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CCEF Thaïlande: "Une forme de solidarité communautaire est nécessaire"

Des thaïlandais dans un couloir Des thaïlandais dans un couloir
Reuters
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 21 mai 2021, mis à jour le 21 mai 2021

Alors que la 3e épidémie de coronavirus en Thaïlande pousse nombre d’entreprises au bout de leurs limites, le président du comité des CCEF dans le royaume, Eric Durand, partage avec nous son analyse.

Plus d’un an après le début de l’épidémie de coronavirus, l’économie thaïlandaise est sérieusement malmenée, d’autant plus que le pays fait face à une troisième poussée épidémique plus forte que les précédentes et que la campagne de vaccination, présentée comme l’une des clés de la sortie de crise, peine à démarrer.

Pour prendre la température dans les milieux d’affaires en Thaïlande, Lepetitjournal.com a interrogé Eric Durand, président depuis 2016 du comité des Conseillers du Commerce Extérieur de la France (CCEF) en Thaïlande. 

Pour ce chef d’entreprise installé en Thaïlande en 1988 à la tête de la société Lamberet Asia, spécialisée dans les véhicules frigorifiques, "la sortie de la crise se fera avec la reprise du tourisme et par les projets d’infrastructures". Et en attendant, il invite ses compatriotes à faire preuve de solidarité de la plus simple des manières.

LEPETITJOURNAL.COM : Que pouvez-vous nous dire sur le climat des affaires actuellement en Thaïlande ?

Eric Durand president des CCEF Thailande

 ERIC DURAND : Au-delà des chiffres, ce que nous percevons est une inquiétude de la population sur la situation Covid et la campagne de vaccination qui peine à monter en puissance. On voit aussi dans l’industrie beaucoup de problèmes d’approvisionnement pour certains produits, et de fortes hausses des prix des matières premières. Cela peut faire ralentir l’activité, d’autant que la reprise du tourisme n’est pas encore là pour relancer l’économie, et que l’endettement des ménages est très haut et limite donc la capacité à relancer la machine par la consommation domestique. Bref, pas d’euphorie, même si la crise a été plutôt bien absorbée dans la plupart des secteurs. 

Qu’en est-il de la situation des grandes et moyennes entreprises françaises en Thaïlande, ainsi que des entreprises locales de direction française ?

Je n’ai pas entendu parler de fermetures ou délocalisations, pas au niveau des grandes et moyennes entreprises, et pas en dehors des secteurs du tourisme (tours opérateurs, hôtels, restaurants, bars,…) Certains sites de bureaux peuvent fermer, essentiellement en raison du télétravail auquel tout le monde s’habitue.

Dans une situation comme celle-ci, quel rôle peuvent jouer les CCEF et quelles actions ont été menées jusqu’ici ?

Les Conseillers du Commerce Extérieur de la France (CCEF) sont des hommes et des femmes qui sont des dirigeants d’entreprises (PME, ou ETI) ou de filiales de grands groupes, et dont les activités professionnelles couvrent les différents secteurs de l’activité économique liant la Thaïlande et la France. Nous sommes 31 en Thaïlande, et plus de 4.000 à travers le monde, dans 150 pays. Nos 4 missions principales sont de conseiller les pouvoirs publics, le plus souvent via notre ambassade, de partager notre connaissance du terrain avec des entreprises qui souhaitent s’implanter localement, d’aider les jeunes qui souhaitent démarrer une carrière internationale, et enfin de promouvoir la France comme terre d’accueil pour des investissements étrangers.

Concrètement, notre action ces derniers temps s’oriente vers plusieurs objectifs :
-    Créer une dynamique autour de secteurs que nous avons identifiés comme prometteurs, comme certaines filières agro-alimentaires, l’économie des seniors, ou le transport ferroviaire, afin de montrer à la partie thaïlandaise la palette de l’offre française dans ces domaines.
-    Recenser et orienter les Entrepreneurs Français de l’Etranger (EFE) qui travaillent avec la France vers une nouvelle structure qui vient d’être créée en France par les CCEF et les Chambres de Commerce Internationales. Cette structure, EFE International, a pour objectif d’être le lien qui manquait jusqu’à présent entre ces EFE et la France, puisque la plupart des EFE sont des entreprises de droit local sans maison-mère ni filiale en France. Ce lien, une fois établi, permet aux EFE d’accéder à l’embauche de VIE, ces jeunes qui souhaitent découvrir l’expatriation et peuvent le faire de façon sécurisée. À terme, EFE International proposera d’autres services, l’objectif étant bien sûr d’arriver à mobiliser des lignes de crédit à destination de ces EFE qui ont souvent du mal avec les banques locales.
-    Ces nouvelles dispositions vont permettre d’augmenter le nombre de VIE sur le territoire, constituant pour le futur un vivier de jeunes cadres ayant déjà une expérience professionnelle et familiers avec l’environnement thaïlandais.

Quels sont les secteurs d’activités qui s’en sortent le mieux voire qui bénéficient d’opportunités nouvelles, pourquoi ?

Il y a quelques secteurs qui sont mieux placés : par exemple la logistique dont le maillage est de plus en plus serré lorsque tout le monde se fait livrer chez soi pour éviter les foules et parce que les restaurants sont fermés, ou encore le luxe avec une classe très aisée qui ne voyage plus pour acheter de la mode, de la maroquinerie ou du parfum, et se trouve désœuvrée avec l’absence de vie sociale, donc surconsomme.

Que pouvez-vous nous dire sur les perspectives économiques de la Thaïlande telles que vous les percevez dans ce contexte de crise que nous traversons ?

La sortie de crise se fera par la reprise du tourisme et par les projets d’infrastructure, qui tous les deux sont générateurs d’emplois et d’entrées de devises sur le marché domestique. Les grands acteurs traditionnels privés de l’économie thaïlandaise ont leurs yeux sur d’autres marchés moins matures et à plus forte croissance, donc ils ne seront pas les moteurs d’une reprise dynamique.

Qu’en est-il des projets d’investissement des entreprises françaises en Thaïlande dans un tel contexte ?

Ils sont toujours d’actualité. Malgré la quarantaine, il y a encore des entreprises qui viennent prospecter le marché. Les projets d’infrastructure qui sont ou seront nécessairement activés pour relancer l’économie, essentiellement dans le domaine des transports, sont des opportunités pour l’ingénierie et la sous-traitance dans lesquels la France excelle. La France est perçue comme un conseil neutre dans la guerre entre consortiums pour les gros appels d’offres. Cela lui donne une position privilégiée.

Plusieurs entrepreneurs étrangers basés en Thaïlande disent rencontrer des difficultés pour obtenir des aides de la part du gouvernement thaïlandais, que pouvez-vous nous dire sur ce point ?

Que c’est également difficile pour les entreprises thaïlandaises, puisque les lignes de crédit garanti par l’Etat prévues fin 2020 n’ont pas été mises en place. Ce que l’on constate, c’est que les banques font des efforts pour assouplir les conditions de remboursement des emprunts, et qu’elles ne font pas de différence entre entreprises à capitaux thaïlandais ou étrangers.

Un certain nombre de Français ont exprimé des inquiétudes sur l’accès au vaccin anti-Covid pour les étrangers dans le royaume, quel est votre sentiment à ce sujet ?

A ce jour, le taux de vaccination de la population locale est de 1.2%. Et le secteur privé n’est pas encore à même de proposer des services payants à ceux qui souhaitent se faire vacciner. Donc pour le moment tout le monde est à égalité…

Par ailleurs, des déclarations contradictoires ont été émises par différentes autorités sur le timing de la vaccination des étrangers. Je pense que la situation va se clarifier dans les semaines qui viennent. 

Les entreprises ont été invitées à soumettre des listes d’employés candidats à la vaccination, aucune condition de nationalité n’a été mentionnée.

Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs et dirigeants français en Thaïlande en cette période ?

Nous constatons que chacun a déjà adapté son mode de fonctionnement aux nouvelles contraintes de son secteur, certains ont dû réduire la voilure de façon considérable, d’autres ont dû complètement réinventer leur métier, et pour certains le changement a été moins brutal. Pas de recette miracle, si ce n’est de rappeler que la solidarité est nécessaire, elle peut se concrétiser par de simples échanges pour confronter nos expériences et évaluer les solutions que chacun a trouvées, mais aussi par une «préférence nationale» raisonnée et des conditions contractuelles indulgentes. La Chambre de Commerce Franco-Thai est le lieu privilégié de ces échanges très utiles.

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