Difficile de parler de "nouvelle" réforme du travail puisque le texte approuvé lors du dernier Conseil des ministres de 2021 n’abroge finalement pas la réforme du PP de 2012. En revanche, elle introduit plus de rigidité pour l’embauche, avec des contrats temporaires très limités, une pénalisation de la rotation abusive des contrats et une généralisation du CDI.
L'objectif principal de cette réforme du travail est de réduire la précarité de l'emploi. Ainsi, le taux d'emploi temporaire sur le marché du travail espagnol est supérieur de 11 points à la moyenne européenne et un contrat sur quatre signé en novembre dernier avait une durée inférieure à une semaine.
Avec cette réforme, le gouvernement espagnol répond à l'exigence imposée par la Commission européenne de réduire le poids de ces emplois précaires afin de débloquer 12 milliards supplémentaires de fonds européens dans les prochains mois.
Objectif du gouvernement espagnol : réduire les contrats temporaires
Faites ce que je dis, pas ce que je fais : il est cependant frappant de constater que le principal moteur de l'emploi temporaire en Espagne n’est pas le secteur privé, mais l’administration, en particulier le secteur public régional dans les domaines de l'éducation et de la santé. Concrètement, alors que dans le secteur privé, le taux d'emploi temporaire est de 23%, dans le secteur public il est proche de 30%, soit le taux le plus élevé d'Europe, selon les dernières statistiques d'Eurostat sur l'emploi.
La nouvelle réforme établit donc que le contrat de travail ordinaire sera à durée indéterminée et qu'il n'y aura qu'un seul contrat temporaire avec deux causes précises pour y avoir droit : en raison des circonstances de la production ou pour remplacer un travailleur.
Afin d’arriver à cet objectif, le "contrat de service" et le "contrat à durée déterminée", qui constituaient les modalités de contrat temporaire par excellence et les plus utilisées dans les secteurs tels que la construction, sont supprimés. Le contrat ordinaire sera désormais à durée indéterminée, et une fois le travail terminé, l'entreprise devra offrir au travailleur une proposition de relocation qui, si elle est refusée ou si elle ne peut être exécutée, entraînera la résiliation du contrat avec une indemnité de 7% calculée sur les concepts salariaux de la convention collective.
Aide à la production ou…
Le "contrat de type temporaire" est renommé "contrat dû aux circonstances de la production". Sa cause est reformulée, en maintenant une durée maximale de 6 mois, extensible à 12 mois par convention collective sectorielle. Un sous-type est créé pour utiliser un maximum de 90 jours par an, liés à des situations occasionnelles et prévisibles de durée réduite et limitée. Le recours à ce contrat est pénalisé par une cotisation supplémentaire, qui sera jusqu'à trois fois le taux actuel, en fin de contrat lorsque sa durée est inférieure à 30 jours.
… pour remplacer un travailleur
Le "contrat intérimaire" est renommé "contrat de remplacement d'un travailleur". Il sera possible de commencer jusqu'à 15 jours avant l'absence du travailleur remplacé. Ce type de contrat pourra également être utilisé pour compléter la journée de travail des travailleurs dont l'horaire est réduit pour des raisons légales ou pour la couverture temporaire d'un poste pendant un processus de sélection ou de promotion, pour un maximum de 3 mois.
Contrat réservé au travail saisonnier
Le "contrat à durée indéterminée discontinue" est également renforcé. Il peut être conclu pour l'exécution d'un travail saisonnier ou de nature intermittente. Il peut aussi être utilisé dans le cadre de contrats commerciaux ou administratifs et, aussi entre les agences de travail temporaire et le personnel engagé pour leur prestation. Dans ce type de contrat, la rémunération est augmentée et l'ancienneté est également reconnue dès la signature du contrat et non seulement pendant le temps de travail.
De temporaire à fixe
Les contrats des travailleurs qui dépassent les périodes établies seront convertis en CDI, ainsi que ceux qui cumulent 18 mois de travail au cours d'une période de 24 mois (contre 30 jusqu’ici), dans le même emploi ou un emploi différent auprès de la même entreprise ou du même groupe d'entreprises, s'ils cumulent deux contrats ou plus, directement ou par le biais de leur mise à disposition par une ETT (agence de travail temporaire).
De lourdes sanctions
Le catalogue des infractions a été mis à jour, avec de lourdes pénalités de 10.000 euros par travailleur concerné par l'irrégularité, et non plus par entreprise pour les sociétés qui enfreignent les règles. Le rôle de l'inspection du travail dans le contrôle des exonérations de cotisations de sécurité sociale est également renforcé.
Que se passe-t-il avec les contrats actuels ?
Qu'adviendra-t-il des contrats de quatre millions de travailleurs qui sont, à ce jour, temporaires ? Il a été établi un régime transitoire pour l'adaptation des contrats actuels à la nouvelle réglementation. De ce fait, tous les contrats signés avant le 31/12/2021 seront régis par les règlements précédents jusqu'à leur résiliation.
Priorité aux contrats de formation
Les contrats de formation seront de deux types, inspirés du modèle allemand : alternance et stages. Les actuels "contrat de formation et d'apprentissage" et "contrat de stage" seront remplacés par le "contrat de formation en alternance" et le "contrat de formation à la pratique professionnelle". Mais il ne s’agit pas d’un simple changement de nom. Leur durée maximale est réduite à deux ans pour les premiers et à un an pour les seconds. Des exigences accrues sont établies et la figure du tuteur dans l'entreprise prend une importance particulière.
Ainsi, le contrat d'alternance visera la formation en alternance, un concept de plus en plus répandu en France par exemple et que certains secteurs considèrent comme la solution à la pénurie de main-d'œuvre. Ce type de contrat s'adressera uniquement aux personnes de moins de 30 ans, combinera travail et formation (les personnes employées dans le cadre de ce régime devront obligatoirement avoir un tuteur) et le contrat ne pourra pas être inférieur à trois mois ni supérieur à deux ans.
Quant au contrat de stage, il dépendra largement de l'accord de chaque secteur. Il durera entre six mois et un an, et ne pourra être utilisé que pendant les trois années qui suivent la fin des études du jeune.
Espagne : retour de la négociation collective
En ce qui concerne la négociation collective, l'un des principaux changements réclamés par les syndicats est instauré : la prééminence de l'accord sectoriel sur l'accord d'entreprise en matière de salaires. La conséquence à moyen terme devrait être une augmentation des salaires.
En revanche, la prévalence de l'accord d'entreprise se maintient dans d'autres aspects tels que les horaires de travail et la répartition du temps de travail, l'adaptation de la classification professionnelle et les mesures de conciliation familiale.
D'autre part, le régime d'ultra-activité des conventions collectives est rétabli, c'est-à-dire que les conventions collectives resteront en vigueur jusqu'à ce qu'elles soient remplacées par de nouvelles ; elles ne deviennent donc pas caduques, comme le prévoyait la réforme de 2012.
Les ERTEs restent
Le gouvernement souhaite qu'il y ait plus d'ERTE et moins de licenciements collectifs. A cette fin, la figure du plan de licenciement temporaire est renforcée en cas de limitation ou d'empêchement de l'activité. Toutefois, il faudra l'intervention de l'administration pour qu'il y ait une telle limitation ou fermeture d'activité. De plus, tant que les ERTE sont en vigueur, il n'y aura pas d'heures supplémentaires, pas de nouvelles embauches et l'activité ne pourra pas être externalisée.