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Hung Yi : "Ma création est une attitude envers l’existence"

hung yihung yi
Juan Peiró
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 29 janvier 2021, mis à jour le 2 février 2021

Si vous vous êtes promenés récemment près de la Cuitat de les Arts i les Ciències, vous avez sans doute aperçu d’imposantes sculptures d’animaux colorés qui suscitent la curiosité des passants et font le bonheur des visiteurs. Depuis le mois de décembre, l’espace accueille l'exposition "Galaxie Hung", un ensemble de quatorze sculptures de l'artiste Hung Yi.

Né à Taiwan en 1970, Hung Yi est un artiste international qui se montre très prolifique dans l’univers de l’art urbain et fait dialoguer les cultures à travers son œuvre. Si vous n’avez pas encore visité son exposition à Valence, il est toujours temps, vous avez jusqu’au 21 février. En attendant, voici notre entretien avec l’artiste.

 

Paul Pierroux-Taranto : La Cuitat de les Arts i les Ciènces accueille votre exposition “Galaxie Hung” jusqu’au 21 février 2021. Vous y exposez un ensemble de 14 sculptures qui représentent des animaux interprétés selon un regard personnel. Quelles sont les sources d'inspiration à l’origine de votre galaxie ?

Hung Yi : L'inspiration qui permet de créer vient de l'expérience et des sentiments de la vie, des rencontres que l’on fait sur le chemin de son existence. Mon travail évolue en fonction de mon humeur. Les animaux font partie du monde et, dans mes œuvres, je les aborde à travers mon imaginaire. L’image amicale que ces animaux renvoient les rapproche des spectateurs et me permet ainsi de partager mes pensées. Ma création est une attitude envers l’existence.

 

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Photo : Juan Peiró

 

Tout le monde devrait protéger les espèces rares. Nous avons pris conscience que leur vie dépend de nous. On devrait en faire autant entre êtres humains et prendre soin les uns des autres car chaque personne est unique.


Certains animaux se rattachent au bestiaire du nouvel an chinois et à une symbolique orientale. On dit par exemple du singe qu’il écarte les mauvais esprits ; le panda est un symbole d’amitié et de paix et les deux canards renvoient à l’amour dans le feng shui. Pourriez-vous revenir sur la symbolique des animaux que vous exposez.

"Hou Jiao Xin": Les singes adorent les bananes. Ils pensent aux bananes, donc des bananes poussent sur leur tête. Cela représente le lien étroit qui existe entre les deux : ils sont interdépendants.

"Panda":  Tout le monde devrait protéger les espèces rares. Nous avons pris conscience que leur vie dépend de nous. On devrait en faire autant entre êtres humains et prendre soin les uns des autres car chaque personne est unique. Le contexte que nous vivons nous rappelle à quel point nous devons prendre soin les uns des autres, nous protéger et profiter des beaux moments que nous passons ensemble. 

"Canard mandarin" et "Cygne": que ce soit dans les cultures orientales ou occidentales, les deux sont des animaux qui symbolisent l'amour parce qu'ils se font constamment des câlins, sont en couple et toujours amoureux. Dans les mariages, ils symbolisent la bénédiction de l'amour.

J'utilise souvent les images de la nature comme une métaphore pour les personnes et leurs actions. Par exemple, le bambou qui grandit tige après tige indique qu'une personne va de mieux en mieux. Le taureau est un animal puissant et, en chinois, le mot “taureau” est un synonyme de force. Dans le vocabulaire chinois, de nombreuses phrases contiennent des jeux de mots avec des connotations culturelles. Cela permet de partager la culture avec plus de gens de manière intéressante et humoristique.

 

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Photo : Juan Peiró

 

Combien de temps vous a-t-il fallu pour réaliser chacune de ces œuvres ? Pouvez-vous nous parler du processus de création.

Chaque œuvre nécessite en moyenne six mois. Mais cela dépend beaucoup de la difficulté de la mise en forme et de la peinture. La technique de base est l'esquisse, la délimitation du modèle, la mise à l'échelle, la fabrication de la structure en acier, le moulage des nervures des tôles en acier inoxydable, le polissage et le lissage, puis la peinture. Tout cela prend du temps et met vraiment à l'épreuve notre patience et nos techniques.

 

J'attends avec impatience les idées et la créativité artistiques qui émergeront des différences et des similitudes entre les cultures orientale et occidentale. De leur rencontre naîtra quelque chose que nous n’avons jamais vu auparavant.

 

Vous avez déclaré que chaque sculpture renferme une histoire qui lui est propre et qui est cachée dans les détails. D’où vient le soin et la méticulosité portés aux dessins ?

Bien que les personnes se ressemblent à l’extérieur, chacune renferme à l’intérieur des histoires, des émotions et des expériences de vie qui lui sont propres. Nous utilisons les animaux pour symboliser les différentes personnalités des êtres humains et le charme qui les caractérise. Cela permet de rapprocher les gens de manière agréable, de les faire sourire, et d’accroître la chaleur de leur communication et de leur interaction.

 

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Photo : Installation de l'exposition / Juan Peiró
 

Vous êtes le premier artiste taïwanais à être exposé à Valence. Que pouvez-vous nous dire sur le rapprochement des cultures orientales et occidentales ? Et sur leurs différences ?

C’est un honneur pour moi d'être le premier artiste chinois à bénéficier d’une exposition dans ce domaine. Grâce à cela, j'espère vraiment que nous pourrons diffuser les cultures orientales auprès d’un plus grand nombre de personnes en Europe, afin qu’elles comprennent et aiment l'art oriental. Pour moi, la différence de culture réside principalement dans le niveau de sensibilité et de rationalité : la complexité de l'Orient et la simplicité de l'Occident. Il est évident que des environnements différents donnent lieu à des pensées différentes. Cependant, nous avons tous des âmes qui aspirent à l'art et nous aimons tous regarder de belles choses ! Telle est la beauté des échanges multiculturels. J'attends avec impatience les idées et la créativité artistiques qui émergeront des différences et des similitudes entre les cultures orientale et occidentale. De leur rencontre naîtra quelque chose que nous n’avons jamais vu auparavant.

 

Comment avez-vous découvert votre vocation pour l’art ?

À une époque, j'ai dirigé un restaurant, mais je suis ensuite revenu à la création artistique. Les trois années passées dans l'entrepôt 20 ont été la clé qui a défini ma passion pour l'art. Durant cette période, j'ai effectué un grand travail sur moi-même, et ce fut le moment d’apaiser mon esprit, de réfléchir, de méditer… J'ai touché à la beauté des choses. J'ai appris à regarder le monde de manière positive. Ce qu’il y a de plus beau, c’est d’avoir un rêve et l’art, ensuite, vous accompagne. C’est grâce à nos rêves que nous créons quelque chose qui peut durer éternellement ! Créer son propre monde d'art et d'imagination est un défi de tous les instants. Cela nécessite de la persévérance et le courage d' être “soi-même”, de se mettre en résonance avec le monde qui nous entoure. C’est ce qui peut transformer l'art en une profession.

 

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Photo : Juan Peiró

 

Après avoir eu un parcours d’entrepreneur, vous vous êtes finalement consacré pleinement à l’art en l’an 2000 en obtenant une résidence artistique à Art Stock 20. Pourriez-vous revenir sur cette période charnière de votre vie ?

Il n'y a pas de réponses à la vie, ou, à tout le moins, je ne les ai pas encore trouvées.  Apprendre et échouer le long du chemin de la vie est une nécessité. C’est en s’adaptant et se corrigeant sans cesse que l’on peut être capable d’apprécier en son for intérieur la valeur de l'expérience. Je crois que si Dieu ferme une porte, une autre fenêtre s’ouvre en même temps pour que l’on respire à pleins poumons. Les Chinois parlent de “la route du Ciel”

Il faut donc être courageux pour essayer de créer un chemin adapté. En conservant une attitude positive, on peut se donner de la force et se réparer, comme le fait le système immunitaire dans le corps humain. Mes jours passés dans Art Stock 20 sont la fenêtre de mon âme :  je pouvais y sentir la puissance et la magie de l'art. J’ai entretenu celles-ci jusqu’à aujourd’hui ; et je continue à avancer avec passion.

 

À partir de 2004, vous vous êtes montré très prolifique dans l’univers de l’art urbain, jetant les bases de votre style actuel. Comment s’est passée cette transition ?

De 1999 à 2004, j'étais un débutant et j'étais perdu. De 2004 à 2021, avec les encouragements de nombreuses personnes, j'ai participé à des expositions dans le monde entier, pour communiquer et apprendre. Bien que j’aie éprouvé frustrations et difficultés, je crois qu'il y aura du succès à long terme, et je continuerai à me remettre en question encore et encore, pour pouvoir me donner une expérience de vie plus riche. Au cours de ce voyage, je dois remercier tous ceux qui soutiennent silencieusement l'art. Merci pour votre amour. Tout le monde de l’art, merci !

 

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Photo : Juan Peiró

 

C’est grâce à nos rêves que nous créons quelque chose qui peut durer éternellement !

Quel est votre vœu en cette année 2021 pour le monde et pour votre art ?

L'art est intégré à la vie et la culture nous nourrit chaque jour. L'art est une invention perceptive. Il peut être utilisé dans divers domaines et industries afin « d’embellir » notre perception visuelle de l'environnement (alimentation, habillement, logement, transport). Dans cette nouvelle ère du XXIème siècle, la technologie ne cesse de progresser, et la communication dans le village global devient plus rapide et plus aisée. Il en va de même pour le partage de la beauté de l'art. J'emporterai avec moi mes sculptures d'animaux et voyagerai à travers le monde. L'art est une sorte de couleur, de symbole et de sentiment. Il n'est pas limité par la langue, le pays ou le sujet. Je partagerai ainsi les concepts esthétiques et l’enthousiasme de Taiwan avec le reste du monde.


 

Entretien réalisé en chinois.

 

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