Pour Zakaria El Hamel, fondateur de "Jeunesse pour la Paix et le Dialogue entre les Cultures", l’éducation est un précieux levier pour la transformation des mentalités. Quant à la Méditerranée, elle est la mer de tous les défis! Questions-réponses...


LePetitJournal.com : Qu'est-ce qui vous a amené à devenir un défenseur de la paix et des droits humains?
Zakaria El Hamel : Mon parcours ne découle pas d’un événement unique, mais d’une conviction profonde façonnée par mon environnement. Ayant grandi en voyant de nombreux jeunes exclus, confrontés à l’intolérance et au manque d’opportunités, j’ai ressenti la responsabilité d’être la voix de ceux qu’on n’entend pas. Mes premières initiatives communautaires au Maroc m’ont vite montré que la paix et les droits humains sont des valeurs universelles à défendre. Ma plus grande inspiration reste la certitude que le dialogue et l'éducation peuvent transformer les sociétés.
De plus, durant ce qu'on appelle au Maroc les «années de plomb», j’ai été témoin des disparitions forcées et du silence imposé. Mon père, défenseur des droits humains, m’a transmis les valeurs de justice, de dignité et de diversité. Ces expériences m’ont forgé la conviction que la paix est une nécessité. En créant "Youth for Peace and Dialogue Between Cultures", (Jeunesse pour la paix et le dialogue entre les cultures, ndlr) en 2005, j’ai transformé la douleur en motivation.
Quels moments décisifs ont le plus influencé votre engagement?
Zakaria El Hamel : Deux moments marquants me viennent à l’esprit. D’abord, la prise de conscience que de nombreux jeunes connaissaient mal la Déclaration universelle des droits de l’homme, ce qui m’a poussé à sensibiliser des centaines de milliers de jeunes au Maroc par l’éducation et le dialogue. Ensuite, ma participation comme délégué de la jeunesse marocaine au Sommet international des jeunes pour les droits humains à l’ONU à Genève en 2010, qui m’a encouragé à intensifier mes efforts contre l’extrémisme et le fanatisme. Ces expériences ont renforcé ma conviction que la paix se construit avant tout par le dialogue et la compréhension.

Vous avez reçu plusieurs prix pour vos actions. Lequel vous tient le plus à cœur et pourquoi?
Zakaria El Hamel : Chaque reconnaissance est un encouragement, mais il n'en demeure pas moins que le soutien international à mes efforts pour promouvoir le dialogue interculturel et interreligieux prouve que mon travail est reconnu au Maroc comme à l’international. Cela me donne de la force. C’est la confiance placée dans la paix par le dialogue qui compte à mes yeux.
De plus, ma nomination au Prix Nobel alternatif de la paix, ainsi que d’autres distinctions comme le Prix public de la paix, ont renforcé la visibilité de ma fondation et amplifié mon impact ici et ailleurs.
De plus, ma nomination au Prix Nobel alternatif de la paix, ainsi que d’autres distinctions comme le Prix public de la paix, ont renforcé la visibilité de ma fondation et amplifié mon impact ici et ailleurs.
Cette reconnaissance mondiale me donne envie de poursuivre mon engagement en promouvant une éducation complète aux droits humains et en portant ces enjeux sur les plateformes internationales.
Selon vous, quelle responsabilité découle de cette reconnaissance internationale ?
Zakaria El Hamel : Je ne me repose jamais en tant que militant pour la paix. La reconnaissance n'est pas une fin en soi, mais une responsabilité qui m'oblige à travailler plus dur, à inspirer les autres et à rester fidèle aux principes de justice, de paix et de dialogue. Elle implique également d'amplifier la voix des jeunes qui n'ont pas encore de tribune et de veiller à ce que cette reconnaissance se traduise par des actions concrètes en faveur d'un changement positif.
Vous apparaissez dans le documentaire « Voices for Humanity ». Que signifie pour vous cette exposition médiatique à travers un film documentaire ?
Zakaria El Hamel : Participer à « Voices for Humanity » ou "Des voix pour l'humanité", diffusé dans plus de 240 pays et territoires, a été une occasion unique de mettre en lumière la jeunesse marocaine et ses aspirations à la paix. Cela prouve que des initiatives locales peuvent avoir un écho mondial et qu’une seule voix, sincère et persistante, peut inspirer l’espoir et motiver à agir.
L’épisode retrace le parcours du Maroc en matière de droits humains à travers mon expérience, des « années de plomb » à une ère de consolidation de la paix portée par les jeunes. Il met en avant mon rôle de leader dans l’éducation de centaines de milliers de Marocains aux droits humains, en partenariat avec Youth for Human Rights International.
La série, conçue pour amplifier la voix des acteurs du changement, me place parmi un groupe restreint d’icônes mondiales des droits humains. Mon histoire, désormais accessible en 17 langues et diffusée sur des plateformes comme DIRECTV, Roku, Amazon Fire et Apple TV, bénéficie d’une visibilité bien au-delà des réseaux régionaux.
Cette étape me positionne aujourd’hui comme l’un des militants marocains les plus remarquables en matière de droits humains et de paix, avec une portée et une résonance rares.
Vous préparez un événement autour de la Méditerranée et du dialogue interculturel. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Zakaria El Hamel : La Méditerranée a toujours été un carrefour de civilisations. Pour célébrer la Journée de la Méditerranée le 28 novembre 2025 dans le cadre des activités de l’ALF, je propose un concert intitulé « Sons de la base : les voix des jeunes pour la paix et le dialogue à travers la Méditerranée ». L’événement mettra en avant des musiques et récits authentiques issus des communautés locales.
La participation exceptionnelle de Maâlem Abdelkader Amlil, dont la musique Gnaoua incarne la fusion des traditions africaines, berbères et arabes, sera au cœur du concert.
Ce patrimoine spirituel et culturel du Maroc constitue un puissant vecteur de dialogue interculturel, de résilience et de lien communautaire.
En réunissant diverses voix de jeunes et expressions musicales populaires, le concert visera à renforcer compréhension, appartenance et coexistence pacifique dans toute la région. Soutenu par les administrations locales et la Fondation Anna Lindh, il sera une célébration vibrante de l’identité et du patrimoine commun, amplifiant les voix venues de la base pour promouvoir solidarité et respect entre les cultures.
Comment percevez-vous la contribution de l'Andalousie, avec son patrimoine culturel et historique, aux initiatives de dialogue et de paix autour de la Méditerranée ?
Zakaria El Hamel : L'Andalousie est un symbole puissant de coexistence entre les cultures et les religions car elle symbolise dans la mémoire cognitive un âge d'or de tolérance et de raison. Son histoire rappelle que la paix est possible lorsque les communautés se respectent et apprennent les unes des autres. Ce patrimoine peut inspirer les nouvelles générations à considérer le dialogue et la diversité culturelle comme des atouts pour construire une région méditerranéenne plus pacifique. Nous pouvons bel et bien nous inspirer de ce passé multiculturel pour promouvoir la compréhension et le respect mutuels entre les différentes communautés. En faisant revivre cet héritage à travers le dialogue interculturel, l'éducation et les collaborations culturelles, telles que les échanges musicaux et artistiques, nous œuvrons à surmonter les divisions et à construire des ponts pour une coexistence pacifique. Le patrimoine de l'Andalousie nous rappelle, en sus, que notre histoire commune peut nous guider pour relever les défis contemporains, favoriser la coopération et nourrir la paix dans toute la région méditerranéenne.
Quelle place occupe le monde francophone dans vos actions en faveur de la paix et des droits humains ?
Zakaria El Hamel : Le monde francophone est au cœur de mon travail, à la fois en raison des liens historiques du Maroc et de l'engagement de la Francophonie en faveur de la diversité culturelle et des droits humains. M'adresser à un public francophone me permet d'entrer en contact avec des millions de personnes à travers les continents, en particulier en Afrique, où les jeunes façonnent l'avenir de la paix et de la démocratie. Il devient un pont essentiel pour la communication, la collaboration et la sensibilisation.
Dans quelle mesure pensez-vous que la francophonie peut être un puissant vecteur de rapprochement entre les rives de la Méditerranée ?
Zakaria El Hamel : La francophonie est un pont entre l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient. Par une langue commune et des échanges culturels, elle peut promouvoir tolérance, droits humains et autonomisation des jeunes, faisant du monde francophone un moteur d’unité et de paix en Méditerranée. Le français devient ainsi un vecteur pour relier les peuples, combler les divisions et renforcer la coopération pacifique.
Quels sont vos prochains objectifs en tant que militant pour la paix ?
Zakaria El Hamel : Mes prochains objectifs de militant pour la paix allient impact local et résonance mondiale.
J’organise au Maroc le festival "Voices for World Peace" (« Des voix pour la paix mondiale" en français, ndlr), une plateforme réunissant des jeunes, des artistes et des artisans de la paix du monde entier pour amplifier le dialogue interculturel.
À long terme, je veux nouer des partenariats stratégiques reliant la société civile marocaine aux réseaux internationaux, et développer des discours durables contre l’extrémisme grâce à l’éducation, la créativité et l’engagement communautaire.
Propos recueillis par Houda BELABD
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