Il est courant de présenter l’année d’Erasmus comme une parenthèse dorée dans le cursus universitaire : l’excitation liée la découverte d’une nouvelle culture, les sorties et les soirées à n’en plus finir, le tourbillon des rencontres quotidiennes, les devoirs qui passent à la trappe... Pourtant, cette expérience est, dans les faits, contrastée, et dépend de la sensibilité de chacun. Devenir socialement autonome, laisser derrière soi sa famille et ses amis pour un ou deux semestres s’avère plus ou moins aisé et n’est pas forcément si facile. Surtout lors des premières semaines, qui constituent un véritable dépaysement parfois éprouvant.
Agée d’à peine 20 ans, Laura, étudiante Erasmus à l’Université Pablo de Olavide dans le département de sociologie pour un an, nous raconte ses premières semaines dans la capitale andalouse.
Pourquoi Séville ?
L’argument d’un climat ensoleillée est universel : « honnêtement, je suis originaire du bassin minier et je fais mes études à Lille, donc pouvoir profiter de la vie dehors et ne pas être cloîtré chez soi à cause du froid, ça a été l’une de mes motivations pour venir étudier en Andalousie ».
La jeune étudiante explique ses questionnements initiaux sur le choix de la destination : « Séville n’était pas mon premier choix : j’ai été indécise pendant longtemps, et l’Amérique du Nord avait ma préférence. En effet, je fais mes études à Sciences Po Lille, et nombreux sont les élèves qui sont attirés par des destinations plus prestigieuses, ça claque plus sur le CV d’aller aux Etats-Unis ».
C’est la douceur de vivre à l’espagnole qui l’a finalement convaincue : nombreux sont les témoignages qui encensent la qualité de vie en Espagne, avec ses prix moins élevés qu’en France et sa météo clémente quasiment toute l’année.
Quid de la vie étudiante ?
Laura évoque, avec circonspection, les événements Erasmus qui sont organisés. Même si elle explique qu’il y a tous les soirs ou presque des soirées proposées spécifiquement pour les étudiants Erasmus, elle semble ressentir une certaine lassitude vis-à-vis de cette ambiance alcoolisée : « les élèves boivent tous beaucoup, c’est l’un des principaux vecteurs de socialisation. De mon point de vue, ce n’est pas une bonne idée de passer son temps en soirée: on a l’impression d’être très entouré, mais dans les faits les gens se croisent et ne se recontactent pas, c’est un tourbillon social plus qu’autre chose ».
La jeune brune affirme qu’il faut sortir de sa zone de confort : «c’est plus brutal qu’on ne le pense, débarquer dans un pays étranger. Ne pas s’enfermer chez soi est primordial, même si les premiers jours peuvent être durs. Se balader dans la ville, même seule, m’a personnellement beaucoup aidée pour prendre mes marques et repérer mes quartiers préférés».
L’étudiante conseille également aux jeunes qui veulent se lancer dans l’aventure Erasmus à Séville de se mettre à niveau en espagnol : « j’ai le niveau B2/C1 [elle parle donc couramment espagnol], et pourtant, je pense avoir eu besoin de trois bonnes semaines avant de m’habituer à l’accent andalous. C’est plus compliqué de se faire des amis sévillans si l’on n’a pas l’oreille exercée, ils ont tendance à couper les -s et à mâcher certaines syllabes ».
Et les cours ?
Une année universitaire en Espagne n’est pas synonyme de vacances, au contraire. Les emplois du temps sont chargés, Laura indique qu’elle a une vingtaine d’heures de cours par semaine, un volume horaire lambda dans une université française.
«J’ai de la chance de suivre des cours qui m’intéressent. Les professeurs sont tous attentifs au fait que je suis une étudiante étrangère, et les élèves espagnols sont très gentils avec moi, ils n’hésitent pas à me proposer de l’aide en cas d’incompréhension. Il y a un rapport plus simple et qui me semble plus sain avec les professeurs, également : on se tutoie entre nous et on les appelle par leur prénom. Et ça ne signifie pas qu’ils n’ont pas d’autorité !», raconte-t-elle avec enthousiasme.
Un seul regret : la localisation de l’Université Pablo de Olavide, assez excentrée. En effet, l’étudiante habite à San Julian, à proximité de la gare, dans une colocation internationale, et elle a besoin d’une quarantaine de minutes pour se rendre à la fac. En revanche, elle conseille le quartier dans lequel elle réside : « c’est un quartier très typique, moins clinquant que l’hypercentre, mais quasiment sans touristes, c’est donc beaucoup plus calme. Et je croise souvent les mêmes têtes, il y a un côté petit village, tous mes voisins sont espagnols ».
L’image que l’on donne de l’expérience Erasmus est donc à relativiser, et c’est finalement un équilibre qu’il faut tenter de viser : sortir, certes, mais ne pas s’oublier dans ces soirées dans lesquelles certains étudiants se rendent chaque soir presque religieusement ; s’entourer d’étudiants étrangers qui vivent la même expérience que soi, bien sûr, mais ne pas hésiter à sociabiliser avec des locaux pour améliorer son niveau de langue et s’immerger dans la culture du pays ; éviter de s’isoler, enfin, mais aussi profiter de cette parenthèse dorée pour se recentrer sur soi et réfléchir à ses projets individuels.