Le Premier ministre thaïlandais a appelé jeudi les étudiants qui prévoient une grande manifestation anti-gouvernementale les 19 et 20 de faire passer la lutte contre le Covid-19 avant leurs idéaux, brandissant les risques de contagion, alors que l'épidémie est inexistante dans le royaume depuis plusieurs mois
Le Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha a déclaré dans un discours télévisé qu'il comprenait les griefs mais il a exhorté les manifestants à faire passer le "Covid d'abord" pour le moment.
"Lorsque vous vous réunissez en foule, vous créez un risque énorme de nouvelles infections. Et en cela, vous créez aussi un risque énorme pour les moyens de subsistance de dizaines de millions de Thaïlandais", a-t-il déclaré.
"Vos protestations retardent la reprise économique parce que vous affectez la confiance des entreprises, et vous affectez la confiance des touristes pour retourner dans notre pays lorsque nous serons prêts à les recevoir."
La Thaïlande n'a pas vu de malade local du Covid-19 depuis le mois de mai.
La grande majorité des 3.473 cas signalés de la Thaïlande se sont rétablis depuis longtemps et le royaume a passé plus de trois mois sans signaler le moindre cas de transmission locale du virus.
Récemment, plusieurs cas de tests positifs ont été signalés sur des personnes résidant ou ayant résidé en Thaïlande, avant de tomber aux oubliettes. Le chef de l’hôpital Ramathibodi de Bangkok, Surasak Leelaudomlipi, a expliqué pour au moins l’un d’entre eux qu’il ne s’agissait que de "matériel génétique" inoffensif du virus ayant fait réagir le test, mais ne constituant pas de menace.
Le 3 septembre, un prisonnier récemment incarcéré a été testé positif dans une prison de Bangkok, amenant les autorités à tester plus d’un millier de personnes susceptibles d’avoir été en contact avec lui, sans trouver de cas positif.
Le directeur du Département des sciences médicales, le Dr Opas Karnkawinpong, a par ailleurs déclaré à la chaine locale ThaiPBS qu’il s’agissait d’une souche plus contagieuse mais moins virulente que celle observée au début de l’épidémie, ajoutant que cette souche était celle qui circulait actuellement dans le monde.
Ces mystérieux cas de tests positifs sans maladie ces derniers jours semblent confirmer l'idée soutenue par plusieurs scientifiques selon laquelle les campagnes de test actuelles, à un stade où l'épidémie semblent avoir considérablement perdu de sa virulence, révèlent de nombreux "faux positifs" ou du moins des personnes asymptomatiques et non ou très peu contagieuses.
Les opposants au gouvernement dénoncent depuis plusieurs mois une exploitation de la situation sanitaire pour museler les manifestants. Les autorités ont reconduit plusieurs fois au nom de la lutte contre le Covid-19 l'état d'urgence qui est toujours en vigueur depuis fin mars.
"Le Covid est la dernière carte du gouvernement, le seul truc qui lui reste dans sa manche, pour saper la légitimité des manifestations", estime Anusorn Unno, manifestant et conférencier à l'Université Thammasat de Bangkok.
Les organisateurs de la manifestation attendent plusieurs dizaines de milliers de personnes samedi dans cette université de la capitale dont une partie se trouve sur l’esplanade de Sanam Luang, face au Grande Palais. Les manifestants prévoient de passer la nuit là avant de défiler dimanche vers le siège du gouvernement.
L'université Thammasat a déclaré la semaine dernière qu'elle n'autoriserait pas le rassemblement sur son campus. La police a également déclaré que la marche jusqu'à la Maison du gouvernement pourrait enfreindre une loi interdisant les grands rassemblements à proximité de certains sites.
Les manifestations, largement pacifiques jusqu’ici, ont ravivé les souvenirs de plus d'une décennie de troubles politiques et de longs rassemblements de rue qui ont abouti au coup d'État de 2014 dirigé par Prayuth lui-même contre le gouvernement de Yingluck Shinawatra.
Prayuth Chan-O-Cha faisait partie en 2010 des officiers ayant supervisé la répression sanglante du mouvement des Chemises rouges à Bangkok qui avait fait des dizaines de morts.
Fin août, il a mis en garde les manifestants sur le fait que leurs agissements creusaient dangereusement les divisions et risquaient de provoquer l'effondrement du pays.
La marche à venir ce week-end marquera l'anniversaire du coup d'État qui avait précédé, en 2006, l'éviction du frère de Yingluck, Thaksin Shinawatra.