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Face à la crise, ces entrepreneurs français en Thaïlande ne lâchent rien !

Des entrepreneurs français en ThaïlandeDes entrepreneurs français en Thaïlande
El Mercado - Axel Aroussi (droite) et sa partenaire dans la vie et sur El Mercado, Griselda Gras-Giné
Écrit par Catherine Vanesse et Pierre Queffélec
Publié le 9 juillet 2021, mis à jour le 8 août 2022

Comme beaucoup de PME en Thaïlande, les entrepreneurs français se battent, chacun à sa manière, pour passer la crise du Covid. Lepetitjournal.com a récolté des témoignages dans différents secteurs

Plus d’un an après le début de l’épidémie de coronavirus, l’économie thaïlandaise continue d’être sérieusement malmenée, d’autant plus que le pays fait face à une troisième poussée épidémique plus forte que les précédentes alors que la campagne de vaccination a pris du retard. 

Dans ce contexte économique particulièrement difficile, Lepetitjournal.com a interrogé quelques entrepreneurs français de secteurs d’activités divers, qui n’abandonnent pas et entendent bien passer la tempête en s’adaptant au besoin, et en tentant de saisir les opportunités qui ressortent, comme dans toute crise.

Pour le restaurant El Mercado situé sur Sukhumvit à Bangkok, le salut dans la crise vient surtout du développement de ses épiceries sur Sukhumvit et Sathorn et du fait d’avoir développé son service de commande en ligne via son site Internet et renforcé sa capacité de livraison avec une flotte de coursiers maison. 

Nous avons également adapté certains de nos plats comme le couscous ou la ratatouille pour les mettre dans des pots en verre que nous vendons dans nos épiceries ou en ligne", explique Axel Aroussi, cofondateur d'El Mercado. "Nous avons aussi fait un gros investissement puisque nous avons lancé la boulangerie", ajoute-t-il. L’an dernier, El Mercado avait ouvert en plein confinement le bistrot-épicerie Calle 35.

"Depuis le début du Covid-19, la situation est compliquée, mais elle n’est pas catastrophique, cela demande surtout de s’adapter en permanence”.

Encaisser les coups, guetter les opportunités

Après avoir travaillé pendant près de dix ans dans l’immobilier, Benjamin Conrazier s’était orienté ces dernières années vers des activités tournées sur le tourisme florissant : location de motos, sorties découvertes, bachelor party, team-buidling, etc.

Autant d’activités désormais à l’arrêt et pour lesquelles il n’a plus enregistré le moindre revenu depuis mars 2020, ce qui l’a finalement forcé à se séparer de la cinquantaine de personnes qui travaillaient avec lui avant le Covid-19.

Benjamin Conrazier a la fete de la Francophonie
Benjamin Conrazier enchaine les déboires avec cette crise, mais il continue de se battre se maintenir en activité. Photo Pierre QUEFFELEC

Pour passer la crise, il a réorienté son activité vers les expatriés en proposant notamment la location de jeux en réalité virtuelle, l’organisation d’anniversaires et aussi transformé le jardin de sa maison en petit restaurant thaï. 

Mais la troisième épidémie est venue faucher les espoirs qu’il avait bâtis sur ce repositionnement temporaire. "Je ne vois pas du tout le bout du tunnel", dit-il.

Avec la troisième vague et le retour des restrictions, tout est de nouveau à l’arrêt”, confie Benjamin, dépité.

Et pour couronner le tout, il a perdu le contenu des 24 sites Internet qui représentaient ces activités après s’être fait pirater son ordinateur.

"C’est l’un des effets secondaires de l’épidémie, il y a beaucoup plus de piratages", dit-il.

Malgré cet enchainement de calamités, le Français bientôt quadragénaire ne se décourage pas. "J’ai profité de cette mésaventure pour me former dans la création de sites internet, le SEO et le design (référencement Internet et graphisme informatique, ndlr)”, se rassure-t-il.

Nadine Gires dans son hotel le Bamboo resort
Nadine Gires ne désespère pas de retrouver ses clients, d'autant qu'elle a déjà des réservations de personnes bien décidées à venir dans le royaume. Photo courtoisie

Pour Nadine Gires, propriétaire du Bamboo Resort à Khanom dans la province de Nakhon Sri Thammarat, la situation depuis le mois de janvier 2020 est en dents de scie. “L’année dernière à partir du mois de juin jusqu’en décembre, nous étions complets presque tous les week-ends, ensuite cela s’est ralenti un peu et, depuis le mois d’avril, c’est le marasme complet. Nous n’avons personne !”, déplore celle qui avait aidé à l’arrestation du tueur en série Charles Sobhraj dans les années 70 et dont l’histoire est retracée dans la série The Serpent.

D’ailleurs, suite à une interview donnée à lepetitjournal.com, Nadine a reçu de très nombreux messages d’admirateurs qui souhaitent lui rendre visite. “J’ai déjà des réservations de personnes qui ont vu la série et qui me disent être prêts à passer par la "Phuket Sandbox" s’il le faut !"

Profiter du calme pour anticiper la reprise

Certains secteurs d’activités sont touchés de manière indirecte par la chute du tourisme ou encore les restrictions sur les restaurants.
C’est le cas de Laurent Opportune, propriétaire de la société Klong Phai Farm, qui prépare et vend des produits fermiers principalement à base de volailles élevées en plein air.

Même s’il avait pris à temps le virage de la livraison à domicile au début de la pandémie, la société du Français est aujourd’hui durement touchée par les mesures strictes imposées ces derniers mois aux hôtels et aux restaurants, le cœur de sa clientèle, portant un coup d’arrêt aux commandes. Actuellement, Klong Phai Farm vit sur sa trésorerie, faute de rentrées. 

Mais l’entrepreneur installé en Thaïlande depuis 30 ans n’en est pas à sa première crise et tient à rester positif et actif. Il a donc décidé de profiter de cette période plus calme pour se concentrer sur les démarches pour obtenir des certifications et autres labels qualités qui lui permettront au moment de la reprise de gagner des parts de marché. 

Il s’agit de gros investissements pour une petite entreprise comme la nôtre, mais je pense que cela sera nécessaire dans le futur, nous allons vers plus de professionnalisation, les clients seront plus exigeants, les hôtels vont demander de plus en plus de certifications, surtout au niveau de l’hygiène”, explique le quinquagénaire.

Angelique Labrune et Olivier Rymer
Installés à Chiang Mai, Angélique Labrune et Olivier Rymer ont réduit l'activité le temps de la crise et concentrent leurs effort sur la reprise. Photo Catherine VANESSE

Spécialisée dans le voyage sur mesure depuis 2017, l’agence Les Voyages d’Angèle était en pleine croissance jusqu’à ce que l’épidémie du coronavirus n’arrive. Après près de 18 mois sans aucune réservation, les fondateurs de l’agence, Angélique Labrune et Olivier Rymer, avouent avoir perdu trois années de bénéfices. Ils sont passés d’une équipe de 25-30 personnes réparties entre la Thaïlande, le Laos, le Cambodge et la Birmanie à seulement 5 personnes aujourd’hui. 

Pour autant, le couple garde espoir et continue de travailler, que ce soit en prenant le temps de mettre à jour leur site Internet, en assurant une présence encore plus forte sur les réseaux sociaux et surtout en explorant le pays à la recherche de nouvelles destinations à proposer dans le futur. Ils se sont également consacrés à convaincre les clients ayant déjà des réservations de reporter leurs vacances plutôt que les annuler. 

"Économiquement, la période est difficile et moralement aussi parce que nous travaillons pour limiter les pertes. Mais nous allons pouvoir passer cette crise grâce à nos réserves financières. L’ouverture de Phuket aux touristes sans quarantaine est un très bon signe et nous avons de nouveau des demandes de séjours pour la fin de l’année 2021 et 2022”, détaille Olivier Rymer.

Ne rien lâcher aux applis

Serge Martiniani, lui, a préféré fermer son restaurant, Le Bouchon, pour tout le mois de juillet. Pour lui, le service de livraison n’est pas une solution. Il a d'ailleurs fermé à chaque fois que les autorités ont interdit le service sur place, soit cinq semaines en 2020, et huit semaines en 2021, et auxquelles s’ajouteront celles de juillet. "Le type de nourriture que l’on propose ne supporte pas ce genre de transport et le taux de service qui est demandé par les applications ne permet pas de payer le personnel. Donc je préfère fermer et payer mes employés à 50% -l'Etat leur donne une compensation. Ouvrir dans ces conditions est une prise de tête pour pas grand-chose".

Les propriétaires ne sont pas très conciliants, dit Serge qui envisage de quitter Patpong pour changer de quartier. "Je suis dans un quartier en perdition".

Le restaurateur francais Serge Martiniani et son chef thailandais Banjong
Serge Martiniani a gardé tout son personnel, mais il a préféré fermer pour le mois de juillet compte tenu des mesures interdisant aux restaurants la vente sur place. Photo Pierre QUEFFELEC

La crise du Covid-19 est arrivée alors que la société Vivin, qui vend des produits alimentaires français "Made in Thailand", connaissait un bon développement après quelques années laborieuses. Et cela ne l’a d’ailleurs pas empêché d’ouvrir une sandwicherie en juin 2020 et un restaurant en octobre.

Mais aujourd’hui, Nicolas Vivin avoue qu’enchaîner les adaptations devient pénible : réduire les salaires, réajuster les équipes - il a réduit la masse salariale de 20% depuis juin, etc. pour essayer d’être le plus efficace possible tout en tenant compte de la baisse de revenus et des fluctuations de la demande. "Là, nous sommes en train de développer notre offre épicerie pour être plus attractifs et faire que les gens puissent tout acheter sur un même magasin", explique-t-il, soulignant son souci de faire en sorte que les gens passent le moins possible par les applis dont les commissions monstres -autour des 30%- correspondent peu ou prou à la marge bénéficiaire. "Vivre sur les livraisons via ces applis, pour nous ce n’est tout simplement pas possible. Si on fait ça, on travaille pour eux, je ne compte pas devenir les esclaves de ces sociétés", dit-il. 

Appel au don de FDM pour les entrepreneurs francais en Thailande
L’association Français du Monde a lancé un appel à cotisation via une "Caisse de Solidarité pour les Micro-Entrepreneurs français en Thaïlande" https://bit.ly/3AJowMt

Comme pour beaucoup d’entreprises impactées par les aléas des mesures sanitaires, le manque de visibilité ne permet pas de projections sur le moyen terme et oblige souvent de naviguer à vue. Dans les prochains jours, lui et sa compagne, vont quitter leur maison du soi Sukhumvit 49 où ils résidaient depuis cinq ans pour emménager au-dessus de leur magasin afin de réduire les coûts de la vie privée puisque, comme nombre d’entrepreneurs dans leur cas, ils peuvent difficilement se verser leur salaire. "Il faut qu’on se concentre sur notre outil de travail", conclut le trentenaire. 

Se tourner vers d'autres aspects du métier

Avec son entreprise de placement de système d’économie d’énergie, Technic Electrical Engineering, Thomas Gal n’avait pas imaginé qu’un jour il subirait près de 50% de pertes d’un coup, lui qui travaillait surtout avec des hôtels et des institutions telles que les ambassades ou des bureaux. Mais avec la fermeture des hôtels ou du moins une forte diminution de leur clientèle, nombres de ses clients ont gelé les contrats le temps que des jours meilleurs reviennent. 

La situation n’était pas forcément simple avant, mais avec le Covid-19, nous sommes passés à un niveau de risque élevé!" reconnait Thomas Gal. "Néanmoins, nous sentons une reprise puisque récemment nous avons eu un certain nombre d’entreprises qui nous ont contactés", dit-il.

"La situation étant tendue pour tout le monde, certaines compagnies ont réalisé qu’elles avaient des coûts fixes importants, surtout en électricité, et cherchent désormais à trouver des solutions pour réduire ces dépenses. Je pense que ce sont des clients qui ne seraient pas venus nous voir avant le Covid, on sent un changement de comportements”, précise Thomas Gal, qui cherche à développer des projets en dehors de la Thailande malgré les difficultés de déplacements.

Arawan Namak devant le bureau de Poe-ma Insurances
Pour les courtiers en assurance comme Arawan Namak, de Poe-Mai insurances, la crise du Covid s'est traduite par des demandes nouvelles. Photo courtoisie

"En Thaïlande c’est plus fermé que d’autres pays", dit-il. "L’avenir pour nous c’est développer en dehors des frontières et ne pas rester sur la Thaïlande peu importe les contraintes au niveau déplacement. C’est un défi mais il faut le relever, c’est pourquoi je suis beaucoup de formations à distance avec Singapour pour développer notre activité là-bas".

Il propose lui-même des formations en ligne ou en présentiel à des sociétés ou des universités pour expliquer les liens entre les changements climatiques, le CO2, l'électricité et les comportements quotidien. "J’ai eu quelques demandes", nous a confié l’entrepreneur français qui s’apprêtait à faire une formation pour une société au Cambodge. "Ce sont des points positifs et il faut que ça se développe".

La crise et ses bons côtés

Pour d’autres secteurs d’activités comme l’assurance, la crise du Covid a ouvert de nouveaux créneaux tels que l’obligation de souscrire une assurance Covid-19 à hauteur de 100.000 dollars pour pouvoir entrer en Thaïlande. Même si les courtiers francophones ont perdu quelques clients sur leurs produits habituels avec les départs définitifs d’expatriés, la demande en assurances spéciales pour le Covid-19 a compensé cela. “L’année dernière, j’ai vendu près de 2.500 assurances voyages qui couvraient le Covid-19! Au tout début de l’épidémie, j’étais l’une des seules à proposer un package complet qui comprenait une assurance santé et accident ainsi que le Covid-19”, explique Arawan Namak de Poe-Ma Insurance à Phuket. 

Dans l’immobilier, Fabrice Loré, fondateur de l'agence immobilière Five Stars, ne cache pas qu’il a passé un mauvais moment, mais il considère que le pire est derrière nous. “Au tout début, il y a eu un vent de panique face aux incertitudes de la situation”, explique. Après une période de baisse au niveau des ventes et de la location, surtout auprès des expatriés, les ventes de biens immobiliers sont reparties à la hausse. “C’est lors des crises qu’il faut acheter et vendre quand il y a des bulles de croissance. En ce moment, il est possible d’acheter un bien avec 20 à 30% de réduction parce qu’il y a des gens qui doivent vendre, ceux qui ont besoin de liquidités assez rapidement. J’ai l’impression que le plus difficile est passé, les touristes vont revenir à partir de juillet, nous ne serons pas sur du tourisme de masse, mais il y aura de la qualité”, se rassure-t-il.

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