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Manifs: Les autorités thaïlandaises font pression sur les universités

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REUTERS/Athit Perawongmetha - Panusaya "Rung" Sithijirawattanakul est la première à avoir lu les 10 points de réforme demandés concernant la monarchie

Les autorités thaïlandaises ont convoqué les responsables d’universités pour leur demander d'empêcher les étudiants de lancer des appels à la réforme de la monarchie, invoquant des risques de violence, a déclaré dimanche un membre du Sénat.

Le sénateur Somchai Sawangkarn a déclaré à Reuters que des lettres avaient été envoyées par des gouverneurs de province aux chefs d'université, les convoquant à des réunions avant les manifestations prévues le 19 et le 20 septembre à Bangkok et ailleurs – en Thaïlande, en dehors de Bangkok, les gouverneurs de province sont nommés par l'État.

"Nous n'avons pas dit aux gouverneurs de bloquer les manifestations mais nous voulons qu'ils créent une entente avec les responsables universitaires, en particulier sur les 10 revendications à propos de la monarchie", a-t-il dit, ajoutant que ces derniers devraient faire de même avec les étudiants pour "mettre un terme aux demandes concernant la monarchie".

Des manifestations étudiantes quasi quotidiennes ont lieu en Thaïlande depuis la mi-juillet. Les protestataires demandent le départ du Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha, ancien chef de la junte, ainsi qu’une nouvelle Constitution et des élections.

Mais certains groupes ont aussi ajouté 10 demandes visant à réduire les pouvoirs de la monarchie du roi Maha Vajiralongkorn, du jamais vu depuis des décennies dans un pays où toute idée négative émise envers la famille royale est sévèrement réprimée.

Un responsable du ministère de l'Intérieur a confirmé que de telles lettres avaient été envoyées et a déclaré qu'il s'agissait d'une procédure normale. Le palais n'a pas répondu aux sollicitations de Reuters.

Pour l’une des figures de proue du mouvement étudiant, Panusaya "Rung" Sithijirawattanakul, qui avait été la première à lire les 10 points de réforme demandés concernant la monarchie, il ne s’agit de rien de plus que d’une "tactique désespérée".

"Ils utilisent cette tactique pour essayer de réprimer et de menacer les gens", a déclaré la jeune femme de 21 ans qui fait partie de plus d'une douzaine de militants ayant été arrêtés lors de précédentes manifestations puis libérés sous caution.

Une lettre adressée à une université vue par Reuters dit : "Le comportement inapproprié de certains groupes participant à la manifestation suscite des inquiétudes, par exemple ceux qui veulent renverser la monarchie et ceux qui demandent l'annulation de l'article 112 du code pénal."

L'article 112 correspond à la loi thaïlandaise sur la lèse-majesté et prévoit des peines pouvant aller jusqu'à 15 ans d'emprisonnement pour insulte envers le roi et les membres de sa famille.

Spectre de la violence

"Il s’agit d’une question sensible qui pourrait conduire à la violence", dit la lettre - faisant tout particulièrement référence aux incidents de 1976 et 1992, lorsque des dizaines de manifestants anti-gouvernementaux avaient été tués par les forces de sécurité -en 1976, des milices pro-gouvernementales avaient également pris part au massacre.

La lettre stipule que la police prendra les mesures légales nécessaires contre quiconque se conduira de manière inappropriée lors des manifestations, tandis que le ministère du numérique poursuivra en justice contre toute personne usant des médias sociaux "pour dénaturer et diffamer la monarchie" ou pour inciter à la protestation à l’encontre de l’institution royale.

Selon l’une des personnes ayant participé à une réunion avec les autorités, ces dernières auraient demandé à son université de dresser une liste de fauteurs de troubles potentiels.

Le porte-parole du gouvernement, Anucha Burapachaisri, a dit ne pas être pas au courant des lettres du ministère de l'Intérieur. Il a déclaré que le gouvernement n'essaierait pas de stopper les manifestations, mais que les autorités ne veulent pas "d'escalade ou d'affrontements" et appliqueront la loi. 

La plupart des universités thaïlandaises sont parrainées par l'État.

Anusorn Unno, professeur à l'Université Thammasat, qui a rejoint plus de 100 universitaires dans une déclaration soutenant la liberté d'expression des étudiants en août, a déclaré que de telles ordonnances n'étaient pas inhabituelles.

"La seule différence cette fois est que des preuves ont filtré", a-t-il dit.

Le Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha a déclaré que les manifestations devraient être autorisées, mais pas les critiques envers la monarchie.

Le Sénat, dont les membres ont été nommés par la précédente junte militaire, a largement contribué à assurer la nomination de l’ancien putschiste au poste de Premier ministre à l’issue des élections controversées de 2019. C’est pourquoi les manifestants demandent aussi que la chambre haute, censée contribuer à l’équilibre des pouvoirs, soit revue dans le cadre d’une nouvelle Constitution.

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