Déclarée Festival d’Intérêt Touristique International, la Semaine Sainte est un phénomène né dans l’Antiquité, resté extrêmement fidèle jusqu’à aujourd’hui. Que vous soyez religieux ou non, les processions ne manqueront pas de vous émouvoir, grâce notamment à ses ”Bandas” de musique (constitués de clairons, trompettes et tambours), qui constituent un genre musical à part entière avec des œuvres sublimes. Du dimanche des Rameaux (l’entrée de Jésus dans Jérusalem) au dimanche de Pâques (sa résurrection), la Semaine Sainte est l’un des plus importants rituels de pénitence de la chrétienté. Mais afin de bien comprendre ce rituel sacré pour bon nombre d’Andalous - et célèbre dans toute l’Espagne comme dans le monde entier - vous ne pouvez pas passer à côté de ces cinq éléments fondamentaux.
1. Les confréries, kesako ?
Les centaines de confréries, dont soixante à Séville, chacune avec ses particularités, offrent autant de façons de célébrer la joie, le deuil, la ferveur, l'espoir, la croyance, et la foi, reflétant ainsi une intensité allant de l'excitation débordante à la sérénité silencieuse.
Chaque confrérie a son propre récit et ses traditions uniques. Certaines d'entre elles incluent même des membres de différentes générations, mettant en lumière le caractère intergénérationnel de ces pratiques.
Chacune transporte un ou plusieurs autels, appelés "pasos", portés à dos d'hommes tout au long du parcours processionnel.
De plus, chacune d’entre elles se distingue par ses propres couleurs distinctives et transporte deux trônes. Le premier est orné d'une statue représentant Jésus Christ et évoque les scènes de la Passion. Le second trône, quant à lui, met en scène la Vierge Marie en deuil, accompagnée d'un nombre variable de "Nazarenos".
Les "Nazarenos", ainsi nommés, sont les membres de la confrérie qui participent à la procession. Ils sont reconnaissables à leurs costumes masqués et à leurs tuniques colorées, assorties d'une capuche pointue appelée "capirote". Habituellement, les Nazarenos portent des bougies de procession, des croix en bois et d'autres attributs en fonction de leur rôle spécifique au sein de la procession.
Les couleurs des tenues portées par les confréries lors des processions revêtent des significations symboliques profondes et ne sont pas sélectionnées de manière aléatoire. Chaque couleur porte une signification particulière : le rouge évoque le sang et la passion du Christ, le violet est associé à la pénitence, le blanc symbolise la paix tandis que le bleu représente l'amour céleste. Il n'est pas rare de voir les confréries combiner plusieurs couleurs dans leurs tenues, ajoutant ainsi une dimension supplémentaire à leur symbolisme.
2. Les trônes, ou plusieurs tonnes de bois et d’or portées sur les épaules
Les trônes, portés par les membres dévoués de la confrérie, arborent les icônes sacrées, débutant par celle de Jésus et suivie de celle de la Vierge Marie. Leur poids peut être considérable, le plus imposant atteignant parfois plus de 5 tonnes. À Malaga, le trône de la Vierge de l'Espérance se distingue en tant que plus lourd de tous, pesant 5100 kg et nécessitant l'effort de 260 porteurs.
Bien que principalement composés d'hommes, certaines fraternités incluent également des femmes parmi leurs membres. Les socles des trônes, ornés de bois doré, accueillent des images réalistes de Jésus ou de la Vierge Marie, reposant sur 6 à 8 piliers portés par les frères de la confrérie (les costaleros), soutenus par leurs épaules ou leurs cous. La Vierge Marie est généralement représentée avec une couronne symbolisant sa royauté, accompagnée d'une cape richement décorée. Sa statue est entourée de bougies, de fleurs et parfois recouverte d'un pallium.
3. Immersion totale avec l’utilisation des cinq sens
Le spectateur, ou plutôt le fidèle dévoué, est enveloppé par la solennité religieuse, submergé par une expérience sensorielle intense : le silence qui assourdit ou la musique rituelle qui résonne aux oreilles, la pression de la foule s'empressant d'embrasser les pieds des statues baroques, le rythme puissant de la musique vibrant à travers les corps des participants, l'éclat doré des ornements et la brillance du velours des fidèles qui éblouissent les regards, et l'odeur enivrante des cierges brûlants imprégnant les rues. Derrière les pasos, les pénitents défilent en un silence solennel.
La pratique de la pénitence, commune à de nombreuses religions, symbolise le rachat des fautes par la souffrance, un acte d'espoir affirmant que rien n'est irréparable
Tout comme le Christ a enduré sept jours de passion, les Sévillans participant à ce rituel se trouvent dans le dépassement de soi et dans la pratique de la pénitence, s'identifiant ainsi à son sacrifice.
4. La saeta : flamenco ou ferveur religieuse ?
Le chant des saetas dédiées aux figures de la procession est incontestablement l'une des expressions culturelles les plus marquantes de la Semaine Sainte. Il s'agit d'un chant religieux typique, propre à ces jours de Passion, qui évoque le flamenco. Le "saetero" doit posséder une voix forte et chargée d'émotions, car ce chant est exécuté sans accompagnement musical et est adressé directement à l'image sainte.
🟢 Cuando Manolo Cuevas dejó encogida a la Campana con su saeta a la Esperanza Macarena. Madrugá de 2013.
— 𝗜𝗻𝗳𝗼 𝗖𝗼𝗳𝗿𝗮𝗱𝗲 ™️ (@info_cofrade) March 12, 2024
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Lorsque retentit une saeta, le pas du cortège ralentit ou s'arrête devant l'émotion dégagée par le chant.
Si vous assistez à la Semaine Sainte en Andalousie, vous ne pouvez faire l'impasse sur cette manifestation culturelle poignante, qui constitue l'un des moments les plus émouvants des processions. Vous pourrez entendre ce chant depuis les balcons, d’où les fidèles n’hésitent pas à s’échauffer la voix et applaudir les processions
5. Les “Imágenes” ou “Pasos” ces figures qui racontent la Passion du Christ
Ce sont les stars de la semaine sainte. Les représentations sculpturales de la Passion du Christ ont été conçues pour permettre aux fidèles d'assister aux processions en plein air. Les statues du Christ de la Semaine Sainte de Séville sont généralement réalisées en bois, bien que certains exemples puissent être sculptés dans d'autres matériaux tels que le plâtre ou la résine. Ces sculptures sont souvent l'œuvre d'artistes locaux ou de renom, qui utilisent des techniques de sculpture traditionnelles pour donner vie aux figures sacrées. Chaque statue est minutieusement sculptée pour représenter fidèlement les traits du Christ, en mettant l'accent sur l'expression du visage, les détails anatomiques et les vêtements. Une fois sculptées, les statues peuvent être peintes à la main pour ajouter des détails supplémentaires et les rendre encore plus réalistes. Enfin, les statues sont habillées de vêtements liturgiques, souvent brodés à la main et ornés de symboles religieux, avant d'être utilisées lors des processions de la Semaine Sainte à Séville.
¡Cuánta belleza, Dios mío! Esto es Sevilla y su Semana Santa.
— La Pasión (@LaPasion7TV) March 24, 2024
La Borriquita... @HermandadAmor #SSanta7TV @7TVSevilla pic.twitter.com/Na4N4Oo5vf
A l’époque, les messes étaient célébrées en latin, ce qui rendait la liturgie incompréhensible pour de nombreuses personnes. Avec le temps, ces représentations ont évolué vers des formes de plus en plus théâtrales, enrichissant ainsi les traditions et la scénographie des processions.
La Madrugá, l'aube du Jeudi au Vendredi saint, constitue le moment le plus solennel de la Semaine Sainte à Séville. Cette nuit-là, certaines des images les plus vénérées, telles que le Jesús del Gran Poder, la Macarena, l'Esperanza de Triana ou le Cristo de los Gitanos, sont sorties en procession. Tout au long de cette nuit et jusqu'à tard dans la journée, les rues de la ville sont imprégnées d'une atmosphère chargée d'émotions et de dévotion. Cependant, il est recommandé de faire preuve de patience, car les temps d'attente pour admirer ces pasos sont souvent longs.
Les plus belles processions restent encore à venir ! Les Andalous restent debout toute la nuit afin de vénérer les images du Jésus del Gran Poder, la Macarena, l’Esperanza de Triana ou encore le Cristo de los Gitanos, à Séville.
Les processions continueront encore jusqu’à dimanche, date de la résurrection, qui clôturera une semaine riche en célébrations, recueillement et chants. Venez les découvrir dans cette belle Andalousie !