Exactement 33 ans se sont écoulés entre les premières élections semi-démocratiques de 1989 et 2022, soit l’âge qu'aurait eu le Christ au moment de sa crucifixion. C'est également le nombre de degrés de chaleur correspondant à la température d’ébullition de l’eau sur l’échelle de Newton. La Pologne serait elle en train de bouillir ?
En ce début d'année propice aux bilans, Christophe Turowski, ancien grand reporter et témoin de son temps, tire les leçons du passé en revenant sur les évènements qui ont construit la Pologne d'aujourd'hui. Ne dit-on pas qu'il faut savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va ?
Vivement le printemps !
En juin 1989, après des élections partiellement libres, la Pologne regagne sa liberté.
6 mois après, le 31 décembre 1989, la fameuse réforme économique de Leszek Balcerowicz entre en vigueur.
En 1989, il est devenu ministre des Finances dans le premier gouvernement non communiste de Tadeusz Mazowiecki et a dirigé les fameuses réformes économiques, ouvrant au marché libre.
Il y a 33 ans, la réforme balaie le régime communiste et en même temps commence une série de plans très douloureux, très critiqués, mais réussis.
Bon économique de la Pologne
Je ne vous cache pas qu’en 1989, j’ai cru que cette série de réformes serait rapide et que la mentalité des Polonais changerait aussi vite que la mutation économique.
Il s’avère, que durant quelques années, notre vie s’est considérablement améliorée.
Les nouveautés techniques et technologiques ont débarqué en Pologne. La richesse des Polonais augmentant chaque année grâce à leur ingéniosité en toutes circonstances.
Ils ont commencé à voyager, exporter, autrement dit, ils ont carrément envahi le monde entier et l’ont même étonné par leur capacité à se transformer.
Ils ont combattu l’inflation endémique, et ce, malgré la critique, ont terminé la transformation économique du pays.
Le virage des années 2010
Au cours des années 2010, la Pologne est même citée dans la presse économique comme l'enfant prodige de l’Union Européenne, alors plongée dans la crise la plus importante qu’elle ait connue, depuis la Seconde Guerre Mondiale.
Tout, va donc bien, mais…
… Il y a toujours ces côtés sombres des Polonais, qui viennent cycliquement noircir le tableau.
Leur tendance à la jalousie et leur nostalgie des années communistes ou quand l’égalité signifiait le partage égal de pauvreté, par exemple.
Une bonne partie de la société a conservé une attitude « créancière », pour parler clairement.
Cela se traduit par :
- On va aller chercher ce qui nous revient !
Concrètement, c'est le début de l’isolement
Le parti PiS (Droit et Justice Prawo i Sprawiedliwość) a su tirer parti de ces frustrations pour gagner les élections, deux fois consécutives.
Tout cela a été réglé démocratiquement. Oui, mais…
Les manipulations émotionnelles d’un groupe « patriotique » ont de nombreuses conséquences.
L’orgueil polonais, placé sur l’échiquier politique, provoque, par exemple, des conflits avec l’Union Européenne, les États-Unis, ainsi qu’avec tous les voisins aux frontières du pays. La Pologne s’isole de plus en plus et est de plus en plus fractionnée, clivée, intérieurement.
Et pour que les mauvaises choses arrivent par trois : la pandémie et l’inflation aggravent la situation économique et sociale.
L’espoir nourrit nos vies et notre histoire
Je suis vraiment désolé que mes pensées, en ce début de 2022, soient en mode mineur.
Souvenez-vous que les Polonais se plaignent beaucoup, mais malgré tout, gardent toujours espoir.
Notre expérience de l’époque communiste nous assure que tout passe… la pandémie et les crises politiques.
Le 21 mars, ce sera le printemps. Alors d’ici là, on verra, n’est-ce pas ?
Article initialement publié le 5 janvier 2022
Christophe Turowski a été grand reporter au Figaro, correspondant à Varsovie, reporter pour la radio et la télévision polonaise à Paris et Bruxelles, présentateur de talk-show sur la chaine TVP et rédacteur en chef adjoint à TV Biznes, auteur de reportages et de livres historiques et économiques, il a vécu « en direct » tous les grands événements historiques qui ont changé la Pologne, ces 40 dernières années. C’est également à lui qu’on doit la fameuse campagne de communication mettant en scène le fameux « plombier polonais ».
En tant que diplomate pour la République de Pologne, Christophe a été en poste en Belgique et au Luxembourg.