Rafael Guastavino. Si le nom de cet architecte valencien ne vous dit peut-être rien, il est pourtant gravé dans les murs de nombreux édifices. Toutefois, il lui a fallu traverser l’Atlantique pour rencontrer succès et reconnaissance. Voici l’histoire d’un Valencien au destin à jamais lié à celui de la “grosse pomme”.
De Valencia à New York
Sa vie aurait pu être tirée de l’imagination des plus grands scénaristes. Rafael Guastavino voit le jour en 1842 dans la capitale de la Communauté valencienne. À l’époque, la ville n’a pas le rayonnement international qu’on lui connaît aujourd’hui. Pourtant, Valencia jouera un rôle primordial dans l’apprentissage du jeune Rafael, influencé par la richesse architecturale de la ville. Pendant son adolescence, il commence à travailler comme apprenti dans un cabinet d’architecture local, avant de suivre une formation à l’école des maîtres d'œuvre de Barcelone.
En 1881, il pose le pied à New York, laissant derrière lui ses premières constructions : l’usine textile Batlló à Barcelone et le Teatro La Massa, à Vilassar de Dalt. Mais le rêve américain ne va pas débuter comme prévu. Guastavino fuit Barcelone après avoir monté une fraude pour payer son voyage aux États-Unis. Il arrive à New York à l’âge de 39 ans, avec les 40.000$ de l’arnaque en poche, et sans parler un mot d’anglais. Il amène avec lui sa campagne Paulina Roig, et trois enfants, un fils et deux filles. Ses débuts dans la ville américaine sont chaotiques. En 1884, il est ruiné lors de la récession. Le tournant va venir d’une technique importée tout droit d’Espagne : la voûte catalane. C’est le début d’une nouvelle vie, celle qui va donner un sens au reste de son existence et qui sera un accomplissement professionnel.
La clé du succès : la voûte catalane
La voûte catalane est composée de plusieurs couches de briques assemblées par le travers, le côté des briques, de sorte que la partie la plus longue soit visible. Le résultat semble défier la gravité. En effet, les voûtes catalanes sont très fines. Pourtant, elles peuvent supporter des charges bien plus lourdes. Cette technique permet de réaliser de plus grandes structures et des courbes plus souples. Ce système a comme principal avantage d’être incombustible. Dans une Amérique encore meurtrie par l’incendie de 1871 à Chicago, cette technique est un succès. Rafael Guastavino dépose le brevet en 1885 et crée la société Guastavino Fireproof Construction Company, spécialisée dans la construction de voûtes.
Celui que le New York Times nommera “l’architecte de New York” à sa mort est à l’origine de nombreux édifices encore visibles aujourd’hui : le Grand Central Terminal, le Grand Hall d’Ellis Island, le Musée américain d’histoire naturelle, l’église de Saint-Bartholomé ou encore l’hôtel de ville. A Washington, Rafael Guastavino a marqué de ses voûtes le Musée national d’histoire naturelle et la Cour suprême des États-Unis. Rien que ça !
La reconnaissance posthume
À sa mort en 1908, le Valencien a déjà construit près de 360 bâtiments à New York, une centaine à Boston, et bien d’autres à Baltimore, Washington DC ou Philadelphie, tous dotés de son système de voûtes ininflammable. À la mort de son père, Rafael Guastavino Expósito Junior, arrivé à New York à 9 ans, reprend les rênes de l’entreprise. La société Guastavino fermera ses portes en 1962 après 73 ans d'existence et plus de mille projets aux États-Unis.
La reconnaissance de son importance dans l’architecture américaine est arrivée très tard (ses premières citations dans les livres d’architecture datent seulement des années 1970).
Mais à Valencia, la reconnaissance est toute autre. Beaucoup d’habitants ne semblent même pas savoir que la ville a vu naître ce grand architecte. Depuis juillet 2022, la mairie de Valence a décidé d’y remédier. Une statue de l’architecte se dresse maintenant plaza de la Reina, juste à côté de sa maison de naissance. Chapeau à la main, l'architecte semble dessiner une voûte catalane, comme une signature impérissable qui rappelle aux Valenciens qu’un des leurs a façonné un monde de briques aux couleurs du rêve américain.