La guerre civile éclate en Espagne après la victoire des républicains aux élections de 1936. Le camp franquiste, décidé à renverser le gouvernement, déclenche une rébellion violente, entraînant des destructions massives et des bombardements intenses. C’est le début de trois années de combats sanglants et fratricides. Mais qu’en est-il des chefs-d’œuvre du musée du Prado, joyaux du patrimoine artistique espagnol ? Quel sort leur est réservé ? Face à ce chaos, la décision est prise de transférer une grande partie des oeuvres dans les Torres de Serranos de Valencia…
Focus sur le destin de ces chefs-d'œuvre qui ont échappé aux bombardements de la guerre civile, grâce à la protection des Torres de Serranos.
L’Espagne à feu et à sang : le chaos de la guerre civile
Le coup d’Etat militaire met le feu au poudre, après plusieurs semaines de grèves, d’expropriations et de batailles entre paysans et gardes civils. La confusion et l’enlisement s’emparent de l’Espagne et la bataille de Madrid se profile.
Des affrontements d’une violence inouïe touchent alors la capitale. Les bombardements font rage et l’armée franquiste entre à Madrid. Dans ce tourbillon de violence, le musée du Prado assiste avec inquiétude à sa probable destruction. Les trésors qu’il renferme attendent eux aussi leur sort.
Un trésor artistique en danger : le sauvetage de la collection du Prado
Goya, Velazquez, El Greco, Rembrandt, Le Caravage…Les grands noms de la peinture sont rassemblés dans la précieuse collection du musée. Comptant parmi les plus grandes pinacothèques du monde, le Prado renferme les réalisations les plus abouties de la peinture espagnole, mais aussi française, italienne et flamande. Une grande partie de la collection est issue de la collection privée des Bourbons et des Habsbourg. Un trésor inestimable, qui doit être transféré dans la plus grande urgence.
Las Torres de Serranos, une cachette sûre à Valencia
Mais où ? Valencia est choisie pour être la capitale de la République espagnole par le gouvernement en exil. Les autorités républicaines décident donc de déplacer une partie de la collection du musée du Prado dans la nouvelle capitale. Et quoi de mieux que les Torres de Serranos pour protéger ce trésor de l’humanité menacé de pillages et de bombardements ? Les fortifications médiévales valenciennes deviennent l’antre secret des œuvres.
Dès décembre 1936, une voûte en béton armé d’une épaisseur de 90 centimètres est construite au premier étage des tours. Le but est de protéger par tous les moyens les toiles. En plus de cette voûte, un mètre de sac de riz puis un mètre de terre ont été accumulés au premier étage, de quoi être sûr qu’en cas de bombardement les œuvres ne soient pas touchées. Tous ces travaux sont réalisés à Valencia sous les ordres du Conseil central de sauvetage du trésor artistique, une mission plus que périlleuse en temps de guerre civile. Une autre partie des œuvres sont conservées au Colegio del Patriarca de Valencia. En 1937, leur épopée se poursuit à Barcelone. Les œuvres en danger sont évacuées d’Espagne quelques mois plus tard.
La mystérieuse Mona Lisa de Valencia : l'histoire de la réplique de la Joconde
Parmi les œuvres transférées, une a fait plus parler d’elle que les autres. Les Torres de Serranos auraient-elles abrité l’iconique Mona Lisa de Léonard de Vinci ? Pas si sûr…
En réalité, les tours valenciennes auraient plutôt abrité la plus ancienne réplique de l'œuvre du maître italien. Une copie tellement fidèle à l’originale qu’elle aurait été confondue pendant son transfert à Valencia avec la véritable Mona Lisa. Dans le registre des œuvres transférées, on peut apercevoir la toile sous le nom de La Joconde, précédé du nom de Léonard de Vinci. Un quiproquo éclairci en 2012 par le musée du Prado lui-même : après avoir restauré le tableau, dont l’arrière plan était couvert par un fond noir, les experts se sont rendus compte que celui-ci était une véritable réplique de la Mona Lisa parisienne. Elle aurait été exécutée à peu près au même moment qu’elle, par un des disciples du peintre italien, raison pour laquelle elle serait très proche du travail et du style de De Vinci.
Même si la véritable Mona Lisa n’a pas séjourné au premier étage des Torres de Serranos, on doit beaucoup à ces tours qui ont été le refuge bien gardé de plusieurs centaines de chefs-d'œuvre - et donc d'une part de l'humanité en ces temps d'horreur.