvier dernier lors d’une conférence de presse est alarmant. Malgré l’avance relative prise par le pays sur ses voisins en matière de développement des énergies renouvelables, l’Allemagne est désormais en retard sur ses objectifs. En effet, en 2021 la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique a baissé : 40,5 % contre 43,6 % en 2020. La reprise de l’activité économique après les confinements successifs a, par ailleurs, fait augmenter de 4,5 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2020. Si la barre n’est pas fixée sur un nouveau cap, en 2030 l’Allemagne aura réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 50 % seulement contrairement aux 65 % annoncés. « Exprimé en chiffres absolus, c’est 200 millions de tonnes de CO2 de trop » juge le ministre.
Face à cette situation, Robert Habeck a annoncé un programme d’urgence pour le climat qui doit permettre de combler le retard et d’atteindre les différents objectifs fixés.
Un programme d’urgence pour le climat
Dans ce contexte d’urgence climatique, le nouveau gouvernement souhaite s’engager pleinement en faveur de l’écologie et a d’ailleurs commencé ce travail au moment même de sa formation. La coalition actuelle permet en effet aux Verts d’accéder à des postes de gouvernance, notamment Robert Habeck qui se trouve à la tête d’un ministère inédit. Si économie et protection de l'environnement sont souvent opposées, un ministère regroupant ces deux portefeuilles a été créé lors de l’arrivée d’Olaf Scholz à la tête de la chancellerie fin 2021. Le ministre écologiste débute ainsi 2022 avec son programme d’urgence pour le climat qui regroupe plusieurs propositions pour lancer l’Allemagne à la poursuite de son propre retard.
Parmi les propositions formulées lors de la conférence de presse du 11 janvier pour tenir les objectifs de 2030 et la neutralité carbone en 2045, on peut notamment retenir :
- Donner grâce à la loi un statut d’« intérêt public supérieur » aux énergies renouvelables et reconnaître également leur utilité à « la sécurité publique ».
- En prévision de la hausse de consommation électrique (560 TWh aujourd’hui contre 715 TWh en 2030) et pour maintenir l’objectif de 80 % d’énergies renouvelables (EnR) en 2030, une réforme de la loi sur les EnR est prévue. Objectifs : 5 GW d’énergie éolienne terrestre supplémentaires en 2023 et 10 GW en 2027 pour atteindre 100 GW fournis au total par l’éolien en 2030.
- Étendre l’éolien terrestre à 2 % du territoire contre 0,55 % aujourd’hui.
- Atteindre 200 GW d’énergie solaire en 2030.
- Supprimer la taxe EEG (charge de soutien aux énergies renouvelables qui pèse en partie sur les ménages).
- Soutenir l’hydrogène vert pour atteindre 10 GW d’ici 2030.
- Réformer la loi sur l’énergie dans le bâtiment : tout nouveau chauffage installé à partir de 2025 devra fonctionner au moins à partir de 65 % d’EnR.
- Soutenir le secteur automobile pour atteindre 15 millions de véhicules électriques en circulation et les infrastructures de recharges adaptées d’ici 2030.
Source : Direction générale du Trésor.
Ce programme d’urgence pour le climat a été bien accueilli dans l'ensemble, tant par l’opposition que par plusieurs ONG environnementales, même si quelques voix se sont faites entendre notamment chez Die Linke où l’on juge les mesures « trop maigres ».
L’Allemagne semble désormais engagée dans une politique écologique, soutenue par des ministres comme Robert Habeck. Cependant, la protection de l’environnement n’est pas un combat à mener en solitaire et une interrogation demeure alors : l’intégration réelle de l’urgence climatique dans les projets politiques peut-elle se propager et s’accélérer en Europe sous l’impulsion de l’Allemagne ?
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